Brevetabilité de l'invention (oui) - Procédé de fabrication - Création esthétique - Caractère technique
Contrefaçon du brevet (non) - Reproduction des caractéristiques
Validité du brevet (non) - Procédé de fabrication - Amélioration d’un brevet antérieur - Activité inventive - Évidence
L’invention ayant pour objet un procédé de conditionnement permettant de rendre visibles des ingrédients (épices, champignons, légumes secs, purée de fruits etc) sur des bocaux transparents de produits pâteux (moutardes, mayonnaises, pâtes d'olives etc) en les plaquant contre les parois, est brevetable. En effet, le brevet met incontestablement en œuvre des moyens techniques pour obtenir une solution technique à un problème technique et ne couvre donc pas une simple création esthétique, exclue en elle-même de la brevetabilité conformément aux dispositions de l’article L. 611-10, 2, b) du CPI.
La contrefaçon du brevet n’est pas constituée. Le procédé de conditionnement utilisé par la société défenderesse ne reproduit pas les caractéristiques du brevet, dès lors que l'ingrédient visible n'est pas nappé au fond du contenant pour remonter le long des parois du pot sous l'effet de la pression de l'injection du produit pâteux, mais est déposé manuellement le long des parois du pot avant injection du produit pâteux, sans recherche d'un effet de dépression. De plus, il n’est pas démontré que la machine munie d'une trémie utilisée pour introduire la moutarde dans les pots permette un tel effet.
Le second brevet invoqué par les demandeurs concernant un autre procédé de conditionnement d’un produit alimentaire, qui constitue une amélioration de leur brevet antérieur, est dépourvu d’activité inventive. Il prévoit un procédé consistant à injecter sous pression l'ingrédient (selon un certain volume) à l'intérieur du contenant ou à appliquer cet ingrédient sur les parois intérieures du contenant à l'aide d'un support mobile et à ajouter le produit alimentaire dans le contenant, ce qui créé une dépression qui fige l'ingrédient sur les parois intérieures du contenant. L'étape d'injection sous pression et l’effet de dépression se retrouvent dans les deux brevets. La revendication principale du second brevet ajoute certes une précision quant au volume de l'ingrédient par rapport au volume intérieur du contenant. Toutefois, l'homme du métier, qui est un spécialiste du conditionnement de produits alimentaires, envisagera ce dosage à l'aide de ses seules compétences et expérience, sans faire preuve d’activité inventive, d'autant que la description du brevet antérieur appelle son attention sur l'importance du dosage des différents composants. De même, l'ajout de l’utilisation d'un support mobile (tampon ou éponge) imprégné de l'ingrédient pour le déposer sur les parois intérieures du contenant est évident pour l'homme du métier.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 30 mars 2022, 19/15503 (B20220032)[1]
Alain L et Savor Créations SAS c. Atelier Méditerranée SARL
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 11 juill. 2019, 18/01328)
[1] Dans une affaire antérieure opposant les demandeurs à une autre société au sujet des mêmes brevets, la cour d’appel de Paris a rejeté la demande en nullité du premier brevet pour insuffisance de description et annulé les revendications 1, 2, 4, 7, 8, 9 et 10 du brevet postérieur pour défaut d’activité inventive (pôle 5, 1re ch., 5 oct. 2021, 19/10340 ; B20210068).