Validité des marques (non) - Atteinte aux marques antérieures - Reproduction - Similitude intellectuelle, phonétique et visuelle - Identité des services - Risque de confusion - Droit antérieur inopérant invoqué par le défendeur
Contrefaçon des marques (non) - Exception - Usage antérieur d’un nom commercial
Concurrence déloyale et parasitisme (non) - Usage antérieur d'un nom commercial
Demande reconventionnelle en concurrence déloyale - Concurrence déloyale et parasitisme (non) - Reprise du nom commercial - Tolérance
Une société exerçant une activité d’exploitation de résidences hôtelières, et exploitant notamment, depuis 2013, un hôtel dénommé « Marquis Faubourg Saint-Honoré », a déposé, en 2011 et 2012, deux marques verbales MARQUIS et MARQUIS FAUBOURG SAINT HONORÉ et une marque semi-figurative MARQUIS CUR NON. Elle a assigné en nullité des marques verbales MARQUIS, MARQUIS HOTEL, LE MARQUIS HOTEL, HOTEL MARQUIS, HOTEL LE MARQUIS, MARQUIS EFFEIL, LE MARQUIS EFFEIL et HOTEL LE MARQUIS EFFEIL, la société ayant déposé ces marques en 2015, et une autre société appartenant à cette dernière qui exploite, depuis 2008, un hôtel dénommé « Le Marquis ». Elle les a également assignées en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.
Il est fait droit à la demande en nullité formée à l’encontre des marques appartenant à la société mère pour atteinte aux marques verbales antérieures MARQUIS et MARQUIS FAUBOURG SAINT HONORÉ.
La société mère ne peut pas invoquer, pour faire échec à la demande en nullité de ses marques, un droit antérieur[1] au dépôt des marques de la société demanderesse sur le signe « Marquis ». En effet, seule la société défenderesse qui exploite l’hôtel « Le Marquis » revendique des droits antérieurs sur le nom commercial éponyme. Par conséquent, même si la société mère détient cette autre société, elle ne peut se prévaloir d'un droit antérieur au dépôt des marques invoquées.
La marque MARQUIS contestée est identique à la marque verbale du même nom détenue par la demanderesse, et désigne les mêmes services, notamment les services hôteliers et de restauration en classe 43.
Les autres marques litigieuses MARQUIS HOTEL, LE MARQUIS HOTEL, HOTEL MARQUIS, HOTEL LE MARQUIS, MARQUIS EFFEIL, LE MARQUIS EFFEIL et HOTEL LE MARQUIS EFFEIL sont similaires aux marques MARQUIS et MARQUIS FAUBOURG SAINT HONORÉ de la demanderesse. Elles reproduisent en effet le même élément « Marquis » et désignent les mêmes services. Le public concerné, à la recherche d'un hébergement hôtelier, d'une attention élevée, retiendra le terme « Marquis », qui est particulièrement distinctif, en ce qu’il évoque l'élégance et la distinction, pour désigner une offre de service d'hôtellerie, et non les signes « Hôtel » et « Le », qui sont descriptifs, ou le signe « Effeil » qui est difficile à retenir et n'a aucune signification particulière.
Ainsi, le public concerné, au regard de la ressemblance visuelle et auditive des signes en litige qui présentent une forte similarité conceptuelle, sera amené à considérer qu'il existe un lien économique entre la société demanderesse et la société titulaire des marques contestées. C’est dès lors par de justes motifs que le tribunal a retenu l’existence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public, entre les marques.
Si l’invocation d’un droit antérieur aux marques MARQUIS et MARQUIS FAUBOURG SAINT HONORÉ n’a pas permis d’écarter la demande en nullité formée à l’encontre des marques contestées, elle fait en revanche échec aux demandes formées par la demanderesse au titre de la contrefaçon en application de l’article L. 713-6, II, du CPI.
La société demanderesse fait valoir l’utilisation par la défenderesse exploitant l’hôtel « Le Marquis », dans sa communication commerciale, des dénominations « Le Marquis », « Hôtel Le Marquis », « Marquis Eiffel » et « Hôtel Le Marquis Suffren » pour identifier son établissement. Les deux sociétés défenderesses produisent, quant à elles, de nombreux articles de la presse généraliste ou spécialisée dans le tourisme divulguant au public cet hôtel, ouvert en 2004, sous le nom « Le Marquis ». Elles communiquent également des pièces relatives aux tarifs pratiqués entre 2005 et 2012, ainsi qu’un accord de parution sur un site de référencement, établissant que l’hôtel était effectivement exploité sous le nom commercial « Hôtel Le Marquis » et que l’adresse www.lemarquisparis.com était utilisée à compter de 2005 par la société exploitant l’hôtel pour la promotion de ses services.
Il résulte de ces éléments la preuve suffisante qu'antérieurement au dépôt des marques de la demanderesse, la société exploitant l’hôtel « Le Marquis » utilisait de manière continue, publique et non équivoque, les noms commerciaux « Le Marquis » et « Hôtel Le Marquis » pour identifier son établissement hôtelier. C’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes en contrefaçon.
Enfin, compte tenu de l’utilisation du nom commercial « Le Marquis » avant le dépôt des marques de la demanderesse, les faits de concurrence déloyale et parasitaire invoqués par cette dernière doivent être écartés. Au demeurant, la demanderesse ne justifie d’aucune faute distincte de la libre utilisation de ce signe exploité dès l’origine, pas plus que d’une reprise de ses investissements.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 6 décembre 2024, 23/01475 (M20240273)
Helionwood SASU et Hôtel [7] SASU c. Nextone Résidence SARL
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 8 déc. 2022, 20/09239)
[1] S’appuyant sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 10e ch., 2 juin 2022, X BV, C-112/21), la Cour de cassation a, dans un arrêt récent, considéré que : « le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité de la marque déposée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste. » (Cass. com., 10 janv. 2024, JDC SAS c. JDC Midi-Pyrénées SAS et al., 22-21.716 ; M20240004 ; PIBD 2024, 1221-III-5). Mais encore faut-il, selon la Cour de justice, que le droit revendiqué par la personne agissant en nullité puisse être qualifié de « droit antérieur » au sens des textes de l’Union européenne. Il importe que « le droit invoqué par le tiers soit reconnu par la loi de l’État membre concerné et que ce droit soit toujours protégé au moment où il est invoqué par son titulaire afin de s’opposer aux prétentions du titulaire de la marque avec laquelle il est réputé entrer en conflit ». La Cour de justice ajoute que « le fait que le titulaire de la marque postérieure dispose d’un droit encore plus ancien, reconnu par la loi de l’État membre concerné, sur le signe enregistré en tant que marque, peut avoir une incidence sur l’existence d’un "droit antérieur" […] pour autant que, en se fondant sur ce droit encore plus ancien, le titulaire de la marque peut effectivement s’opposer à la revendication d’un droit antérieur ou la limiter, ce qu’il appartient, en l’occurrence, à la juridiction de renvoi de vérifier ». Dans l’affaire traitée par la Cour de cassation, celle-ci a considéré que les juges d’appel avaient bien retenu l'existence d’un droit antérieur sur des dénominations sociales, juridiquement protégé et non contesté à la date de dépôt des marques contestées. Les sociétés qui avaient formé la demande en nullité pouvaient donc opposer leurs dénominations sociales antérieures aux marques contestées malgré la revendication, par leur titulaire, d’un droit encore plus ancien sur sa propre dénomination sociale.