Atteinte au nom patronymique (non) - Usage fautif - Accord contractuel donné du vivant du porteur du nom
Validité des marques (non) - Dépôt frauduleux - Absence d’exploitation des marques - Détournement du droit des marques
L’usage du nom « Pierre Canto » par la commune de Cannes pour désigner le second port de la ville, dont elle assure la gestion, ne constitue pas une atteinte au nom patronymique Pierre Canto.
De son vivant, Pierre Canto avait signé une convention avec l’ancienne société gestionnaire du port de plaisance, dont il était le dirigeant, aux termes de laquelle il consentait à l’utilisation de son nom patronymique pour déterminer l’ensemble portuaire, moyennant une redevance. Ce contrat établit sa volonté de voir son nom rester attaché au second port de Cannes même après son décès, et ce, sans paiement d’indemnité à ses héritiers. Cette volonté a été exprimée par l’un de ses fils dans une attestation et un article de presse. Par ailleurs, dans une lettre écrite au maire de la ville, la demanderesse, fille de Pierre Canto, déplorait l’intention prêtée au maire de l’époque de changer la dénomination du port. Elle admettait alors que l’usage du nom « Port Pierre Canto » ne portait pas atteinte à la mémoire de ce dernier. La commune de Cannes s’est bornée à perpétuer un usage en vigueur depuis une cinquantaine d’années, auquel deux des héritiers de Pierre Canto ne se sont opposés que récemment, tout en déplorant, s’agissant de la demanderesse, la volonté de la municipalité de changer le nom du port. Il en résulte que l’usage du nom Pierre Canto pour désigner le second port de Cannes, loin de porter atteinte à la mémoire de l’intéressé, la perpétue selon sa volonté, et n’est ainsi pas fautif.
Le dépôt des marques Port Canto par la demanderesse, notamment pour la « gestion administrative de ports et de concessions portuaires », l’année où la ville de Cannes a repris en direct l’exploitation du second port de la ville sous le nom « Port Pierre Canto » ou « Port Canto », a été effectué de mauvaise foi et doit être annulé.
Il ressort des pièces produites, et notamment des échanges épistolaires entre les parties, que la demanderesse a procédé au dépôt des deux marques litigieuses, non pas pour les exploiter pour les produits et service concernés, mais pour pouvoir les opposer à la Ville de Cannes. Elle entendait ainsi obtenir le paiement de redevances pour permettre à la commune de continuer à utiliser le signe « Port Canto », alors même que cette dernière s’y était opposée. Ce détournement de la finalité du dépôt de marques constitue une fraude aux droits de la ville, qui utilise régulièrement le signe « Port Canto » pour l’exploitation du port concerné et dispose ainsi d’un intérêt légitime.
Cour d'appel de Lyon, 1re ch. civ. A, 11 mars 2021, 19/00726 (M20210067)
Commune de Cannes c. Isabelle C
(Infirmation TGI Lyon, 22 janv. 2019, 15/00062)