Validité de la marque semi-figurative française (oui) - Dépôt de mauvaise foi (non) - Dépôts successifs - Volonté d'échapper à la déchéance de la marque - Détournement du droit des marques
Déchéance de la marque verbale de l'UE (non) - Usage sérieux - Exploitation sous une forme modifiée - Adjonction d’une partie figurative - Altération du caractère distinctif (non)
Contrefaçon des marques françaises et de l’UE (non) - Imitation - Usage à titre de nom commercial et de nom de domaine - Usage pour des produits et services - Usage dans la vie des affaires - Fonction d'indication d'origine - Similarité des produits et services (non) - Complémentarité (non) - Risque de confusion (non)
Contrefaçon des marques françaises (oui) - Atteinte à la marque de renommée - Lien entre la marque renommée et le signe litigieux (oui) - Préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque
Préjudice - Dommages-intérêts - Somme forfaitaire
Concurrence déloyale (oui) - Fait distinct des actes de contrefaçon - Atteinte à la dénomination sociale et aux noms de domaine - Notoriété de la dénomination - Parasitisme (non) - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui
La société Axa est titulaire des marques verbale et semi-figurative françaises AXA et de la marque verbale de l’UE AXA ASSISTANCE, qui visent notamment les services « d’assurances » et de « remboursement de frais médicaux et de santé ». Elle a agi en contrefaçon à l’encontre d’une société qui exerce, sous le nom commercial Laboratoires Axamed, une activité de développement et de distribution de produits de santé, utilise la dénomination « Axamed » et exploite les noms de domaine axamed-lab.fr et axamed-lab.com.
La société poursuivie a notamment formé une demande reconventionnelle en nullité pour dépôt de mauvaise foi de la marque semi-figurative française AXA. Elle invoque le fait que le dépôt de cette marque, postérieur à celui de plusieurs marques verbales et semi-figuratives AXA, AXA CONSEIL et AXA ASSISTANCE, a été réalisé dans le but d’échapper à l’obligation pour son titulaire de justifier d’un usage sérieux de celle-ci.
Dans l’affaire Monopoly, le Tribunal de l'Union européenne[1] a admis la nullité d'une marque dont le dépôt n'avait été fait qu'aux fins, pour le déposant, de s'épargner la charge de la preuve de l'usage de la marque. En effet, dans les circonstances particulières de cette espèce, le dépôt réitéré effectué par la requérante visait notamment, de son propre aveu, à ne pas avoir à prouver l'usage de la marque contestée, prolongeant par conséquent, pour les marques antérieures, le délai de grâce de cinq ans prévu à l'article 51, § 1, a), du règlement n° 207/2009. Ainsi, la stratégie de dépôt pratiquée par la requérante, qui visait à contourner la règle relative à la preuve de l'usage, n'était pas conforme aux objectifs poursuivis par le règlement précité.
En l’espèce, la preuve de la mauvaise foi de la société titulaire résultant des dépôts successifs de marques AXA n’est pas rapportée. Cette société fait valoir que le dépôt de la marque contestée relève d'une stratégie commerciale, consistant à réunir sous cette marque les diverses activités précédemment exercées sous les marques antérieures, étant observé que les marques semi-figuratives antérieures sont distinctes de la marque semi-figurative contestée, d’une part, visuellement et phonétiquement, en raison de la nuance de couleur utilisée, de la représentation du terme « AXA » et de l’adjonction d’un mot, et d’autre part, en raison des services visés.
Il en résulte qu'il n'est pas démontré que l'enregistrement de cette marque procède d'une intention de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes et d'obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. La demande en nullité de la marque pour dépôt de mauvaise foi est donc rejetée.
La société demanderesse invoque la contrefaçon par imitation de ses marques AXA et AXA ASSISTANCE du fait de l’usage des signes incriminés « Laboratoires Axamed » et « Axamed » pour commercialiser des dispositifs médicaux et pharmaceutiques ainsi que des noms de domaine axamed-lab.fr et axamed-lab.com.
