Actualités et informations
Petite incursion dans les archives de l'INPI

Nadar et les brevets d’inventions : une histoire de famille

PIBD 1140-IV-6
Par Amandine Gabriac
Texte

Par Amandine Gabriac, chef de projet archivage à l’INPI

Félix Tournachon, dit Nadar, naît le 5 avril 1820 à Paris, il y meurt en 1910. Caricaturiste, journaliste, peintre, aéronaute, il est surtout l’un des plus célèbres photographes du XIXe siècle. Les Nadar, c’est aussi une histoire familiale avec Adrien, le frère de Félix, et Paul, son fils. À l’occasion des deux cents ans de la naissance de Félix, retour sur cette famille d’exception, à travers les brevets d’invention conservés par l’Institut national de la propriété industrielle.

Après quelques études de médecine, Félix Tournachon travaille un temps pour la presse. Proche de Gérard de Nerval et de Charles Baudelaire, il écrit même quelques romans. En 1845, il devient caricaturiste pour de nombreux journaux satiriques. La photographie ? Il la découvre dans un premier temps grâce à son frère Adrien, pour lequel il recherche une activité : il lui fait prendre des cours de photographie auprès du célèbre photographe Gustave Le Gray en 1853. Adrien dépose d’ailleurs un brevet d’invention en 1854 pour l’Application mécanique du collodion sur plaque photographique sous le nom d’Adrien Tournachon, dit Nadar, et un autre en 1856 sous le nom de Tournachon, Nadar jeune et Cie, pour une Application de la photographie sur toiles et étoffes tissées. Un an après, tandis que son frère a déjà son propre atelier, Félix Tournachon s’intéresse à son tour à la pratique photographique. Il prend des cours et ouvre son atelier. Il travaille d'abord avec son frère, mais une brouille éclate entre eux pour l’utilisation du pseudonyme « Nadar ». À l’issue d’un procès de deux ans, Félix obtient de l’utiliser exclusivement.

L’atelier photographique de Félix Nadar prospère, il réalise de multiples portraits de ses amis, de célébrités et de ses nombreux clients. Parmi eux : Baudelaire, George Sand, Victor Hugo, Alexandre Dumas et Eugène Delacroix.

En parallèle de ces activités, Nadar est un inventeur acharné. Il s’intéresse à tout ce qui dépasse la pratique ordinaire du portrait en atelier. L’INPI conserve aujourd’hui quatre brevets d’invention qu’il dépose entre 1854 et 1863. Le plus célèbre est probablement celui de la photographie aérienne. En effet, Nadar se passionne très tôt pour la conquête du ciel et dépose, le 23 octobre 1858, un brevet d’invention de quinze ans pour un Système de photographie aérostatique. Ce brevet prévoit l’utilisation de la photographie pour le lever des plans topographiques et cadastraux et pour les opérations militaires stratégiques. L’appareil photographique est placé sur le côté ou le fond de la nacelle, et un dispositif permet d’ouvrir rapidement l’obturateur pour prendre les photographies. Enfin, la nacelle sert également de laboratoire pour sensibiliser et développer l’image. Une première image est réalisée, mais a aujourd’hui disparu. Il faudra attendre son fils Paul pour que la photographie aérienne soit adoptée par le ministère de la guerre à la fin du siècle, après avoir lui-même réalisé des vues de meilleure qualité à l’aide des procédés photographiques alors perfectionnés.

Vignette
Brevet d’invention de quinze ans déposé le 23 octobre 1858 par Félix Tournachon, dit Nadar, pour un Système de photographie aérostatique (n° 1BB38509)

En 1861, Félix dépose un autre brevet d’invention pour le Tirage des épreuves photographiques positives, par la lumière électrique ou la lumière du gaz. Cette invention doit permettre de photographier en toute circonstance, peu importe la lumière extérieure. Elle lui permet notamment de photographier catacombes et égouts parisiens.

Brevet d’invention de 15 ans déposé le 4 février 1861 par Félix Tournachon dit Nadar pour le Tirage des épreuves photographiques positives, par la lumière électrique ou la lumière du gaz (1BB48442)
Brevet d’invention de quinze ans déposé le 4 février 1861 par Félix Tournachon, dit Nadar, pour le Tirage des épreuves photographiques positives, par la lumière électrique ou la lumière du gaz (n° 1BB48442)

Nadar est ainsi une figure essentielle de la photographie du XIXe siècle. Témoin et acteur de son temps, il est à la tête d’un des plus grands ateliers parisiens et son activité inventive inlassable renforce encore ce destin d’exception. Le grand Nadar est un homme de technique, d’expérimentation, il a le goût du risque et l’envie de tout essayer. En 1900, il triomphe avec la rétrospective de son œuvre, organisée par son fils pour l’Exposition universelle. À la fin de sa vie, il publie ses souvenirs dans un ouvrage intitulé « Quand j’étais photographe ».

Brevet d’invention de 15 ans déposé le 19 février 1891 par Paul Nadar pour une Lampe au magnésium à feu continu ou intermittent, dite hélionocte, système Nadar (1BB211527)
Brevet d’invention de quinze ans déposé le 19 février 1891 par Paul Nadar pour une Lampe au magnésium à feu continu ou intermittent, dite hélionocte, système Nadar (n° 1BB211527)

Son fils, Paul, travaille dans un premier temps avec lui avant de prendre le relais des activités familiales. À son tour inventeur, Paul dépose sept brevets d’invention entre 1887 et 1896, tous conservés à l’INPI. Dans la lignée de son père, il s’intéresse à la photographie à la lumière électrique. La photographie instantanée occupe également une grande place dans son activité inventive. Il invente en 1888 un Appareil photographique perfectionné, à main, commercialisé sous le nom de L’Express Détective Nadar, avec lequel il voyage au Turkestan. Il y prendra 1 500 vues. Il devient le représentant exclusif en France de l'entreprise Kodak. Il se fera pourtant difficilement une place dans l’ombre omniprésente de son père « roi des photographes ».

Brevet d’invention de 15 ans déposé le 11 décembre 1888 par Paul Nadar pour un Appareil photographique perfectionné (1BB194703)
Brevet d’invention de quinze ans déposé le 11 décembre 1888 par Paul Nadar pour un Appareil photographique perfectionné (n° 1BB194703)

Cet article est également paru dans le Journal Spécial des Sociétés du 24 mai 2020.