Jurisprudence
Marques

Mesures provisoires - Atteinte vraisemblable à la marque de renommée de l’UE CLINIQUE par l’usage des signes « La Clinique digitale » et « Clinique digitale »

PIBD 1152-III-3
CA Paris, 6 novembre 2020

Interdiction provisoire (oui) - Provision (oui) - Caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits - Atteinte à la marque de renommée de l'UE - Droit de l'UE - Lien entre la marque et le signe litigieux - Appréciation globale - Similitude des signes - Similarité des produits et services - Complémentarité - Caractère distinctif élevé de la marque - Public concerné identique - Préjudice porté au caractère distinctif de la marque

Texte
Marque de l’UE n° 54429 de la Sté Clinique Laboratories
Texte

L’usage des signes « La Clinique digitale » et « Clinique digitale » pour des services de conseils de beauté constitue une atteinte vraisemblable à la marque de renommée de l’Union européenne CLINIQUE.

La reprise dans les signes litigieux de la marque, dotée d’un fort caractère distinctif pour désigner les produits de toilette et cosmétiques ainsi que les services de conseils de beauté visés, crée, notamment au plan conceptuel, une similitude de degré élevé qui n’est pas altérée par l’adjonction de l’adjectif « digitale », descriptif de l’emploi de moyens numériques. 

Les services de conseils de beauté désignés par les signes litigieux présentent un lien de complémentarité avec les produits cosmétiques pour lesquels la marque est renommée. Le site internet exploité par la société poursuivie permet d’accéder à une application pour téléphones mobiles qui se présente comme ayant pour but de proposer des solutions beauté sur mesure. Elle aide l’internaute à construire son « profil beauté » et à identifier ses besoins en matière de soins. Ainsi, ces conseils beauté, bien que dispensés par la communauté des utilisateurs de l’application, visent en définitive et essentiellement à guider l'internaute dans le choix de ses achats de produits cosmétiques. Le fait que les services litigieux sont proposés au moyen de technologies digitales ne permet pas d'écarter ce lien. En effet, les marques de produits cosmétiques, tenant compte des nouvelles habitudes de consommation ou les anticipant, ne cessent de développer l'utilisation de ces technologies en créant des sites internet, des comptes sur les réseaux sociaux et des applications pour téléphones mobiles par le biais desquels sont offerts à la vente leurs produits mais sont aussi dispensés des conseils de beauté personnalisés destinés à assister la cliente dans le choix des produits les plus appropriés à ses besoins.

Le public concerné, constitué pour la marque et les signes litigieux de consommateurs de produits cosmétiques et auprès duquel la renommée de la marque CLINIQUE est la plus intense, établira, même s'il ne les confond pas nécessairement, un lien entre la marque et les signes contestés pouvant le conduire à attribuer aux produits et services en cause une origine commune ou à les associer comme provenant d'entreprises économiquement liées.

Il en découle une dilution du caractère distinctif de la marque renommée qui se trouve, en raison du brouillage introduit dans l'esprit du public concerné, affaiblie dans son aptitude à distinguer les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de cette marque, l'usage des signes contestés entraînant une dispersion de l'identité de cette marque et de son emprise sur l'esprit du public. 

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 6 novembre 2020, 2019/15951 (M20200227)
Clinique Laboratories LLC c. WB Technologies (WBT) SAS
(Infirmation TGI Paris, ord. ref, 16 déc. 2016, 2016/58701, M20160706 ; sur renvoi après cassation CA Paris, pôle 5, 1re ch., 20 juin 2017, 2017/01193, M20170320, PIBD 2017, 1078, III-600 ; Cass. com., 27 mars 2019, T/2017/28213, M20190080, PIBD 2019, 1117, III-279)