Action en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur - Recevabilité (non) - Intérêt à agir - Protection au titre du droit d'auteur (non) - Originalité - Combinaison d'éléments connus - Banalité - Idée - Mention - Graphisme - Couleur - Empreinte de la personnalité de l'auteur
Concurrence déloyale (oui) - Relations d'affaires - Copie servile du logo - Risque de confusion - Parasitisme (oui) - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui - Appropriation de l'effort d'autrui
Préjudice matériel - Durée limitée des actes incriminés - Quantité limitée de produits incriminés
La société demanderesse est irrecevable dans son action en contrefaçon de droits d'auteur, pour défaut d'originalité de l'œuvre. Elle revendique une composition graphique destinée à être apposée sur des produits textiles ou d’hygiène et de soins pour bébé, dont l'originalité résiderait tant dans le concept qui la sous-tend que dans la forme adoptée. Cette composition est constituée, dans la partie supérieure, de la mention « né à », dans une écriture cursive enfantine de couleur rose ou bleue, illustrant, selon la demanderesse, la forte dimension affective attachée à une naissance. La partie inférieure est constituée de barres horizontales centrées d'un bleu marine strict, symbole de sérieux, sur lesquelles, tel un tampon encreur, apparaissent le nom de la maternité et celui de la ville, pour cristalliser la caution médicale et illustrer le gage de sérieux et de confiance.
Toutefois, ces éléments sont banals. En effet, le texte « né à », l'écriture cursive pour caractériser l'enfance, l'emploi du rose pour une petite fille et du bleu pour un petit garçon afin de distinguer le genre, et la typographie employée ne présentent pas, en soi, d'originalité.
Certes, ces éléments pris dans leur ensemble, c'est à dire l'association de la mention « né à » dans une forme scripturale évoquant l'enfance, avec l'emploi de la couleur rose ou bleue, et la désignation d'un établissement hospitalier exprimée dans une graphie et une couleur plus « strictes » (couleur bleu nuit ; typographie « rigide ») mettent en perspective, voire en opposition, le monde de l'enfance par nature insouciant et la rigueur d'une mention administrative d'origine. Cependant, ils ne suffisent pas à révéler l'expression de la personnalité de l'auteur et de sa sensibilité, et donc une création intellectuelle propre à cet auteur.
En revanche, la société demanderesse est bien fondée dans son action en concurrence déloyale et parasitaire. Elle avait fait une offre de partenariat commercial portant sur la vente de divers produits textiles à l’association défenderesse, qui gère une maternité. Après l'avoir refusée, celle-ci a commercialisé, peu de temps après, de la layette sur laquelle était imprimé le motif incriminé. La défenderesse a ainsi fait croire à la demanderesse qu'elle n'était pas intéressée par son offre alors que, quelques mois plus tard, elle commercialisait des produits s'inspirant directement du motif revendiqué par la reprise de l'écriture, des couleurs, de la typographie, avec l'ajout de « je suis » à « né à » pour tenter de masquer la copie servile, et en adoptant pour tous ces éléments la même disposition.
Il existe donc un risque de confusion entre l'offre commerciale proposée et le motif figurant sur la layette vendue par l'association. Celle-ci a copié l'offre de la demanderesse, à titre lucratif et de manière injustifiée, ou s’en est, à tout le moins, très largement inspiré, profitant ainsi de son travail sans bourse délier, et s'est placée indûment dans son sillage.
Cour d'appel de Versailles, 12e ch., 2 février 2023, 21/03099 (D20230004)
Killarney SARL c. Association de l'Hôpital Foch
(Confirmation partielle TJ Nanterre, 1re ch., 4 mars 2021, 18/10504)