Jurisprudence
Marques

Contrefaçon et atteinte à la marque de renommée CB par l’usage des signes CBlib et CBkado pour désigner des services de cartes à prépaiement

PIBD 1172-III-5
CA Paris, 29 octobre 2021

Validité des marques semi-figuratives (oui) - Caractère distinctif - Sigle - Fonction d’indication d’origine

Contrefaçon des marques semi-figuratives (oui) - Identité des produits et services - Imitation - Sigle - Élément distinctif et dominant - Adjonction d’un suffixe - Tout indivisible - Responsabilité du fournisseur de la solution de paiement (non)

Atteinte à la marque semi-figurative de renommée (oui) - Marque de renommée - Lien entre la marque et le signe litigieux - Préjudice - Dilution - Banalisation

Préjudice - Conséquences économiques négatives - Bénéfices tirés des actes incriminés - Préjudice moral

Texte
Marque n° 4 004 316 du GIE Groupement des cartes bancaires
Marque n° 4 044 675 du GIE Groupement des cartes bancaires
Texte

Les marques semi-figuratives invoquées présentent un caractère distinctif pour désigner des services liés aux cartes bancaires. Elles sont composées des lettres « CB » écrites dans un caractère particulier de forme arrondie avec un trait très épais, de couleur noire pour le signe objet de la première marque,  et de couleur blanche sur un fond de couleurs dégradées pour la seconde. Il n'est pas établi qu'à la date de leur dépôt, le sigle CB renvoyait aux services visés, aucun élément ne démontrant que ces deux lettres indiquent immédiatement à l'utilisateur concerné par les services financiers que ceux-ci sont liés aux cartes bancaires. Aussi, tant les lettres que leur association à des éléments figuratifs seront perçues par le public comme aptes à identifier les services précités comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ces services de ceux d'autres entreprises.

L’usage des signes « CBlib » et « CBkado » pour désigner des produits et services identiques à ceux désignés par les marques en constitue la contrefaçon. Les signes en présence ont en commun les lettres CB qui constituent l'élément arbitraire et dominant des marques invoquées. Dans les signes contestés, ces lettres sont mises en exergue, tant visuellement que phonétiquement, par leur position d'attaque et leur représentation en lettres majuscules de couleur blanche pour le signe « CBlib » et rouge pour le signe « CBKado ». L'adjonction du suffixe avec lequel les lettres CB ne forment pas un tout dans lequel elles perdent leur caractère attractif, n’est pas de nature à écarter les similitudes visuelles et phonétiques existant entre les signes, qui sont suffisantes à caractériser un risque de confusion ou d'association dans l'esprit du public.

La renommée de la marque CB  déposée en couleurs est caractérisée. Il est établi un usage intensif de cette marque qui s’inscrit dans la durée et touche un très large public, étant en outre démontré que son titulaire réalise un chiffre d'affaires important et est leader en parts de marchés sur le territoire français. Ce signe est donc connu d'une large partie du public qui utilise les moyens de paiement par carte bancaire et les services financiers afférents. En revanche, la renommée de la marque CB déposée en noir et blanc n’est pas démontrée. L’usage des signes litigieux porte atteinte à la renommée de cette première marque. En effet, le public retiendra l'acronyme CB, élément essentiel des dénominations en cause, et fera ainsi un lien entre les signes exploités et la marque en pensant que les produits et services fournis le sont par des entreprises liées au titulaire et avec la garantie de sérieux et de sécurité attachée à cette marque. En faisant usage des dénominations critiquées pour désigner des cartes prépayées ou cartes cadeaux les sociétés défenderesses ont causé un préjudice au demandeur résultant de la dilution de sa marque en participant à sa banalisation.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 29 octobre 2021, 20/03109 (M20210248)
Alter CE SAS, EMP Corp., EMP Services et al. c. Groupement des cartes bancaires GIE

(Confirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 19 déc. 2019, 18/00814)