Opposition au brevet d’invention - État de la technique - Personne du métier - 1) Description suffisante (oui) - Exécution par l’homme du métier - 2) Brevetabilité - Méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles ou en matière de jeu - Effet technique - 3) Nouveauté (non) - Opposition justifiée (oui)
Requête subsidiaire 1 - Modification de la revendication 1 - Nouveauté (oui) - Activité inventive (non) - Rejet
Requête subsidiaire 2 - Modification de la revendication 1 - Nouveauté (oui) - Activité inventive (oui) - Fait tardif - Phase orale - Maintien du brevet sous une forme modifiée
L’opposition contre le brevet français intitulé « Dispositif et méthode d’apprentissage de lecture » est reconnue justifiée et le brevet est maintenu sous une forme modifiée.
Le brevet comporte onze revendications. Les sept premières définissent un dispositif d’apprentissage de lecture et les quatre dernières un procédé d’apprentissage de lecture qui utilise ce dispositif.
L’opposant a demandé la révocation totale du brevet contesté, sur la base des motifs suivants : insuffisance de l’exposé, exclusion de brevetabilité, défaut de nouveauté et défaut d’activité inventive.
L’état de la technique comprend tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date du dépôt du brevet contesté, notamment par une description écrite ou par un usage. Le document D1 est un article sur un site internet présentant un projet de jeu intelligent pour l’apprentissage de la lecture. Ce document n’est pas une preuve qu’un jeu a été rendu accessible au public par un usage, mais il est bien une preuve que la description d’un jeu a été rendue accessible au public à une date certaine antérieure au dépôt du brevet contesté, par la publication sur Internet d’un article. Il fait donc partie de l’état de la technique
De même, les documents D2, D3, et D4, consistant en la publication d’une thèse et d’articles relatifs à des dispositifs d’apprentissage de la lecture « phoneblocks » et le document D5 qui est un projet d’étude faisant le lien entre ces documents et donnant lieu à des prototypes, ne peuvent constituer la preuve qu’un dispositif « Phonoblocks » a été rendu accessible au public par un usage. En revanche, les différents dispositifs « phoneblocks » ont chacun été rendus accessibles au public à une date antérieure au dépôt du brevet contesté, par les publications respectives de D2, D3 et D4. Ils font donc partie de l’état de la technique
L’état de la technique est aussi complété par l’objet de documents de brevets publiés avant celui objet de l’opposition.
Compte tenu du domaine technique de l’invention qui porte sur du matériel éducatif pour l’apprentissage de la lecture, la personne du métier est un spécialiste de la fabrication de ce type de matériel ayant des connaissances générales en mécanique, électricité, électronique et informatique.
Il n’est pas démontré que l’objet des revendications n°1 et 3 du brevet contesté ne sont pas exposées de façon suffisamment claire et complète pour qu’une personne du métier puisse les exécuter, malgré les contradictions invoquées par l’opposant. En effet si un moyen de connexion électrique du type radio-étiquette (RFID), sans contact, est bien décrit et apparait contradictoire avec l’objet de la revendication 1 portant sur un moyen de connexion électrique par contact, ce moyen sans contact n’est précisément pas revendiqué. La question de la suffisance de l’exposé d’un mode de réalisation décrit mais non revendiqué ne se pose pas. De même, il n’est pas relevé de contradiction dans l’objet de la revendication 3 portant sur le positionnement d’objets à identifier sur un support et la possibilité de « réaliser une connexion mécanique par complémentarité de forme, en particulier par encliquetage ». La caractéristique « par encliquetage » revendiquée est bien présentée au paragraphe [0008] du brevet contesté comme un mode particulier de réalisation d’une connexion par complémentarité de forme. Elle peut être appréhendée par la personne du métier animée d’une volonté de comprendre l’invention comme un moyen de connexion visant à empêcher que les objets puissent tomber lorsqu’ils sont placés à l’envers qui n’est pas en contradiction avec la caractéristique « par complémentarité de forme ou par encliquetage » décrite au paragraphe [0048].
