Demande d’expertise - Recevabilité (oui) - 1) Demande formée par un tiers au règlement de copropriété de brevet - 2) Demande formée à l’encontre d’une société étrangère - Signification de l’assignation à un établissement secondaire
Expertise (oui) - Évaluation du préjudice - Manquement à l’obligation d'exclusivité du règlement de copropriété - Portée du contrat - Droit de la concurrence
La société Aplix SA et la société Dounor ont conclu un accord de coopération aux fins de développement en commun d’un produit auto-agrippant non tissé. Un brevet européen portant sur un matériau de boucle pour fixation a été déposé en copropriété par cette dernière société et la société de droit américain Aplix Inc.. Par ailleurs, un règlement de copropriété de brevet a été conclu entre la société Aplix SA et la société Dounor indiquant que la société Dounor assure la fabrication du produit et la société Aplix SA sa commercialisation. Suite aux rachats successifs de la société Dounor, la société Aplix SA a résilié l’accord de coopération. Ayant constaté la commercialisation notamment par la société Dounor de produits présentant l’attache en cause, les sociétés Aplix ont demandé en référé une mesure d’expertise pour déterminer l’ampleur des manquements de la société Dounor au contrat de copropriété.
La société Aplix Inc., bien que non signataire du règlement de copropriété du brevet, est recevable à invoquer le dommage qu'elle aurait subi du fait du manquement contractuel de l'une des parties à la convention, ce d'autant qu’elle apparaît comme copropriétaire du brevet.
L'existence de contestations, mêmes sérieuses, quant à la recevabilité ou au bien-fondé de la future action au fond ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d'une expertise lorsque le demandeur justifie par des faits suffisamment pertinents qu'un litige potentiel existe et que la mesure sollicitée présente une utilité probatoire.
En l’espèce, la demande d’expertise est bien fondée du fait de l’existence d'un litige potentiel entre les parties résultant de la commercialisation par la société Dounor de produits en violation de l'exclusivité invoquée. En effet, la résiliation de l'accord de développement est sans incidence sur le règlement de copropriété qui demeure toujours en vigueur. Ce dernier traduit l'intention non équivoque des parties d'organiser entre elles une exclusivité réciproque au regard des attributions conférées à chacune, et de déroger ainsi au principe posé par l'article L. 613-29 du CPI, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, selon lequel chaque copropriétaire peut exploiter l'invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires.
Par ailleurs, la mesure d'expertise telle qu’ordonnée, circonscrite à l'obtention des documents relatifs à la production et à la vente des produits litigieux, est utile et proportionnée.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 1er juin 2021, 20/10605 (B20210043)
Dounor SASU et Berry Global Inc. c. Aplix SA et Aplix Inc. Co
(Confirmation TJ Paris, ordonnance de référé, 16 juin 2020, 19/59501)