Dans l'affaire Céline, la Cour de justice de l’Union européenne[2] a dit pour droit que l'usage, par un tiers qui n'y a pas été autorisé, d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne identique à une marque antérieure, dans le cadre d'une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, constitue un usage que le titulaire de la marque est habilité à interdire conformément à l'article 5, § 1, a), de la première directive 89/104/CEE, s'il s'agit d'un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque.
Il en est ainsi lorsque le signe est utilisé par le tiers pour ses produits ou ses services de telle manière que les consommateurs sont susceptibles de l'interpréter comme désignant la provenance des produits ou services en cause. En effet, dans ce cas, l'usage du signe est susceptible de mettre en péril la fonction essentielle de la marque, car, pour que la marque puisse jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité CE entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité[3].
Ainsi, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires[4], le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité.
En l’espèce, il résulte des pièces produites que la société poursuivie a fait usage du signe « Axamed », non comme une simple dénomination sociale, mais comme un nom commercial permettant au public d'identifier son activité. Elle a également utilisé le signe semi-figuratif « Laboratoires Axamed », dans lequel le terme « Axamed » est de taille significativement plus importante que le terme « Laboratoires », qui apparaît descriptif de l'activité, figurant notamment en haut à gauche des différentes pages du site internet accessible par le nom de domaine axamed-lab.fr et étant également utilisé comme marque ombrelle sur les packagings des produits offerts à la vente sur ce site. Il s'ensuit que ce signe est ainsi utilisé dans la vie des affaires pour désigner l'origine de produits comme provenant de la société poursuivie.
Toutefois, les produits et dispositifs médicaux commercialisés par cette société ne sont pas similaires aux services d’« assurances » visés par les marques AXA et AXA ASSISTANCE et aux services « d’assistance financière à savoir remboursement de frais médicaux et de santé » visés par la marque semi-figurative AXA et la marque AXA ASSISTANCE. Le seul fait que les services d’assistance financière puissent s'appliquer à des dépenses liées à l'achat de produits médicaux tels que ceux commercialisés par la société poursuivie ne saurait suffire à caractériser une similarité, s'agissant d'activités de natures distinctes, exercées par des professionnels différents (professionnel de l'assurance, mutuelle / fabricant de médicaments). Ces produits et services ne sont pas davantage complémentaires, ce critère nécessitant de démontrer que les consommateurs considèrent comme habituel que ces produits et services incombent à la même entreprise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Dès lors, le consommateur ne peut penser que la responsabilité, d'une part, de la fabrication de produits médicaux et pharmaceutiques, et d'autre part, de la fourniture de services d'assurances et de remboursement de frais médicaux, incombe à la même entreprise.
Il en va de même concernant les autres services visés par la marque semi-figurative AXA, à savoir « livraison de médicaments à domicile ; Organisation et fourniture de services de soins médicaux ; assistance médicalisée à domicile ; assistance médicale ; assistance médicale d'urgence ; mise à disposition d'infrastructures médicales ; assistance médicale fournie par des médecins et par d'autres membres du personnel médical spécialisé ». Le seul fait que les services de soins médicaux, d'assistance médicale et de livraison de médicaments à domicile soient en lien avec le domaine médical et des médicaments ne saurait suffire à caractériser une complémentarité avec les produits et dispositifs médicaux commercialisés par la société poursuivie, les fabricants de médicaments commercialisant des produits de santé étant distincts des médecins qui prescrivent ces mêmes produits à domicile ou dans des infrastructures, ainsi que des professionnels du transport habilités à livrer des médicaments à domicile. Les demandes de contrefaçon des marques AXA et AXA ASSISTANCE sur le fondement du risque de confusion avec les signes incriminés sont par conséquent rejetées.
En revanche, la contrefaçon des marques verbale et semi-figurative françaises AXA par l'usage des signes « Laboratoires Axamed », « Axamed », axamed-lab.fr et axamed-lab.com, en raison de l’atteinte aux marques de renommée, est caractérisée.
