La Suisse et l’usage de la marque

d’après l’article de Susanna Heurung* : Switzerland on the use of trademarks, in MIP, 7 septembre 2022

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Jusqu’à une période récente, les titulaires allemands de marques pouvaient se prévaloir de l’usage de leur marque en Suisse pour en prouver l’usage sérieux. Cela n’est plus vrai aujourd’hui.

En principe, la protection d’une marque est conditionnée à l’usage qui en est fait sur le territoire où elle a été enregistrée. La convention de 18921 entre la Suisse et l’Allemagne prévoyait cependant une exception à ce principe : l’usage d’une marque allemande sur le territoire suisse (et l’usage d’une marque suisse sur le territoire allemand) était pris en compte dans l'appréciation de l'usage sérieux de la marque en question. L’usage sur le territoire suisse pouvait donc suffire à un titulaire allemand pour prouver l’usage de sa marque.

La CJUE a mis un terme à cette facilité. Dans un arrêt de 2013 (affaire Rivella International c. OHMI, C-445/12), la cour a jugé que l’usage en Suisse ne pouvait servir à prouver l’usage en Allemagne. La Bundesgerichtshof allemande continuait cependant de considérer que la convention de 1892 était toujours en vigueur.

Plus récemment, la CJUE a été saisie de cette question lorsque Ferrari a invoqué un usage en Suisse pour sauver sa marque allemande de la déchéance (affaires jointes C-720/18 et C-721/18) : la convention de 1892 a été jugée incompatible avec le droit de l’Union européenne. L’Allemagne a donc dû prendre les mesures nécessaires en vue d’éliminer cette incompatibilité et a fini par dénoncer la convention qui la liait à la Suisse.

À compter du 1er juin 2022, les titulaires allemands ne peuvent donc plus prouver l’usage sérieux de leur marque en invoquant un usage en Suisse. Néanmoins, les avis s’accordent pour penser que l’abrogation de la convention de 1892 n’a pas d’effets rétroactifs : l’usage de la marque en Suisse jusqu’à la date d’abrogation de la convention peut donc être considéré comme un usage sérieux.

* Maiwald.

1Convention entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques.

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