Licenciement d’un inventeur salarié - Fixation de la rémunération supplémentaire pour des inventions de mission
Il est fait droit à la demande de rémunération supplémentaire présentée par un ancien salarié qui avait réalisé, avant son licenciement, des inventions de mission ayant fait l’objet de dépôts de brevets par son employeur. Si l’article L. 611-7 du CPI, dans sa version applicable jusqu’au 1er janvier 2020, renvoie à la convention collective régissant la relation de travail pour déterminer dans quelles conditions l’inventeur salarié bénéficie d’une rémunération supplémentaire, il est cependant constant que les clauses d'une telle convention ne peuvent restreindre les droits que le salarié tient de la loi. Or l'article 26 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, dans sa version applicable au litige, est contraire à l'article L. 611-7, d'ordre public1, qui dispose que le salarié, auteur d'une invention de mission, doit dorénavant bénéficier d'une rémunération supplémentaire. L’employeur ne peut en conséquence s'y référer. Aux fins de fixation de la rémunération supplémentaire, le renouvellement des droits de propriété intellectuelle constitue un critère pertinent pour apprécier l'importance de l'invention pour l’employeur qui a déposé les brevets. Il en va de même des pratiques de l'entreprise en matière de rémunération. En l’espèce, l’employeur, qui opère une distinction entre les brevets de produits innovants et nouveaux susceptibles d'une demande industrielle et les brevets de produits permettant d'améliorer l'efficacité ou l'utilisation d'un autre produit, ne peut soutenir, compte tenu des renouvellements des brevets, ne pas être en mesure de déterminer si les inventions en cause sont innovantes ou non.
CA Lyon, ch. soc. A, 9 oct. 2024, M. [V] [X] c. Iveco France SAS, 19/01598 (B20240059)
(Infirmation conseil de prud'hommes de Lyon, 17 févr. 2022, 19/01598)
1 La Cour de cassation a déjà jugé que les dispositions de l’article 26 de la Convention collective de la métallurgie dans son ancienne version, qui excluaient la rémunération supplémentaire pour les inventions du salarié ne présentant pas pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de l'inventeur, devaient être réputées non écrites en raison de leur contrariété avec l’article L 611-7 du CPI, tel que modifié (Cass. com., 22 févr. 2005, Application des Gaz SAS c. M. S, 03/11027 ; B20050024 ; PIBD 2005, 807, III-253).
Contrefaçon de la marque semi-figurative (non) - Signes similaires - Produits différents
La commercialisation de modèles réduits de personnages, d’animaux et d’éléments mobiliers représentatifs de l’univers du cirque, revêtus des signes verbaux « Amar », « cirque Amar » et « collection cirque Amar » et du signe semi-figuratif « Collection cirque Amar », ne constitue pas la contrefaçon de la marque semi-figurative AMAR, qui désigne des produits en classe 16 et des services en classe 35 et 41. Les signes litigieux comportent l’élément verbal « Amar », pour certains écrit en lettres jaunes sur un fond rouge comme dans la marque invoquée, et qui renvoie à l’identité du fondateur du cirque éponyme. Ils ne présentent pas les mêmes effets typographiques ni le dessin de halo lumineux qui singularisent l’apparence de la marque. Les signes en cause ne sont donc pas identiques à la marque, mais les fortes similitudes retenues sur les plans visuel et phonétique, ainsi que l’identité conceptuelle, commandent de considérer qu’ils sont similaires au sens de l’article L. 713-2, 2° du CPI. Toutefois, la défenderesse n’en fait pas usage pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. En effet, les modèles réduits de véhicules, d’équipements, de façades et de chapiteaux circassiens, dont la finalité est le divertissement, ne peuvent être regardés comme des articles de papeterie, ni comme du matériel de travaux manuels ou créatifs, y compris les figurines en papier ou en carton, visés en classe 16, mais uniquement comme des jeux ou jouets, qui sont spécifiquement répertoriés en classe 28. S’agissant de produits, ils ne sauraient davantage, compte tenu de leur nature même, contrefaire des services, dont ceux visés par la marque en classes 35 ou 41, qui comprennent les services de divertissement et de spectacle relatifs au cirque.
TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 7 nov. 2024, Mme [X] [K] et al. c. Mme [U] [F] [T] et al., 22/10431 (M20240255)
Validité de la marque verbale (oui) - Terme en langue étrangère - Caractère distinctif (oui) - Caractère descriptif (non)
Les motifs de nullité fondés sur le défaut de caractère distinctif et le caractère descriptif de la marque verbale SKINDIVER, qui désigne notamment des montres et accessoires de montres, sont rejetés. Il ressort des documents fournis (à l'exception des documents non traduits ou hors délai) que le terme anglais « skindiver » désigne un plongeur en apnée. Le demandeur soutient que ce terme est largement connu en raison de la popularité de la plongée en apnée et de son utilisation dans le domaine des montres. Il n’établit toutefois pas que, au jour du dépôt de la marque contestée, ce terme était compris ou connu du public pertinent, à savoir le grand public doté d’un degré d’attention normal, les produits étant de consommation courante, quand bien même certaines montres pourraient relever du domaine du luxe. Ainsi, une signification immédiatement perceptible du signe ne permettant pas au consommateur de pouvoir l’associer à des produits ayant une origine commerciale particulière n’était pas démontrée au jour du dépôt de la marque contestée. Par conséquent, le signe « SKINDIVER » présente un caractère distinctif au regard des produits précités. Concernant le caractère descriptif, le demandeur soutient que le terme « skindiver » désigne une caractéristique du produit, à savoir une montre adaptée pour la plongée. Faute de démonstration que le signe était perçu du public pertinent comme désignant la plongée en apnée au jour du dépôt de la marque, il n’est pas avéré, qu’à cette date, le consommateur français ait pu établir un lien direct et concret entre le signe et les produits en cause et ait pu percevoir immédiatement et sans réflexion, la description d’une caractéristique objective de ces derniers.
Décision INPI, 27 sept. 2024, Neomark SARL c. M. [T], NL 23-0261 (NL20230261)
Saisie-contrefaçon - Violation de l’ordonnance - Nullité partielle du procès-verbal
Les sociétés demanderesses, titulaires de certificats d’obtention végétales portant sur des variétés de pommes de terre, ont fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon au siège de deux sociétés. La cour d’appel a prononcé l’annulation totale des procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis en violation des termes des ordonnances sur la base desquelles ils avaient été dressés, sans préciser en quoi l'irrégularité retenue, à savoir le déplacement non autorisé de l’huissier de justice dans les locaux de la société d’expertise comptable des défenderesses, sans qu’il n’en soit fait mention dans les procès-verbaux, avait affecté l'ensemble des mesures réalisées. En se déterminant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 623-27-1 du CPI. En effet, en cas d'irrégularité, seules les mesures d'exécution de la saisie-contrefaçon qui en sont affectées et les mentions du procès-verbal qui relatent ces mesures sont annulées. Il en résulte qu'en cas de violation par l'huissier de justice des limites de l'autorisation donnée par l'ordonnance, la nullité du procès-verbal est limitée aux mesures réalisées en violation de cette autorisation.
Cass. com., 14 nov. 2024, Agrico Holland BV et al. c. Chatin Bertrand EARL et al., 22-20.447
(Cassation partielle CA Paris, pôle 5, 1re ch., 29 juin 2022, 20/08885)