Jurisprudence
Marques

Déchéance partielle de la marque GPA RECYCLEUR D'AUTOMOBILES - Usage sérieux pour la sous-catégorie autonome des pièces détachées d’occasion de véhicules

PIBD 1244-III-2
INPI, 20 décembre 2024

Recevabilité de la demande en déchéance de la marque devant l’INPI - Abus du droit d’agir (non)

Déchéance partielle de la marque verbale (oui) - Usage sérieux - Usage sur le territoire français - Apposition de la marque en vue de l’exportation - Usage sous une forme modifiée - Adjonction d’une partie figurative - Suppression de mots - Altération du caractère distinctif (non) - Usage à titre de marque (oui) - Usage public - Usage suffisant (oui) - Exploitation pour une catégorie de produits et services - Sous-catégorie autonome - Droit de l’UE

Texte
Marque n° 3 860 737 de la société GPA 26
Signe exploité par la société GPA 26
Texte

Une demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque GPA RECYCLEUR D'AUTOMOBILES a été présentée devant l’INPI pour la totalité des produits et services visés en classes 4, 6, 12, 17, 39 et 40.

La société titulaire de cette marque, qui collecte et donne une seconde vie aux pièces et matières qui composent les véhicules hors d’usage tout en recyclant leurs produits polluants, a fourni des pièces et une argumentation afin de prouver l’usage de sa marque au cours de la période pertinente pour certains des produits et services visés. Elle indique en outre avoir renoncé à la protection pour certains des produits et services initialement revendiqués.

- Usage du signe contesté en France :

L’ensemble des éléments de preuve produits permet d’établir un usage du signe contesté en France, pendant la période pertinente. Il ressort en effet des factures, des éléments de présentation du site internet du titulaire de la marque contestée et des plaquettes fournies que les pièces détachées ont été produites et facturées par lui en France.

Par ailleurs, selon l’article L. 714-5 4° du CPI, l’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation est assimilée à un usage sérieux. En l’espèce, les factures de vente des produits à destination de la Pologne émanent bien du titulaire de la marque contestée domicilié en France, ce qui démontre que les produits ont été exportés depuis la France.

- Usage du signe contesté sous une forme modifiée :

Les pièces transmises par le titulaire de la marque contestée font état d’un usage de la marque telle qu’enregistrée et sous une forme modifiée. La représentation de la marque verbale sous une forme semi-figurative ne modifie pas l’impression générale qu’elle produit, l’élément verbal restant parfaitement identifiable et les éléments figuratifs étant purement décoratifs. De même, les usages de la dénomination « GPA » sous cette forme semi-figurative mais sans l’expression « Recycleur d’automobiles » descriptive de l’activité du titulaire, de sorte que ces termes apparaissent accessoires, sont également de nature à constituer des usages du signe constitutif de la marque contestée sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif.

- Usage du signe contesté à titre de marque :

L’utilisation d’une dénomination sociale ou d’un nom commercial peut être considérée comme un usage en tant que marque, dès lors que les produits et les services visés sont identifiés et proposés sur le marché avec ce signe[1]. Ainsi, l’utilisation d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne peut être considérée comme une utilisation pour des produits lorsqu’un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialise[2]. En outre, il n’est pas nécessaire que la marque soit apposée directement sur les produits, dès lors qu’elle peut aisément être mise en relation avec eux.

En l’espèce, si la marque contestée n’est pas apposée directement sur les produits, son titulaire prouve l’usage à titre de marque pour la production et la vente de pièces détachées d’occasion de véhicules, ainsi que pour des services de recyclage automobile et de vente de véhicules hors d’usage. En effet, il produit des pièces détachées estampillées « GPA ». En outre, un code identifie bien ces pièces détachées sur les factures, sur lesquelles le signe « GPA » apparaît, ainsi que toutes les informations sur leur provenance. La marque est ainsi utilisée pour identifier la provenance des produits en cause, et non une simple commercialisation de ces derniers.

Par ailleurs, et concernant la commercialisation réelle des produits, il ressort bien des éléments fournis une mise à disposition du produit auprès du consommateur. De même, les plaquettes fournies, ainsi que les captures d’écran de site internet GPA mais également les articles de presse, montrent l’usage de la marque contestée pour des services notamment de recyclage automobile.

En conséquence, il est établi que le signe contesté est mis en lien direct avec des produits et services aux fins d’en garantir l’origine et que la marque a bien été utilisée de manière publique dans la vie des affaires, permettant d’établir un lien entre les produits et services et l’usage de la marque contestée.

- Importance de l’usage :

Le nombre significatif de factures fournies portant sur l’ensemble de la période pertinente montre l’usage du signe contesté pour des volumes suffisamment élevés de pièces détachées de véhicules pour ne pas considérer ces quantités comme symboliques, minimales ou fictives. Pour ce qui est des services de recyclage, ils apparaissent sur les extraits de sites internet présentant le titulaire de la marque et son activité, sur les diverses plaquettes de présentation du groupe, un dossier de presse ou encore divers articles de presse. Le titulaire de la marque contestée produit également une argumentation et des pièces de nature à démontrer l’usage de la marque contestée pour des services de vente de véhicules hors d’usage. L’ensemble de ces éléments combinés et pris dans leur ensemble permet d’établir que l’usage du signe contesté s’est opéré publiquement et vers l’extérieur et apparaît sérieux et constant sur la période pertinente.

