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Chine : des précisions apportées par la CNIPA sur l’évaluation de la contrefaçon de marque

PIBD 1143-IV-2
Texte

Par Julie Hervé, conseillère régionale INPI pour la Chine1

La China National IP Administration (CNIPA) a publié, le 15 juin 2020, des lignes directrices sur l’évaluation des atteintes aux droits de marques. Ces directives, dont il est précisé qu’elles doivent être interprétées par la CNIPA elle-même, s’adressent aux instances administratives qui interviennent dans la défense des droits2, pour les aider à déterminer si une atteinte à un droit de marques est, ou non, constituée. Elles viennent ainsi compléter la loi chinoise sur les marques, telle qu’amendée en 2019.

Ces lignes directrices sont un complément précieux pour apporter les définitions de termes et de notions qui ne sont que mentionnés dans la loi sur les marques sans y être définis. C’est, par exemple, le cas de la notion d’« usage de la marque », souvent nécessaire pour évaluer si une atteinte à un droit de marque est constituée, qui est largement illustrée dans ces directives qui listent un ensemble d’actions pouvant constituer cet usage.

Les directives comportent également un ensemble de précisions sur la manière dont l’administration doit apprécier la similarité des produits et des services. Il est à noter que celle-ci se fait sur la base des produits ou services tels que désignés par le titulaire des droits lors de son dépôt de marque, auxquels on compare ceux que l’on suspecte d’être contrefaisants. La CNIPA préconise pour cela de se baser sur les classifications des produits et services, et à défaut, sur la compréhension de l’activité par des consommateurs du domaine d’activité concerné. Aussi, le choix des classes et des libellés sera-t-il déterminant au moment de l’appréciation de l’atteinte à une marque : le déposant se doit de redoubler de vigilance à ce sujet. Les modalités d’appréciation sont ainsi différentes de celles que l’on connaît en France, où l’appréciation de la similarité entre des produits ou des services ne se fait pas au regard des classes revendiquées dans le  dépôt  mais uniquement en fonction des produits ou des services tels que figurant dans le libellé.  

Est également précisée dans le document la manière dont l’administration se doit d’apprécier l’identité ou la similitude entre deux signes, tant pour les marques verbales que semi-figuratives, figuratives, audiovisuelles, en trois dimensions ou composées de combinaisons de couleurs. On apprend ainsi que, comme en France, on doit tenir compte des similitudes phonétiques, visuelles, mais aussi intellectuelles pour apprécier les ressemblances entre deux signes pris dans leur ensemble. Là encore, la comparaison des signes se fait sur la base des signes tels que déposés, excluant ainsi toute prise en compte de la façon dont ils seraient effectivement exploités.

Comme en France également, un risque de confusion est reconnu lorsque l’on compare des signes similaires désignant des produits et/ou des services identiques, ou lorsque le signe est identique ou similaire pour des produits et/ou services similaires. Les directives précisent que ce risque de confusion sera constitué dans deux cas de figure : si les consommateurs peuvent être amenés à penser que les produits ou services sont proposés par le titulaire de la marque, ou alors qu’ils le sont par un franchisé, licencié, ou un tiers ayant un lien économique avec le titulaire de la marque. Différents critères sont par la suite présentés en une liste non exhaustive pour apprécier ce risque de confusion.

Intéressant également, les directives précisent l’article 57 de la loi sur les marques. Cet article, qui énonce l’ensemble des actes constitutifs de contrefaçon de marque, laisse en effet une grande place à l’interprétation, malgré l’exposé qu’il présente de sept types d’actes. Grâce aux directives, on apprend ainsi par exemple que l’utilisation dominante d’une marque antérieure dans une dénomination sociale est constitutive d’une infraction au droit des marques. De même que, pour l’organisateur d’un marché, d'une foire, d'une plateforme e-commerce, le fait de savoir que des atteintes à la marque sont commises et de ne pas les empêcher lorsqu’il en a connaissance ou aurait dû en avoir connaissance, ou lorsque ces infractions lui sont signalées par des administrations ou les titulaires de droits eux-mêmes.

Ces lignes directrices sont ainsi riches en apports et en précisions. Elles devraient permettre aux titulaires de droits de marques de mieux se protéger et se préparer plus efficacement lorsqu’ils sont en situation d’agir pour défendre leurs droits. En offrant plus de transparence, ces directives apporteront également, on peut l’espérer, une application plus aisée et plus harmonieuse sur l’ensemble du territoire. Elles devraient ainsi faciliter les relations entre les titulaires de droits, notamment étrangers, et l’administration, pour faire face à des problématiques récurrentes.


Cet article a également été publié dans la Revue sur la propriété intellectuelle et la lutte contre la contrefaçon, juillet 2020, n° 50, p. 23.

1julie.herve@dgtresor.gouv.fr. Le service « réseau international » de l’INPI (dix agents couvrant une centaine de pays) met en œuvre les actions de coopération internationale en collaboration avec ses partenaires, institutionnels et privés. Il accompagne les entreprises à l’export en lien avec la Direction générale du Trésor et assure également la coordination des actions du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).

2Il y a une procédure administrative pour la contrefaçon de marque en Chine. Les instances pouvant intervenir dans la défense des droits sont les suivantes : la CNIPA elle-même (dans le cadre d'une procédure d'opposition ou d'invalidation), la State Administration for Market Regulation (SAMR), la police, ou encore leurs bureaux locaux à l’échelle des provinces chinoises. Lorsqu’il s’agit d’un délit, les litiges sont transférés à l’ordre judiciaire.