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Pratique des Offices

La suppression de l’exigence de représentation graphique dans le nouveau droit des marques : quelles perspectives à l’international ?

PIBD 1134-IV-1
Par Céline Boisseau et Maxime Bessac
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Par Céline Boisseau, chargée de missions relations internationales, et Maxime Bessac, chargé de missions juridiques (INPI)

La transposition en droit français de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques tend à moderniser et à rendre plus performants les dispositifs de protection des marques, notamment en permettant de déposer de nouveaux types de marques répondant aux évolutions techniques et économiques.

Alors que, jusqu’à présent, les signes aptes à constituer une marque étaient ceux qui étaient susceptibles d’une représentation graphique, l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, entrée en vigueur le 11 décembre suivant, est venue supprimer cette exigence.

Ainsi, le nouvel article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que « La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales », précisant alors que « ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection ».

Aussi, et conformément au nouvel article R. 711-1 reprenant les dispositions considérant (13) de la directive 2015/2436, un signe peut-il être désormais représenté au moment du dépôt sous toute forme appropriée, en ayant recours à la technologie communément disponible, sous réserve qu’il puisse être représenté dans le registre national des marques de façon claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective.

Afin de rendre possible le dépôt des marques multimédiasmais également des marques sonores, de mouvement ou hologrammes sous format MP3 ou MP4, le nouveau portail de dépôt en ligne de l’INPI a évolué en conséquence.

À cet égard, la décision n° 2019-157 du Directeur général de l’INPI, en date du 11 décembre 2019, vient définir ces marques non traditionnelles et en préciser les différents modes de représentation, le type et la taille des formats électroniques acceptés étant précisés dans l’aide au dépôt disponible en ligne à la fois sur le site internet de l’INPI et lors de la navigation sur le téléservice de dépôt.

  • Les marques multimédia, définies comme des marques consistant en une combinaison d’images et de son ou s’étendant à celle-ci, peuvent être représentées par un fichier audiovisuel au format MP4.
  • Les marques de mouvement, définies comme des marques consistant en un mouvement ou changement de position de leurs éléments, ou s’étendant à ceux-ci,  peuvent être représentées par un fichier vidéo au format MP4.
  • Les marques sonores, définies comme des marques entièrement composées d’un son ou d’une combinaison de sons, peuvent être représentées par un fichier audio au format MP3.
  • Enfin, les marques composées d’éléments ayant des caractéristiques holographiques peuvent désormais être représentées par un fichier vidéo au format MP4.

La représentation de ces marques, déposées sous format audio, vidéo ou audiovisuel, est rendue accessible sur la base publique de l’INPI à l’adresse https://bases-marques.inpi.fr/. Dans le Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI), figure également une empreinte numérique SHA-256, ainsi qu’un lien vers le fichier disponible sur la base publique.

À ce jour, ont notamment été publiées au BOPI trois demandes d’enregistrement portant sur des marques non traditionnelles. Ces demandes sont en cours d’examen auprès de l’INPI :

  • Une marque sonore déposée au format MP3 le 26 décembre 2019 sous le numéro 4 610 154 et publiée au BOPI n° 20/03 le 17 janvier 2020.
Marque sonore n° 4 610 154
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  • Une marque de mouvement déposée au format MP4 le 2 janvier 2020 sous le numéro 4 611 257 et publiée au BOPI n° 20/04 le 24 janvier 2020.
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  •   Une marque multimédia déposée au format MP4 le 26 février 2020 sous le numéro 4 627 583 et publiée au BOPI n° 20/12 le 20 mars 2020.
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Dans une perspective d’extension à l’international d’une marque déposée ou enregistrée devant l’INPI, relevons toutefois que les dispositions actuelles de l’arrangement de Madrid et les formulaires utilisables pour les demandes d’enregistrement internationaux proposés par l’OMPI ne permettent pas, en l’état actuel, l’acceptation des fichiers audio ou des fichiers vidéo et audiovisuels.

En d’autres termes, dans le cadre de l’arrangement de Madrid et du protocole relatif à celui-ci, quand une marque a été déposée ou enregistrée auprès d’un office national, son titulaire peut faire une demande d’extension à l’international, en obtenant son enregistrement à l’OMPI sous réserve, s’agissant des marques sonores, des marques de mouvement ou des hologrammes, que celles-ci contiennent des représentations graphiques.

À l’échelle internationale, si certains offices ont modifié leur législation pour accepter les marques non traditionnelles (sons, images en mouvement…), à l’instar de la Chine, qui accepte depuis 2014 le dépôt des marques sonores, des États-Unis ou encore du Canada, dont les amendements à la loi sur les marques de commerce sont entrés en vigueur le 17 juin 2019, il demeure que peu d’entre eux ont supprimé l’exigence de représentation graphique.

Citons ainsi, à titre d’exemple, qu’au Japon, depuis le 1er avril 2015, il est possible de déposer cinq nouveaux types de marque « non traditionnelles » : les marques de couleur, les marques sonores, les marques de mouvement et les marques de position. La gazette des marques publiée par l’Office des brevets du Japon (JPO) n’étant pas en format papier, le fait de ne pas représenter graphiquement les signes déposés ne pose pas de problème majeur. Lors d’un dépôt de marque sonore, il est possible, par exemple, d’inclure un fichier audio, un texte explicatif ainsi qu’une partition ou représentation graphique de la musique.

S’agissant de la Corée du Sud, depuis 2012, celle-ci, poussée par l’accord de libre-échange avec les États-Unis, a admis l’enregistrement de marques « non visuelles ». Le texte de loi est assez large et définit une marque comme toutes indications utilisées pour identifier la source d’un produit, quelle que soit la composition ou les méthodes d'expression de celles-ci, y compris tout signe, lettre, chiffre, son, odeur, forme tridimensionnelle, hologramme, mouvement, couleur, etc. Pour la Corée, comme pour le Japon, il n’y a plus de publication papier des marques : la gazette officielle est diffusée par Internet ou par cédérom. 

Enfin, à Taïwan, depuis 2011, la loi sur les marques a été amendée pour inclure les marques « non traditionnelles », couvrant ainsi tout signe susceptible d'être reconnu comme une indication de la provenance de produits ou de services. La protection comprend, mais sans s'y limiter, les marques de couleur, de forme tridimensionnelle, de mouvement, les hologrammes, les sons, etc.

Une évolution des modes de représentation des nouveaux types de marque est à attendre dans de nombreux offices. Pour l’heure, le choix d’une marque représentée par des fichiers MP3 ou MP4 doit être mûrement réfléchi dans une optique de protection à l’international de celle-ci.

L’INPI dispose d’un réseau international composé de dix conseillers spécialisés en propriété industrielle, répartis aux quatre coins du monde et couvrant une centaine de pays.

Merci notamment à :

Anne-Catherine Milleron, notre conseillère PI à Séoul, en Corée du Sud,
Julie Hervé, notre conseillère PI à Pékin, en Chine,
Stéphanie Leparmentier, notre conseillère PI basée à Singapour,
Charlotte Beaumatin, notre conseillère PI à Washington, aux États-Unis.