En revanche, si le titulaire de la marque contestée présente des photos des camions du groupe arborant le logo GPA, utilisés pour les services de transports de véhicules et de pièces, aucune facture ou autres éléments ne vient corroborer des prestations de services de transport rendus pour le compte de tiers, permettant de retenir un usage sérieux.

- Usage pour les produits et services visés par la marque :

La preuve de l’usage sérieux doit porter sur chacun des produits et services.

Il importe, en outre, d’apprécier de manière concrète, principalement au regard des produits ou des services pour lesquels le titulaire d’une marque a apporté la preuve de l’usage de sa marque, si ceux-ci constituent une sous-catégorie autonome par rapport aux produits et aux services relevant de la classe de produits ou de services concernée, de manière à mettre en relation les produits ou les services pour lesquels l’usage sérieux de la marque a été prouvé avec la catégorie des produits ou des services couverts par l’enregistrement de cette marque[3].

En l’espèce, l’usage sérieux de la marque, établi pour les services de recyclage, permet de retenir un usage sérieux à l’égard des services d’« informations en matière de traitement de matériaux ; Vulcanisation (traitement de matériaux) ; Décontamination de matériaux dangereux ; Traitement des déchets (transformation) ; Tri de déchets et de matières premières de récupération (transformation) », en ce qu’ils constituent des étapes nécessaires de ces services.

En outre, le critère essentiel aux fins de la définition d’une sous-catégorie autonome de produits est constitué du critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause.

En l’espèce, les produits pour lesquels le titulaire de la marque contestée apporte des preuves d’un usage sérieux portent sur des pièces détachées de véhicules exclusivement d’occasion. Or, ces pièces pouvant avoir diverses origines (constructeur ou vendus d’occasion), il y a lieu de considérer que les pièces détachées recyclées puis revendues sont susceptibles de constituer une sous-catégorie autonome. En effet, il ressort des éléments fournis que le consommateur des produits en cause n’associera pas à la marque contestée l’ensemble des produits appartenant aux catégories des produits susmentionnés, mais uniquement ceux qui sont d’occasion par nature. Ceci d’autant plus que, comme l’indiquent notamment les plaquettes promotionnelles fournies, ces pièces détachées sont retravaillées avant leur mise sur le marché. Dès lors, l’usage sérieux est démontré pour les produits et services visés des classes 12 et 40, le libellé de la marque contestée pour les produits en classe 12 étant toutefois limité par la mention : « L’ensemble de ces produits étant d’occasion ».

En revanche, l’usage démontré pour les pièces détachées de véhicules d’occasion et les services de vente de véhicules hors d’usage ne permet pas de constituer un usage pour le produit entier, à savoir des véhicules. En effet, le titulaire de la marque litigieuse apporte la preuve pour les seuls services de vente de véhicules d’autres marques constructeurs hors d’usage. Il n’apporte aucun élément de nature à justifier des opérations qu’il effectuerait sur ces véhicules, de telle sorte que le public concerné serait à même d’identifier l’usage de la marque contestée en lien avec des véhicules. Seul un service de vente de véhicules hors d’usage d’autres marques peut être constaté, qui n’apparait toutefois pas au libellé de la marque contestée.

Le titulaire de la marque GPA RECYCLEUR D'AUTOMOBILES est donc partiellement déchu de ses droits sur la marque.

Décision INPI, 20 décembre 2024, DC 24-0035 (DC20240035)
Grésivaudan Pièces Auto SAS c. GPA 26 SAS

[1] TUE, 8e ch., 13 avr. 2011, T-209/09, Alder Capital Ltd ; Cass. com., 16 févr. 2016, Le Fournil SAS, 14/15144 (M20160073 ; PIBD 2016, 1047, III-282 ; Propr. intell., 60, juill. 2016, p. 364, J. Canlorbe ; RJDA, juill. 2016, p. 577).

[2] CJUE, gde ch., 11 sept. 2007, Céline SARL, C-17/06 (M20070489 ; PIBD 2007, 863, III-698 ; RJDA, déc. 2007, p. 1277 ; Comm. com. électr., nov. 2007, p. 34, C. Caron ; Propr. industr., nov. 2007, p. 25, A. Folliard-Monguiral).

[3] CJUE, 4e ch., 22 oct. 2020, Ferrari SpA, C-720/18 et C-721/18 (M20200235 ; PIBD 2020, 1149, III-3 ; Propr. industr., déc. 2020, comm. 68, A. Folliard-Monguiral ; RTD com, 4, oct.-déc. 2020, p. 834, J. Passa ; Légipresse, 397, nov. 2021, p. 567, M. Sengel) ; CJUE, 2e ch., 16 juill. 2020, ACTC GmbH, C-714/18 P (M20200164 ; Propr. industr., oct. 2020, comm. 55, A. Folliard-Monguiral ; LEPI, 9, oct. 2020, n° 113, S. Chatry ; RTD com., 4, oct.-déc. 2020, p. 832, J. Passa).