Jurisprudence
Brevets

Détermination du titulaire du droit sur des inventions, objet de dépôts de brevets dans des pays tiers à l’UE - Compétence internationale

PIBD 1193-III-1
CJUE, 8 septembre 2022

Action en vue de voir constater un droit légitime sur les inventions - Demandes de brevets et brevets hors UE - Qualité d’inventeur - Compétence internationale - Droit de l’UE - Lieu du dépôt ou de délivrance des brevets

Texte

En vertu de l’article 24 § 4 du règlement Bruxelles I bis, seules sont compétentes, en matière d’inscription ou de validité des brevets, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé ou effectué. Ces dispositions ne s’appliquent pas à un litige tendant à déterminer si une personne est titulaire du droit sur des inventions visées par des demandes de brevet déposées et des brevets délivrés dans des pays tiers à l’Union européenne.

La situation juridique en cause concerne deux sociétés ayant leur siège social dans le même État membre (en l’occurrence la Suède) et le droit sur des inventions né dans cet État. Elle présente bien un élément d’extranéité nécessaire à l'application du règlement, conférant un caractère international au litige, en raison du lieu de dépôt et de délivrance des brevets invoqués qui est extérieur à cet État membre. Si l'élément d’extranéité requis peut se situer sur le territoire de pays tiers à l'Union européenne (en l'occurrence les États-Unis et la Chine), l’article 24 § 4 n'est cependant pas applicable au litige en cause. En effet, il prévoit uniquement la situation dans laquelle le dépôt ou l’enregistrement a été demandé ou effectué sur le territoire d’un État membre.

Par ailleurs, le litige ne porte pas sur l’inscription ou la validité d’un brevet, au sens de cette règle spécifique de compétence qui est d’interprétation stricte. Il n’est donc pas nécessaire de le réserver aux juridictions les mieux placées pour connaître des cas portant sur la validité ou la déchéance d’un brevet, l’existence du dépôt ou la délivrance du brevet, ou encore la revendication d’un droit de priorité.

La Cour de justice a déjà jugé que ne relevait pas de cette règle de compétence un litige portant uniquement sur la titularité du droit au brevet ou un litige visant à déterminer si une personne avait été inscrite à bon droit au registre en tant que titulaire d’une marque. En effet, la question de savoir de quel patrimoine personnel relève un titre de propriété intellectuelle ne présente pas, en règle générale, un lien de proximité matérielle ou juridique avec le lieu de l’enregistrement du titre. Cette considération vaut aussi pour la question de savoir à qui appartiennent les inventions en cause, laquelle englobe celle de la qualité d’inventeur.

De plus, même si l’identification de l’inventeur impliquait un examen des revendications de la demande de brevet ou du brevet concerné afin de déterminer la contribution de chaque collaborateur à la réalisation de l’invention, cet examen ne porterait pas sur le caractère brevetable de cette dernière. Et le fait qu’un examen des revendications puisse être effectué au regard du droit matériel des brevets du pays sur le territoire duquel la demande a été déposée ou le brevet a été délivré n’impose pas non plus l’application de l’article 24 § 4.

Cour de justice de l'Union européenne, 9e ch., 8 septembre 2022, C-399/21 (B20220081)
IRnova AB c. Flir Systems AB
(Décision préjudicielle)