Demande en nullité d’un contrat de sous-licence de brevet européen - Compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris

CA Paris,17 juin 2022

Demande en nullité d’un contrat de sous-licence de brevet européen - Compétence matérielle du TJ Paris (oui) - Compétence exclusive - Application des règles relatives à la délivrance des brevets

Texte

En application de l'article L. 615-17, al. 1 du CPI, le tribunal judiciaire de Paris a compétence exclusive pour connaître des actions civiles et des demandes relatives aux brevets d'invention, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale.

Pour déterminer la compétence de la juridiction, il y a lieu de rechercher si les prétentions du demandeur supposent qu'il soit fait application des dispositions propres au droit des brevets. Ainsi, une demande fondée sur des règles extérieures au droit des brevets ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal judicaire de Paris, même si elle a un lien avec un brevet dont une des parties est titulaire. Par ailleurs, la compétence doit s'apprécier au jour de l'acte introductif d'instance.

En l'espèce, la société demanderesse a requis la nullité du contrat de sous-licence d’un brevet européen, après mise en demeure des titulaires du brevet et du licencié, faisant état des problèmes qu'elle rencontrait, notamment pour reproduire certains résultats présentés dans les figures du brevet et dans des publications scientifiques. Elle prétend notamment, dans son assignation, que les titulaires du brevet ont commis une faute en ne lui fournissant pas toutes les informations nécessaires à l'exploitation de la technologie donnée en licence et que le brevet a été obtenu frauduleusement. Elle expose les raisons qui, selon elle, peuvent entraîner l'annulation du brevet et qualifie cette possibilité de vice caché.

C'est à tort que le premier juge a retenu que l'appréciation des fautes alléguées par la société demanderesse, telles que la fourniture de données scientifiquement erronées ou le fait d'adresser aux offices des données falsifiées pour obtenir la délivrance indue de brevets, ne nécessitait pas l'application des règles propres au droit des brevets, notamment celles relatives à la délivrance des brevets et à leur validité.

En effet, même si l'annulation de la partie française du brevet européen litigieux n'était pas sollicitée au stade de l'acte introductif d'instance, mais lors de conclusions délivrées postérieurement, les débats relatifs au sort du contrat de sous-licence et à la responsabilité contractuelle ou délictuelle d'une part, du cocontractant et, d'autre part, des titulaires du brevet, ressortent de la mise en œuvre des règles relatives à la délivrance des brevets par l'Office européen des brevets. Le tribunal judiciaire de Paris est donc seul compétent pour statuer sur cette demande.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 17 juin 2022, 21/12155 (B20220056)[1]
ProGeLife SAS c. SATT Aquitaine Science Transfert SAS, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), Université de Bordeaux et al.
(Infirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect., ord. du juge de la mise en état, 22 juin 2021, 21/00553)

[1] À rapprocher de : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 28 janv. 2020, 2019/08700 (B20200025, PIBD 2020, 1145-III-1, avec une note de Sylvie Lepoutre).