Jurisprudence
Dessins et modèles

Contestation sérieuse sur l’originalité d’un conditionnement de crème de beauté invoqué à l’appui d’une demande d’interdiction provisoire

PIBD 1220-III-4
CA Paris, 6 décembre 2023

Mesures provisoires - Trouble manifestement illicite (non) - 1) Titularité des droits d’auteur - Héritier du créateur - Date certaine de création - Personne morale - Présomption de titularité - Exploitation sous son nom - 2) Contrefaçon de droits d’auteur - Contestation sérieuse - Originalité - Identification de l’œuvre - Genre - Dommage imminent (non) - Urgence (non) - 3) Concurrence parasitaire - Volonté de profiter du savoir-faire et des investissements d’autrui - Interdiction provisoire (non) - Provision (non)

Texte

La société demanderesse, fabricant du conditionnement pour cosmétiques invoqué, et l’héritier du créateur de celui-ci ont demandé le prononcé de mesures provisoires pour faire cesser des actes de contrefaçon de droits d’auteur.

Il est établi par les documents versés au débat (attestations de salariés, articles de presse, dessins ...) que le conditionnement en cause a été créé par le fondateur de la société demanderesse. Un catalogue de vente permet d’attester d'une création ayant date certaine en 2005, avec l'évidence requise en référé. Par ailleurs, il ressort de l'attestation notariée que les droits du créateur ont été dévolus à son fils, en sa qualité d’héritier de tous ses biens, droits et actions. En tout état de cause, la société demanderesse est fondée à se prévaloir de la présomption de titularité du fait de la commercialisation de ces pots sous son nom.

Cependant, l’emballage revendiqué n’apparaît pas, avec l’évidence requise en référé, susceptible de protection par le droit d’auteur.

Le conditionnement revendiqué, référencé T65, présente une forme cubique allongée avec des bords extérieurs arrondis. La partie basse extérieure est transparente laissant apparaître un contenant intérieur de forme ronde. Elle est associée à un couvercle opaque mettant en exergue le contenant intérieur.

Les demandeurs décrivent avec précision la combinaison des éléments qu'ils revendiquent mais n'explicitent pas en quoi celle-ci porterait l'empreinte de son créateur. La société défenderesse verse au débat une série de contenants déjà connus et exploités avant la date certaine de création, présentant les caractéristiques revendiquées. Le conditionnement opposé ne s'en éloigne pas d'une manière suffisamment nette et significative et s'inscrit manifestement dans un fonds commun en matière de contenants de crèmes de beauté. De même, le fait d'utiliser un plastique spécifique (PMMA) dans la fabrication de cette gamme de pots ne permet nullement, même en combinaison avec les autres éléments revendiqués, de caractériser l'originalité de ce produit. Ainsi, si le pot revendiqué est le fruit d'un indéniable savoir-faire, il ne présente cependant pas une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

En conséquence, l'existence d'un trouble manifestement illicite n’est pas établie, ni celle d'un trouble imminent, au sens de l’article 835 de Code de procédure civile. Les sociétés demanderesses ne justifient pas davantage d’une situation d'urgence, au sens de l’article 834 de Code de procédure civile.

Sur le fondement de la concurrence parasitaire, il n’est pas établi que l’emballage invoqué constituerait une valeur économique individualisée, fruit d'un savoir-faire spécifique et ayant fait l'objet d'investissements particuliers. Ainsi, les deux seules pièces produites, qui attestent d'investissements conséquents réalisés dans l'achat de nouvelles machines notamment pour fabriquer des contenants et produire des volumes plus importants, sont insuffisantes à caractériser cette valeur pour ce produit spécifique. En outre, le pot est également utilisé par un grand nombre d'acteurs économiques du secteur des cosmétiques pour présenter des soins du visage, de sorte que le trouble illicite causé par les agissements parasitaires reprochés à la société défenderesse n'est pas établi avec l’évidence requise en référé.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 6 décembre 2023, 22/19703 (D20230048 ; Les MÀJ Irpi, 54, janv. 2024, p. 7, G. de Feydeau)
M. [L] [C] [W], Plasticos Faca, Faca Emballage SL et al. c. Laboratoires Filorga Cosmétiques SAS
(Confirmation TJ Paris, ord. réf., 13 juill. 2022, 22/51712)[1]

[1] Sur la protection par le droit d’auteur du conditionnement d’une gamme de sels, voir la décision récente suivante : CA Rennes, 1re ch., 5 déc. 2023, Les Délices de Joséphine SARL c. L’Atelier du Sel GAEC et al., 21/01537 (D20230047 ; PIBD 2024, 1219, III-7).