Doctrine et analyses
Compte rendu

La Cour suprême italienne et la limitation des revendications : combien de fois pouvez-vous essayer et le juge peut-il vous empêcher d'essayer encore ?

PIBD 1233-II-1

d’après l’article d’Agata Sobol* : Italian Supreme Court on claim limitation: how many times can you try and can the judge prevent you from trying more?, in EIPR, (46), 8, août 2024, p. 546-550

Texte

A. Sobol se penche sur une décision de la Cour suprême, en date du 11 décembre 2023, concernant une question qui a beaucoup occupé les juridictions italiennes : la limitation du brevet au cours d’une procédure judiciaire dans laquelle la validité est en jeu1.

Le point de départ est une action en contrefaçon infructueuse : l’expert nommé par le tribunal a jugé le titre partiellement nul, et non contrefait. La limitation du brevet par le titulaire conformément à l’article 79(3) du Code de la propriété industrielle s’est soldée par la même conclusion. Quatre jours avant l’audience finale, le titulaire a présenté une deuxième requête en limitation, jugée irrecevable car tardive. Débouté en appel, il a obtenu gain de cause devant la Cour suprême.

L’auteure présente les grands principes issus de la décision.

Primo, du moins en première instance, la requête peut être présentée jusqu’à l’audience finale, voire pendant celle-ci, sans que cela constitue un abus de droit.

Secundo, la Cour a souhaité clarifier l’articulation entre le droit du titulaire de limiter son brevet et la nécessité de rendre une décision dans un délai raisonnable. Il en résulte que, s’il est satisfait aux conditions de l’article 79(3), la requête ne peut être rejetée au simple motif qu’elle retarderait la procédure. Elle ne peut l’être que si elle est abusive, lorsque la limitation n’est pas son objectif véritable. Le caractère abusif doit alors être établi clairement et sans ambiguïté.

Tertio, le simple fait de présenter une nouvelle requête alors que la précédente a été rejetée au regard de l’art antérieur ne relève ni de l’abus de droit, ni de la mauvaise foi mais de l’exercice de ses droits par le titulaire.

L’auteure note que la Cour fait primer le droit du titulaire de défendre son titre sur la nécessité d’un délai raisonnable. En d’autres termes, mieux vaut un procès équitable qu’un procès rapide, même si la durée est l’un des éléments du droit à un procès équitable.


Les pessimistes penseront peut-être que la Cour a ouvert la voie à d’importants retards dans le contentieux des brevets, une requête en limitation ne pouvant être rejetée que si elle est clairement abusive, ce qui risque d’être difficile à prouver. Les optimistes considéreront peut-être que la limitation posera désormais moins de problèmes d’interprétation. L’auteure fait observer que le rejet d’une requête peut aussi retarder l’issue du litige.

Elle signale enfin que la Cour s’est également prononcée sur la question de la limitation en cours de procédure judiciaire dans une décision du 25 mars 2024.

* Lexsential, Milan.
1 Biolitec Italia S.r.l. c. Eufoton S.r.l. et Alma Lasers Italia S.r.l.
 

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