Jurisprudence
Marques

Défaut d'usage sérieux de la marque AMCFILMS pour la production de films - Usage à titre de dénomination sociale sur des DVD et au générique de films

PIBD 1186-III-6
CA Paris, 9 mars 2022

Action en déchéance de la marque - Recevabilité (oui) - Intérêt à agir - Entrave à l’activité économique du demandeur - Activités concurrentes - Entrave à l’exploitation d’une marque de l’UE sur le territoire français - Preuve de préparatifs sérieux d’exploitation non exigée

Déchéance de la marque semi-figurative (oui) - Usage sérieux - Exploitation par un tiers à titre gratuit - Exploitation sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif - Exploitation de la partie verbale - Usage à titre de dénomination sociale et non à titre de marque - Exploitation publique - Enregistrement d’un nom de domaine - Usage dans la vie des affaires - Acte isolé - Exploitation pour des produits déjà commercialisés - Droit de l'UE - Exploitation pour des produits ou services similaires

Texte
Marque n° 3 015 210 de Anne-Marie C
Texte

La société demanderesse a intérêt à agir en déchéance des droits sur la marque amcfilms, dès lors que celle-ci constitue une entrave à l’exploitation de sa marque de l’Union européenne AMC sur le territoire français, même si elle ne justifie pas d’une activité commerciale en France ou d’actes préparatoires sérieux en ce sens. Elle démontre en effet avoir été dans un processus de développement de sa marque en Europe lors de l’engagement de la procédure (sa marque n'était alors pas encore enregistrée), pour des activités concurrentes.

Le titulaire de la marque amcfilms n’a pas exploité personnellement sa marque, mais l’a mise à disposition à titre gratuit d’une société produisant des films documentaires, sans qu’aucun document écrit, tel un contrat de licence, n’officialise cet accord, puis, après la dissolution de cette société, à disposition de la société bénéficiant de la transmission universelle du patrimoine de la première. L’usage du signe « amcfilms » a été fait avec le consentement du titulaire de la marque, qui était également un dirigeant de ces deux sociétés, attestant ainsi d’un lien entre celui-ci et la seconde société arguant de l’exploitation du signe. Les utilisations revendiquées sont donc susceptibles de constituer la preuve d'un usage de la marque semi-figurative, même si elles ne portent que sur l'élément verbal, dès lors que celui-ci en constitue l'élément essentiel et que le caractère distinctif de la marque n'est pas altéré.

Cependant, la déchéance des droits sur la marque pour défaut d’usage sérieux doit être prononcée pour l’ensemble des produits et services visés à l’enregistrement, dont les services de production de films. Les films documentaires invoqués, qui ont été produits antérieurement à la période de référence à prendre en compte pour apprécier l'usage sérieux, continuent d’être exploités par diffusion télévisuelle ou par la vente de DVD, le signe « amcfilms » étant reproduit au générique des films et sur la jaquette des DVD. Ces utilisations du signe ne constituent pas un usage à titre de marque permettant d’identifier l’origine commerciale des services visés, mais uniquement un usage en tant que dénomination sociale du producteur, dont la mention est, conformément aux pratiques du secteur, portée au générique du programme ou sur son support d’enregistrement.

Suite à la dissolution de la société productrice, intervenue avant les utilisations évoquées, les contrats d’exploitation des films ont été transférés à la seconde société qui a pour seule activité l’exploitation et l’édition d’œuvres de l’esprit. Ils ne contiennent aucune clause relative à l’usage de la marque amcfilms. Par ailleurs, les films n’ont fait l’objet d’aucune promotion ou publicité sous cette marque. De plus, en matière de déchéance, le titulaire de la marque doit justifier d’un usage pour chacun des produits et services visés au dépôt, et non pour des produits et services similaires. Or, l’activité de distribution de films est distincte de celle de production.

Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 9 mars 2022, 16/15623 (M20220084)
Anne-Marie C et Brand Behavior Assets SARL c. AMC Network Entertainment LLC
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 9 juin 2016, 14/16148 ;
M20160356)