Jurisprudence
Brevet

Opposition à un brevet devant l’INPI - Révocation partielle pour défaut d’activité inventive

PIBD 1221-III-1
Décision INPI, 23 août 2023

Opposition au brevet d’invention - Activité inventive (non) - Approche problème-solution - Définition de l’homme du métier - État de la technique - Problème technique objectif à résoudre - Évidence - Connaissances générales de l’homme du métier - Révocation partielle

Texte

L’opposition formée à l’encontre du brevet français intitulé « Appareil de communication de réception de courrier pour bâtiments » est reconnue partiellement justifiée. Le titulaire n’ayant présenté aucune demande en modification du brevet, le brevet est partiellement révoqué. L’opposant a demandé la révocation totale du brevet sur le fondement du défaut d’activité inventive.

L’objet des revendications 1 à 12 concerne un appareil de communication de réception de courrier pour bâtiments pourvu d’un interphone, et celui de la revendication indépendante n°13 concerne un interphone pour bâtiment comprenant l’appareil de communication de réception de courrier de la revendication 1.

Le domaine technique de l’invention est celui des appareils de communication de courrier destiné à des « bâtiments pourvus d’au moins une boîte aux lettres et d’un interphone ou interphone vidéo comprenant au moins une station réceptrice associée en service à ladite boîte aux lettres et pourvue d’entrées pour recevoir des signaux de l’extérieur ». Le domaine technique des boîtes aux lettres et celui des interphones en sont des domaines voisins.

Dès lors, l’homme du métier est un concepteur d’appareil de communication de réception de courrier. En tant que spécialiste en appareil de communication, il possède manifestement des connaissances générales en télécommunication.  Il lui est donc habituel de devoir faire communiquer des dispositifs ne parlant pas le même langage et il connait les convertisseurs de protocole.  En tant que concepteur d’appareil destiné à être connecté à un interphone de bâtiment, il connait manifestement les structures usuelles de ces interphones et leur fonctionnement général, il sait interagir avec et il sait les programmer.

Il est de jurisprudence constante que l’homme du métier défini pour l’examen de l’activité inventive et celui défini pour l’examen de la suffisance de l’exposé de l’invention sont identiques.

Si dans le cadre de la suffisance de l’exposé, l’homme du métier utilise une connaissance générale spécifique en complément de ce qui est décrit dans le brevet pour exécuter l’invention, alors l’homme du métier pour l’activité inventive est également en possession de cette connaissance générale spécifique. Ainsi, l’homme du métier doit être capable d’exécuter les caractéristiques de l’invention décrites uniquement de manière fonctionnelle dans le brevet contesté.

Les documents JP718, KR559 et JP429 peuvent être choisis comme l’état de la technique le plus proche en ce qu’ils concernent des appareils de communication de réception de courrier qui, comme l’invention, se connectent avec un interphone vidéo et ont pour but d’avertir de la présence de courrier.

Le document JP718 divulgue manifestement toutes les caractéristiques de l’appareil revendiqué à l’exception d’un moyen de connexion comportant une liaison sans fil pour transmettre les signaux des capteurs à la station réceptrice. La liaison sans fil de l’objet revendiqué n’a aucun effet technique particulier par rapport à la liaison filaire de JP718, les deux ayant pour fonction, sans plus de précision, uniquement la transmission des signaux des capteurs.

Le document JP375 enseigne explicitement que chaque connexion filaire peut être remplacée par une connexion sans fil. Il traite du même problème technique objectif que le document JP718 et apporte une réponse à ce problème.

L’homme du métier cherchant une alternative à la liaison filaire de l’appareil du document JP718, serait incité à consulter le document JP375 dans lequel il trouverait l’enseignement d’une solution lui permettant de modifier, sans difficulté identifiée, l’appareil du document JP718, en remplaçant la liaison filaire par la liaison sans fil enseignée. Le même raisonnement s’applique pour l’appréciation de l’activité inventive par rapport au document KR559.

Ainsi, l’objet de la revendication indépendante 1 découle de manière évidente, pour un homme du métier, de la combinaison des documents JP718 et JP375.

L’objet de la revendication 2 diffère des documents précités par deux caractéristiques : la liaison sans fil (issue de la revendication 1), et la transmission à la station réceptrice de l’interphone de signaux au format numérique et par des moyens de traitement du signal adaptés à cette station (issue de la caractéristique additionnelle de la revendication 2). Ces deux caractéristiques constituent deux solutions à deux problèmes techniques objectifs partiels.

Comme précédemment démontré, la première différence est évidente pour l’homme du métier (remplacer une liaison filaire par une liaison sans fil). Concernant la deuxième différence, bien que ce ne soit pas précisé dans l’état de la technique, le format des données reçues par le contrôleur de la station réceptrice de l’interphone est nécessairement adapté. Ce format numérique n’est qu’un mode de réalisation particulier de l’adaptation entre l’appareil de communication de réception de courrier et l’interphone. L’objet de la revendication 2 découle donc de manière évidente de la combinaison des documents précités et des connaissances générales de l’homme du métier.

Par ailleurs, l’homme du métier déduirait des documents cités et de ses connaissances générales que l’appareil de communication de réception de courrier devrait émettre des données codées adaptées pour lui permettre de communiquer avec une multitude de stations réceptrices d’un interphone reliées par un bus de communication, ou que l’appareil de communication de réception de courrier devrait émettre des données compatibles avec le protocole de communication imposé par l’interphone. Par conséquent, l’objet des revendications 3 et 6 n’implique pas d’activité inventive.

Les moyens spécifiques de signalisation de l’interphone issus des revendications 11 et 12 n’apportent aucune caractéristique supplémentaire à l’appareil de communication défini dans la revendication 1. L’argumentation spécifique de l’opposant n’a pas besoin d’être appréciée dès lors que le défaut d’activité inventive de cette revendication a déjà été constaté.

Enfin, la revendication 13 est une revendication indépendante rattachée à la revendication 1 : elle définit un interphone comprenant l’appareil de communication de la revendication 1 et non plus seulement un appareil de communication destiné à être connecté à un interphone. En l’espèce, l’homme du métier est un spécialiste des interphones comprenant des appareils de communication de réception de courrier. Il est défini comme une équipe composée d’un concepteur d’interphone et d’un concepteur d’appareil de communication.

Pour des raisons analogues à celles développées dans le cadre de l’appréciation de l’activité inventive de l’objet de la revendication 1, l’objet de la revendication 13 est la recherche d’une alternative pour intégrer une liaison sans fil dans l’interphone, ce qui, pour l’homme du métier, découle d’une manière évidente de l’état de la technique, et n’implique donc pas d’activité inventive.

En revanche, les arguments de l’opposant à l’encontre de certaines revendications ne sont pas retenus. Le brevet est partiellement révoqué.

Décision INPI, 23 août 2023, OPP 22-0014 (OB20220014)
Thomas C c. URMET SpA