Selon l’article L. 611-10 du CPI, les plans, principes et méthodes, notamment dans l'exercice d'activités intellectuelles ou en matière de jeu, ne sont pas considérés comme des inventions. Cependant, ils ne sont exclus de la brevetabilité que dans la mesure où le brevet ne concerne que l'un de ces éléments considéré en tant que tel. Une méthode pour l’apprentissage de la lecture est donc brevetable si le brevet ne concerne pas cette méthode en tant que telle.
En l’espèce, le procédé de la revendication 8 est constitué de plusieurs étapes, « reconnaitre un objet », « analyser un signal » et « oraliser un signal », mises en œuvre par le dispositif technique des revendications 1 à 7. Elles sont donc manifestement techniques. En particulier, l’étape de reconnaissance d’un objet utilise un moyen de connexion électrique qui est donc manifestement une caractéristique technique non générique, produisant un effet technique (du courant circule entre l’objet à identifier et le support) et utilisé dans un but technique (identifier automatiquement l’objet dans le but d’oraliser l’objet identifié). Le procédé contesté n’est donc pas une méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles ou en matière de jeu, en tant que telle. Il n’est donc pas démontré que l’objet des revendications 8 à 11 n’est pas une invention.
Les documents D2 et D3 précités, relatifs à des dispositifs « Phonoblocks » divulguent toutes les caractéristiques de l’objet de la revendication 1, qui n’est donc pas nouveau. Le brevet ne peut pas être maintenu tel que délivré.
Dans la requête subsidiaire 1, le titulaire propose la modification de la revendication 1 en la combinant avec les caractéristiques additionnelles de la revendication 4, qui est supprimée. La caractéristique c13 qui est ajoutée n’est pas divulguée par les documents antérieurs car les moyens d’identification des dispositifs des documents D2 et D3 ne sont pas décrits comme comportant un circuit électronique passif, ce qui écarte le motif d’absence de nouveauté.
En revanche, l’objet de cette revendication est dépourvue d’activité inventive. Le document D7 présente un jeu éducatif pour apprendre à épeler un mot, qui comporte des objets sous forme de parallélépipède rectangle, où sont inscrits des lettres permettant de former des mots sur un support adapté. Dans une réalisation, le jeu permet d’identifier qu’une lettre se trouve à sa position attendue sur le support grâce à l’utilisation d’un circuit électrique, propre à chaque lettre, comportant uniquement des conducteurs électriques. Ce circuit, ne nécessitant pas d’énergie, est donc passif. La personne du métier cherchant à réaliser le moyen d’identification de D2 ou D3 serait incitée à utiliser le circuit passif de D7. L’adaptation de ce circuit au dispositif de D2 ou D3, les « phoneblocks », ne présente pas de difficulté particulière, et relève d’un travail de routine de la personne du métier. L’objet de la revendication 1 découle donc de manière évidente des combinaisons de l’un des documents D2 ou D3 avec le document D7.
Dans la requête subsidiaire 2, le titulaire propose la modification de la revendication 1 en la combinant avec les caractéristiques additionnelles de la revendication 6, qui est supprimée. Cette caractéristique additionnelle n’est pas décrite dans les documents opposés et l’objet de la revendication est donc nouveau.
L’objet de cette revendication ne découle pas de manière évidente de l’état de la technique. Les différentes combinaisons des documents de l’art antérieur proposées par l’opposant n’apparaissent pas évidentes. La personne du métier n’aurait pas été incitée à combiner ces documents pour aboutir à l’invention.
Les nouveaux faits présentés par l’opposant lors de la phase orale ne sont pas admis. Fondée sur des documents déjà présents dans la procédure, et une nouvelle interprétation de la revendication 1, cette nouvelle attaque constitue un nouveau fait à l’encontre de l’activité inventive de la revendication 1, invoqué postérieurement à l'expiration des délais mentionnés à l’article R. 613-44-7 du CPI. Le directeur général de l'INPI peut fonder sa décision sur un tel fait, sous réserve que les parties aient été à même d'en débattre contradictoirement, conformément aux dispositions de l’article R. 613-44-4 CPI. En l’espèce, en raison de la tardivité de la présentation de cette nouvelle attaque et de ses conséquences, l'INPI ne pouvait pas faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Décision INPI, 16 juillet 2024, OPP 22-0010 (OB20220010)
Cabinet Brandon IP c. Lilylearn