Jurisprudence
Marques

Absence de contrefaçon de la marque DEUS - Usage dans une publicité, à titre de référence nécessaire, pour indiquer la compatibilité de l'oreillette DEUS avec le casque vendu

PIBD 1225-III-2
CA Paris, 21 février 2024

Contrefaçon de la marque semi-figurative de l’UE (non) - Imitation - Risque de confusion - Public pertinent - Lettre d'attaque identique - Substitution d’un mot - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle - Logo distinctif et dominant - Lettre d'attaque - Usage courant - Impression d'ensemble

Atteinte à la marque de renommée de l'UE (non) - Marque de renommée (non)

Contrefaçon des marques verbales française et de l’UE par le revendeur (non) - Reproduction dans une publicité - Exception de référence nécessaire - Droit de l’UE - Risque de confusion

Atteinte aux marques de renommée française et de l'UE (non) - Marque de renommée (non)

Concurrence déloyale (non) - Parasitisme (non)

Texte
Marque n° 004 900 155 de la société Xplorer
Marque n° 3 582 785 de la société Xplorer
Marque n° 01 2 874 681 de la société Deteknix
Texte

La contrefaçon de la marque semi-figurative de l’Union européenne XP METAL DETECTORS par les signes « XPOINTER », présentés sous différentes formes, n’est pas caractérisée. Le public pertinent, constitué des professionnels ou des amateurs de détection de métaux, soit un public spécialisé, présente un niveau d’attention supérieur à la moyenne.

Visuellement, si les signes commencent par les deux lettres « XP », ils se distinguent cependant nettement en ce que les signes contestés associent la lettre « X », représentée en plus grand caractère ou de manière identique, au terme « pointer ». Le fait que, dans certains des signes contestés, le « O » de ce terme soit figuré à la manière d'une cible ou que le « P » soit représenté dans une des versions en majuscule, ne permet nullement de retenir que les lettres « XP » constitueraient visuellement un élément autonome, comme le soutient la société demanderesse. En effet, dans les deux versions où le « O » est ainsi représenté, le « X » se distingue du reste de la séquence en étant figuré en un caractère nettement plus grand, constituant une seule lettre d'attaque. En outre, le logo de la marque antérieure – composé des lettres majuscules « X » et « P » entremêlées dans une police d'écriture très spécifique en caractères épais colorés en rouge doublés d'un côté d'un fin liseré noir –, qui occupe les deux tiers du signe, constitue un élément figuratif fort. Il est associé aux deux lettres « XP », suivies des termes « METAL DETECTORS » reproduits sur deux lignes en caractères encore plus petits.

Phonétiquement, les signes se prononcent très différemment. Dans la marque opposée, le « X » et le « P » sont nécessairement prononcés de façon distincte. En revanche, concernant les signes contestés, le « P » se lit nécessairement en lien avec les lettres suivantes et non de manière dissociée XP- O- INTER. En outre, le « O », même représenté à la manière d'une cible, a vocation à être lu par le public pertinent qui connaît le terme « pointer », qui désigne un détecteur secondaire de métaux.

Conceptuellement, les signes contestés font référence au terme « pointer », associé à la lettre « X » qui peut désigner la cible à rechercher. Dans la marque opposée, le logo « XP », élément sans signification particulière au regard des détecteurs de métaux visés à l'enregistrement, fait référence au nom de la société demanderesse, dont il reprend les deux premières lettres, à son nom commercial et à son domaine d'activité « metal detectors », soit la détection des métaux.

Il se déduit de cette comparaison globale que les signes présentent de très nettes différences. Cette analyse est renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes. Ainsi, au sein de la marque invoquée, le signe dominant et distinctif est l’association des lettres « XP », qui composent le logo très présent visuellement, et qui est reprise en dessous de ce dernier, les éléments « METAL DETECTORS », aisément compréhensibles, étant descriptifs des détecteurs de métaux concernés. Or, rien n'incite le public pertinent à percevoir les signes contestés comme la reprise séparée des lettres « XP », puis d'une cible et enfin des lettres « INTER ». En outre, la société poursuivie démontre que, dans le milieu de la détection, la lettre « X » est couramment associée à un marqueur d'emplacement et qu’elle est également fréquemment utilisée pour désigner des détecteurs de métaux. Elle constitue ainsi une référence largement partagée.

Dès lors, l'usage de la lettre « X » en tête du nom d'un produit ne peut créer, en soi, un lien avec la marque XP METAL DETECTORS, nonobstant son caractère notoire et ce, d'autant que la lettre « X » est directement associée au terme « pointer », descriptif d'une partie des produits visés pour le public pertinent. Par conséquent, il résulte de la comparaison globale des signes et, nonobstant l'identité des produits visés, qu'il n'existe pas de risque de confusion entre eux.

