Contrat de collaboration en recherche et développement - Manquement aux obligations contractuelles - Obligation de mise au point du produit - Obligation de moyens - Sous-traitance - Obligation relative aux droits de propriété intellectuelle - Obligation de paiement du prix
Concurrence déloyale (non) - Débauchage d’un salarié
La société défenderesse, qui désirait commercialiser un dispositif permettant de lutter contre les vols commis dans les bijouteries, a conclu avec un organisme de recherche public un contrat de collaboration pour le développement d'un système de balise (traceur GPS) intégré dans le boîtier d'une montre « leurre ». L’organisme de recherche s’est engagé à mener des travaux sur la miniaturisation et plus particulièrement l’architecture électronique, ainsi que sur une batterie intégrant une nouvelle technologie non commercialisée au jour de l’accord. Étant en difficulté pour développer en interne la partie « batterie » du projet, il a confié sa réalisation en sous-traitance à l’une de ses filiales, qui avait déjà mis au point une batterie permettant le fonctionnement de l'application.
Le contrat et son avenant fixaient les modalités d’exécution du programme de recherche et développement, les règles de dévolution de la propriété des connaissances nouvelles et des futurs brevets, ainsi que les conditions d’exploitation de ces éléments. Il était ainsi prévu, au titre de la propriété intellectuelle, un partage en copropriété des connaissances nouvelles conjointes, à parts égales entre les cocontractants, et la concession de licences à la société défenderesse sous réserve d'une levée d’option. Était également annoncé, pour les coûts relatifs aux travaux effectués par l’organisme de recherche, un financement par sa cocontractante à hauteur de 80 %, soit un montant de 1 323 080 €.
L’organisme public a assigné la société en règlement des sommes dues au titre de factures impayées. Celle-ci lui a reproché en retour des manquements à ses obligations contractuelles, lui imputant notamment l'échec affectant la mise au point de la batterie, qui l’aurait empêchée de passer au stade de l’industrialisation. Elle a dès lors contesté devoir les sommes figurant dans les factures relatives à la partie « batterie » du projet.
Toutefois, l’organisme de recherche n'était tenu qu’à une obligation de moyens pour parvenir à l'élaboration d'un produit innovant et reposant sur une technologie non commercialisée à la date du contrat de collaboration. Aucune faute ne peut lui être imputée dans l’échec affectant la mise au point de la batterie. Et il a poursuivi l'élaboration du traceur jusqu'à l'abandon du projet par la société défenderesse qui a estimé, lors d'une réunion du comité de pilotage du projet, que le marché des montres « leurre » n’était pas porteur et que la batterie livrée ne pouvait pas être intégrée dans la montre.
Le matériel faisant l'objet des travaux de recherche a bien été mis au point, avec des prototypes qui ont été livrés à la société défenderesse. Celle-ci avait accepté le recours à un sous-traitant et elle a collaboré ensuite avec lui. Les recherches ont été effectuées en intégrant les batteries produites par le sous-traitant, sans opposition de la part de la société défenderesse, laquelle s'est même déclarée satisfaite de l'avancée des travaux lors de réunions du comité de pilotage.
Par ailleurs, aucune nouvelle connaissance n'a été découverte par le sous-traitant puisqu'il détenait une batterie ayant déjà été utilisée industriellement. Il ne peut donc être également reproché à l’organisme de recherche de ne pas avoir acquis de droits de propriété intellectuelle par le biais du contrat de sous-traitance. Aucune faute ne peut lui être imputée dans le recours à un sous-traitant et dans le fait que ce dernier ait opposé à la société défenderesse ses propres droits de propriété intellectuelle qui ne résultaient pas de connaissances développées dans le cadre du projet.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande en paiement présentée par l’organisme de recherche.
Concernant, enfin, le comportement déloyal reproché à cet organisme, qui aurait refusé d’accorder une licence sur sa quote-part des deux brevets déposés conjointement par les parties, aucune pièce n’établit que la société défenderesse a levé l’option dans le délai contractuel requis ni qu’elle a donné suite à la proposition qui lui a été faite de finaliser le règlement de copropriété prévoyant une licence non exclusive à son bénéfice.
Cour d'appel de Grenoble, ch. com., 23 novembre 2023, 21/01631 (B20230063)
Evolution Consulting SAS et MJ Alpes SELARL (en qualité de mandataire judiciaire de la société Evolution Consulting) c. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives EPST (CEA)
(Annulation T. com. Grenoble, 14 déc. 2020, 2017J128)