Jurisprudence
Brevets

Extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande initiale - Généralisation intermédiaire

PIBD 1138-III-1
CA Paris, 13 mars 2020

Validité du brevet européen (oui) - Limitation de la portée du brevet - Extension de l'objet au-delà du contenu de la demande initiale (non) - Demande divisionnaire - Modification de la revendication - Suppression de caractéristiques - Ajout d’une caractéristique - Nouveauté (oui) - Activité inventive (oui)

Validité de la saisie-contrefaçon (non) - Personne assistant l'huissier - Conseil en propriété industrielle

Contrefaçon de brevet (non) - Preuve

Texte

Le brevet litigieux qui porte notamment sur un dispositif nommé guide-bande, destiné à guider une bande transporteuse dans une machine de montage de composants électroniques, est valable. L’omission des moyens de retenue de bande transporteuse et de séparation dans la revendication 1 du brevet limité, alors qu’ils figuraient dans la revendication 1 de la demande parente, ne constitue pas une extension de l’objet du brevet au-delà de la demande initiale. Ainsi, si le moyen de retenue est cité dans la description du brevet comme une caractéristique nécessaire du guide-bande, ce n’est que pour permettre le chargement d’une bande transporteuse à distance de la machine. Il ne saurait être considéré que le caractère prétendument essentiel de ce moyen pour l’invention découle implicitement de la présentation globale de l’invention. Le moyen de retenue n'apparaît donc pas comme indispensable à la réalisation de l'invention, même s’il en constitue un mode de réalisation préférentiel. Par ailleurs, l’absence de reprise de la précision selon laquelle le moyen d’exposition du guide-bande comprend un moyen de séparation n'amène cependant pas à pouvoir croire qu'il n'y a pas de tel moyen. En effet,  la description montre que le moyen d'exposition comprend forcément un moyen assurant la séparation de l'enveloppe de la bande puisqu'il s'agit de pouvoir prélever les composants exposés. En l’espèce, l'homme du métier était naturellement en mesure de mettre en œuvre ce moyen de séparation compte tenu de ses connaissances générales et de la description.

L’extension du contenu de la demande initiale ne peut davantage être retenue du fait de l’existence d’une généralisation intermédiaire1. La demande parente indiquait que le guide-bande était agencé « pour la réception de moyens d’avance prévus sur la machine de montage de composants », ce qui impliquait que le guide-bande ne disposait pas de moyen d’avance. Le fait de préciser dans la revendication 1 du brevet limité que le guide-bande ne dispose pas de moyen d'avance de bande de composants, ce qui résulte du fait qu'il était prévu sur la machine de montage, ne saurait dès lors suffire à caractériser une généralisation intermédiaire. En effet, il s'agissait d'une information déductible directement et sans ambiguïté par l'homme du métier de la demande initiale telle que déposée.

Enfin, le guide-bande breveté n’encourt pas la nullité pour défaut de nouveauté ou d’activité inventive. Sur ce dernier point, l'homme du métier ne trouvait pas, dans l'art antérieur, d'incitation à supprimer les moyens d'avance d'un guide-bande et inclure dans ce guide-bande des moyens de blocage.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 13 mars 2020, 2018/05198 (B20200014)
Mycronic AB et Mycronic SASU c. Europlacer Industries SASU
(Infirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 2 févr. 2018, 2014/15230, B20180026 ; PIBD 2018, 1096, III-407)

1La question de la généralisation intermédiaire a également été traitée en première instance dans cette affaire. La société défenderesse reprochait l'insertion, dans la revendication 1 du brevet limité, d'une caractéristique qui ne pouvait être isolée dans la mesure où elle n'était évoquée dans la description du brevet qu'en combinaison avec d'autres caractéristiques. Selon elle, cela revenait à une généralisation intermédiaire prohibée par les dispositions de l'article 123 § 2 de la Convention sur le brevet européen concernant l’extension de l’objet au-delà du contenu de la demande initiale, mais également par l'article 76 § 1 de la CBE qui s'applique aux demandes divisionnaires.

Les juges du fond ont rappelé qu’une généralisation intermédiaire n'est admissible que si l'homme du métier peut déduire sans aucun doute de la demande telle que déposée, que les caractéristiques revendiquées ne sont pas liées étroitement aux autres caractéristiques du mode de réalisation, mais qu'elles s'appliquent directement et sans ambiguïté au contexte plus général. La généralisation doit résulter des informations non ambiguës que l'homme du métier tirerait de la lecture de l'exemple et du contenu de la demande.

Pour d’autres illustrations d’extension de l’objet du brevet au-delà de la demande en raison de l'existence d'une généralisation intermédiaire, voir notamment : TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 23 mars 2018, Plastic Omnium Advanced Innovation and Research c. Emitec France, 2015/06037, B20180115 ; TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 9 févr. 2018, Shionogi Seiyaku Kabushiki Kaisha et al. c. Biogaran SAS, 2016/13292, B20180027, PIBD 2018, 1096, III-395 ; TGI Paris, 3e ch., 1re sect., ord. juge de la mise en état, 17 nov. 2016, Novartis Pharma SAS et al. c. Biogaran SAS et al., 2015/17604, B20160164, PIBD 2017, 1064, III-33 ; TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 28 mai 2015, Nexira SAS c. SAN-Ei Gen FFI Inc. et al., 2012/11963, B20150060.