Ces marques sont intensément exploitées par un groupe de taille mondiale, présent dans 30 pays, employant 128 000 salariés et comptant 88 000 distributeurs exclusifs dans le monde, ayant généré en 2009, 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le groupe Axa a également consacré 250 millions d'euros à sa publicité en 2018 et développé des partenariats avec des sportifs de renommée internationale. La marque AXA a été classée parmi les marques les plus connues au monde en 2018 et 2019. Le chiffre d'affaires du groupe s'est élevé à plus de 100 milliards en 2021 et 2022 et la marque AXA est classée au 48e rang des marques mondiales en 2021 et 44e rang en 2023. La renommée des marques est ainsi établie.
Malgré leurs différences visuelle, phonétique et conceptuelle, les signes en litige comportent l’élément commun « Axa », placé en situation d'attaque dans les signes incriminés, sauf dans le signe « Laboratoires Axamed ». Le terme « Laboratoires » est cependant descriptif pour des produits et services de santé, tout comme les autres éléments des signes contestés (« med », « lab.fr » et « lab.com »), tandis que le terme « Axa », qui n'a pas de signification en langue française, est fortement distinctif.
Par conséquent, en dépit de l'absence de complémentarité des produits et services concernés, et compte tenu de la distinctivité de la marque AXA et de l'intensité de sa renommée, il existe un risque évident que les signes incriminés « Axamed » ou « Laboratoires Axamed » évoquent, auprès des consommateurs, les marques AXA, lesdits consommateurs faisant ainsi un lien entre les signes en cause.
Le préjudice porté à la renommée des marques AXA est caractérisé, les consommateurs des produits « Axamed » associant ceux-ci à un groupe de taille mondiale très performant. Il en va de même du préjudice porté à leur caractère distinctif, l'usage du terme « Axa » dans les signes incriminés diluant la distinctivité des marques et portant atteinte aux investissements publicitaires qui leur ont été consacrés.
Les atteintes à la dénomination sociale Axa et aux noms de domaine axa.com et axa.fr, causées par l'exploitation des signes litigieux « Axamed », axamed-lab.fr et axamed.lab.com, constituent des faits juridiques fautifs distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon des marques. Elles caractérisent, compte tenu de la similarité entre les signes en cause et de l'ancienneté et de la notoriété de la dénomination sociale et des noms de domaine de la société demanderesse, des actes de concurrence déloyale.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 2 avril 2025, 23/10089 (M20250103)
Axscience SA (anciennement dénommée Axamed) c. Axa SA, Athena SELARL (ès qualité de liquidateur de la Sté Axscience, intervenante forcée) et AJRS SELARL (ès qualité d'administrateur judiciaire de la Sté Axscience, intervenante forcée)
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 11 mai 2023, 21/03433 ; M20230149)
[1] TUE, 6e ch. élargie, 21 avr. 2021, T-663/19, Hasbro Inc.
[2] CJCE, gde ch., 11 sept. 2007, Céline SARL, C-17/06 (M20070489 ; PIBD 2007, 863, III-698 ; RJDA, déc. 2007, p. 1277 ; Comm. com. électr., nov. 2007, p. 34, C. Caron ; Propr. industr., nov. 2007, p. 25, A. Folliard-Monguiral).
[3] CJCE, cour plén., 12 nov. 2002, Arsenal Football Club, C-206/01 (M20020891 ; PIBD 2003, 764, III-263 ; D, Cahier dr. aff., 11, 13 mars 2003, p. 755, P. de Candé ; Propr. intell., 7, avr. 2003, p. 200, G. Bonet ; RTD Com, 2, avr.-juin 2003, p. 415, M. Luby ; JCP E, 30, 24 juill. 2003, p. 1240, G. Parleani ; JCP G, 40, 1er oct. 2003, p. 1726, M. Luby ; Propr. industr., sept. 2020, chron. 7, J. Cayron ; Propr. industr., avr. 2020, chron. 4, N. Bouche).
[4] Cass. com., 13 oct. 2021, Wolfberger - Cave Coopérative Vinicole d'Eguisheim SCA c. Cécile A et al., 19/20.504 (M20210238 ; PIBD 2021, 1172, III-2 ; JCP E, 43-44, 28 oct. 2021, act. 737, p. 16 ; Gaz Pal, 38, 2 nov. 2021, p. 36 ; D IP/IT, 11, nov. 2021, p. 537, N. Maximin ; RTD Com, 2, avr.-juin 2022, p. 249, J. Passa).


