Nullité partielle de la marque JOUR DE FRANCE par voie d’exception pour atteinte aux droits antérieurs sur la marque JOURS DE FRANCE - Déchéance partielle de la marque invoquée

CA Paris, 11 mars 2022

Exception de nullité de la marque opposée au titre de la contrefaçon - Recevabilité (oui) - 1) Forclusion par tolérance - Délai de tolérance - Point de départ du délai - 2) Prescription (non) - Demande reconventionnelle (non)

Validité de la marque (non) - Droit antérieur - Marque - Identité ou similarité des produits ou services - Similitude visuelle et phonétique - Adjonction d’une lettre finale - Pluriel - Différence insignifiante - Similitude intellectuelle - Risque de confusion ou d’association - Annulation partielle

Validité de la marque (oui) - Dépôt frauduleux (non) - Volonté d’échapper aux effets d’une déchéance - Décisions de justice antérieures

Demande reconventionnelle en déchéance de la marque - Recevabilité (oui) - Intérêt à agir - Produits ou services opposés au titre de la contrefaçon

Déchéance partielle de la marque (oui) - Usage sérieux - Preuve

Action en contrefaçon de la marque et en nullité pour atteinte à la marque - Recevabilité (non) - Défaut de droit d’agir - Annulation et déchéance partielles

Texte
Marque n° 3 211 668 de la société Entreprendre
Marque n° 4 013 578 de la société du Figaro
Texte

La société défenderesse, qui est poursuivie en contrefaçon de la marque JOUR DE FRANCE et en nullité de sa marque JOURS DE FRANCE, est recevable à agir par voie d'exception en nullité de la marque JOUR DE FRANCE pour atteinte à ses droits antérieurs sur une autre de ses marques JOURS DE FRANCE. Il n’est pas établi, ni même allégué, qu’elle aurait eu connaissance d’un usage de la marque JOUR DE FRANCE antérieurement à la date à laquelle la société demanderesse reconnaît elle-même avoir utilisé celle-ci pour désigner le titre d’un magazine, faisant courir ainsi le délai de forclusion. De plus, dans une affaire antérieure opposant les mêmes parties, la société défenderesse a assigné la société titulaire de la marque JOUR DE FRANCE en contrefaçon de sa marque antérieure JOURS DE FRANCE dans le délai de cinq ans à compter de cet usage. Elle ne saurait donc se voir opposer une forclusion par tolérance dont les conditions ne sont pas réunies. Par ailleurs, il ne peut être soutenu que l'exception de nullité soulevée par la société défenderesse constituerait une demande reconventionnelle soumise à la prescription de cinq ans. L'exception de nullité étant perpétuelle, elle est donc recevable.

La marque JOUR DE FRANCE invoquée au soutien de l’action en contrefaçon porte atteinte aux droits antérieurs de la société défenderesse sur sa première marque JOURS DE FRANCE. L'identité des produits et services précités, alliée à l'identité et, à tout le moins, à la très forte similitude des signes pris dans leur ensemble, créé un risque de confusion pour le public concerné qui sera conduit à regarder ces produits et services comme provenant d'une même entreprise ou d'entreprises économiquement liées. En conséquence, la marque JOUR DE FRANCE est annulée pour les produits et services suivants : « imprimés, journaux et périodiques ; photographies ; clichés. Publicité. Éducation et divertissement »[1]. La demande en nullité ne peut, en revanche, être accueillie pour les autres produits et services visés dans l'enregistrement, faute, pour la société défenderesse, de procéder à l'analyse de leur similarité avec les produits et services de sa marque antérieure et d'un risque de confusion ou d'association pouvant résulter d'une telle similarité.

La société défenderesse est recevable à demander reconventionnellement la déchéance des droits de la société demanderesse sur la marque JOUR DE FRANCE. Son intérêt à agir s'étend  à tous les produits et services qui lui sont opposés au titre de la contrefaçon, à l'exception de ceux pour lesquels la marque a été déclarée nulle, comme les journaux et périodiques. Si la société demanderesse indique avoir exploité sa marque pour le magazine JOUR DE FRANCE, postérieurement au délai de référence, elle ne se prévaut d'aucun autre acte d'exploitation.

En conséquence, compte tenu de la déchéance partielle de ses droits sur la marque JOUR DE FRANCE et de l’annulation partielle de celle-ci, la société demanderesse n'est pas recevable, faute de droit d'agir, à poursuivre la société défenderesse en contrefaçon de cette marque et atteinte à ses droits sur celle-ci.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 11 mars 2022, 20/11480 (M20220095)
Entreprendre SA c. Société du Figaro SAS
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 25 juin 2020, 17/08682)

 [1] À cet égard, la cour rappelle qu'il a été définitivement jugé par la cour d'appel de Paris, par son arrêt du 20 novembre 2015, que la demanderesse à l’action en contrefaçon, la société Entreprendre, avait commis des actes de contrefaçon de la marque JOURS DE FRANCE n° 1 514 458, qui lui est opposée dans le présent litige par la Société du Figaro à titre de droit antérieur, en exploitant sa marque JOUR DE FRANCE pour les « imprimés, journaux et périodiques » (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 20 nov. 2015, 15/00522 ; M20150496, PIBD 2016, 1042, III-75 ; Légipresse, 334, janv. 2016, p. 12, note de Y. Basire ; Propr. Intell., 61, oct.2016, p. 471, note de J. Canlorbe). Par son arrêt du 10 septembre 2019 (rendu sur renvoi après cassation de l’arrêt du 20 novembre 2015 précité par : Cass. com., 6 déc. 2017,16-10.859 ; M20170511, PIBD 2018, 1088, III-128 ; Propr. industr., mars 2018, p. 37, note de P. Tréfigny), elle a également définitivement jugé que la société Entreprendre avait commis des actes de contrefaçon de cette  même marque  JOURS DE FRANCE  en exploitant sa marque JOUR DE FRANCE pour les produits et services de « photographies ; clichés. Publicité. Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles » (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 10 sept. 2019, 18/10200 ; M20190221, PIBD 2019, 1125, III-478 ; arrêt partiellement cassé par : Cass. com., 26 janv. 2022, 20-12.508 ; M20220029, PIBD 2022, 1178-3 ; LEPI, avr. 2022, p. 5, note de J-P Clavier). Les deux arrêts de la cour d’appel précités ont également écarté la fraude prêtée au dépôt de la marque JOURS DE FRANCE n° 4 013 578, qui fait l’objet d’une action en nullité dans la présente instance, qui aurait été effectué afin d’échapper à la déchéance de la marque antérieure JOURS DE FRANCE n° 1 514 458.