La société poursuivie n’a pas davantage commis d’actes de contrefaçon par reproduction des marques française et de l’Union européenne DEUS. La société demanderesse lui reproche l’utilisation, sans son autorisation, dans deux publicités parues, l’une dans une revue anglaise et l’autre sur le site internet d’un revendeur de métaux français, de la reproduction de l’oreillette sans fil de son produit « XP WS4 DEUS », sur laquelle figure la marque DEUS, afin de promouvoir le casque intitulé « Quest HD pour oreillette XP DEUS WSA » qu’elle commercialise.

Dans son arrêt Gillette[1], la Cour de justice des Communautés européenne a dit pour droit que le caractère licite de l’utilisation de la marque au sens de l’article 6 de la directive 89/104/CEE concernant la limitation des effets de la marque dépend du point de savoir si l'utilisation de la marque par un tiers est nécessaire pour indiquer la destination du produit qu'il commercialise, c'est-à-dire si, en tenant compte de la nature du public auquel est destiné ce produit, cet usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit. Elle a également précisé que la condition d' « usage honnête » est une obligation de loyauté à l'égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque, qui n'est pas respectée, notamment, lorsque l'usage est fait de telle sorte qu'il peut donner à penser qu'il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque, qu'il affecte la valeur de celle-ci en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée, la discrédite ou la dénigre, ou que le tiers présente son produit comme une imitation ou reproduction du produit revêtu de la marque.

S’agissant de la publicité du casque de la société poursuivie sur le site internet français, la reproduction de l'image de l’oreillette DEUS de la demanderesse en trois exemplaires s'éloignant progressivement de l'emplacement du casque dans lequel elle est destinée à être fixée, avec la transparence croissante des trois images à mesure que l'écouteur DEUS s'éloigne du casque, traduit un mouvement et indique ainsi l'usage de cet objet en lien avec le casque compatible vendu, soit la destination du produit au sens des articles L. 713-6 du CPI dans sa version applicable à la cause et 14 de la directive (UE) 2015/2436. Ainsi, cette image, de même que le reste de la page internet incriminée, ou la représentation en couleur orange du nom « XP W54 », couleur qui est également utilisée pour représenter le « Q » de la marque QUEST, n'entretiennent aucune confusion auprès du public concerné entre les produits, marques ou sociétés en cause. Elles ne peuvent pas davantage laisser entendre l'existence d'une collaboration entre ces marques ou sociétés, la publicité ne prétendant pas que l’écouteur DEUS soit proposé à la vente. À cet égard, le descriptif du produit mentionne en termes clairs et non équivoques qu’il est uniquement destiné aux possesseurs de l’oreillette de la demanderesse. La transparence progressive des représentations de cet écouteur confirme qu'il n'est pas le produit vendu et qu'il n'est représenté que pour préciser son usage et sa destination. Par ailleurs, le simple usage de la photographie de l’oreillette de la société demanderesse libre de droits d'auteur, présente sur des supports commerciaux également librement accessibles, ne peut caractériser un quelconque comportement fautif, étant au demeurant le seul moyen (s'agissant d'une image) de fournir au public une information compréhensible et complète sur la destination et l'usage du casque vendu. Par conséquent, un usage honnête de la marque est caractérisé pour désigner le produit comme étant celui du titulaire de la marque. La même analyse doit être faite s’agissant de la publicité parue dans le magazine anglais.

L’atteinte à la marque de renommée de l’Union européenne XP METAL DETECTORS et aux marques de renommée française et de l’Union européenne DEUS n’est pas caractérisée. Les pièces versées aux débats (page Wikipédia et extraits de sites internet, publicités parues dans des revues…) démontrent que la société demanderesse a engagé des frais non négligeables pour promouvoir ses marques et ses produits et qu'elle est connue dans le monde de la détection des métaux, notamment pour la qualité de ses produits. Ces éléments sont cependant insuffisants, à eux seuls, à caractériser la renommée des marques. Ainsi, la société demanderesse ne justifie pas que ses marques jouissent d'une renommée sur une partie substantielle du territoire européen, auprès d'une fraction significative du public pertinent, ni qu'elles exercent un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits désignés, à la date des faits incriminés.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 21 février 2024, 22/00525 (M20240056)
Xplorer SARL c. Kooistra Detectors BV
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 16 nov. 2021, 19/00988)

[1] CJCE, 3e ch., 17 mars 2005, The Gillette Company et al. c. La-Laboratories Ltd Oy ; C-228/03 (M20050194 ; PIBD 2005, 814, III-501 ; RTD Com., 4, oct.-déc. 2005, p. 868, M. Luby).