Jurisprudence
Brèves de jurisprudence

Panorama en matière de marques et de dessins et modèles

PIBD 1221-III-5
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La nouvelle rubrique « Brèves de jurisprudence » offre un aperçu d'autres décisions en mettant l'accent sur un ou plusieurs points de droit intéressants.

Titre
MARQUES
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Validité des marques - Atteinte à des dénominations sociales antérieures

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Marque n° 99 779 371 de la société JDC SAS
Marque n° 3 850 911 de la société JDC SAS
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Marque n° 3 850 656 de la société JDC SAS
Marque n° 3 874 311 de la société JDC SAS
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Est déclarée nulle une marque qui porte atteinte à un droit antérieur, telle une dénomination sociale. La notion de « droit antérieur » a été interprétée par la CJUE au regard de la directive (CE) n° 2008/95. Il en résulte que le titulaire d'un tel droit peut agir en nullité d’une marque déposée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien sur le signe. Dans le présent litige, pour faire droit aux demandes reconventionnelles en nullité des marques JDC S.A., Groupe JDC et JDC, la cour d'appel a retenu l'existence du droit antérieur des sociétés demanderesses en nullité sur leurs dénominations sociales et considéré que ce droit était juridiquement protégé et non contesté. Elle a ainsi écarté tout droit exclusif de la titulaire des marques contestées sur le sigle « JDC », fût-il plus ancien. Celle-ci invoquait en effet, à son tour, des droits antérieurs sur sa dénomination sociale et son nom commercial. Elle prétendait notamment, en vain, qu'ils excluaient sa mauvaise foi lors du dépôt des marques et que la forclusion par tolérance devait donc s'appliquer.

Cass. com., 10 janv. 2024, JDC SAS c. JDC Midi-Pyrénées SAS et al., 22-21.716 (M20240004)
(Rejet pourvoi c. CA Bordeaux, 1re ch. civ., 25 janv. 2022, 18/06676 ; M20220075)

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Opposition à l’enregistrement d’une marque verbale - Atteinte à la marque semi-figurative antérieure (oui)

Marque n° 4 622 718 de la société O
Demande de marque n° 4 776 736 de la CCIMAMP

Il existe un risque de confusion ou d’association entre la marque semi-figurative Osengo et le signe verbal demandé à l’enregistrement « OSE ». Dans la marque antérieure, le terme « Ose » présente un caractère dominant et distinctif en ce qu'il se détache du « n » et du « go ». La déclinaison à l'impératif du verbe « oser » en position d'attaque lui confère une force attractive majeure. Si l'impression visuelle d'ensemble des signes opposés est différente (typographie, couleurs, longueur, dessin…), il n'en demeure pas moins que, dans le cadre d'une appréciation globale, l'attention de l'utilisateur des produits et services en cause – liés à la formation – sera retenue essentiellement par le terme « Ose », synonyme, dans les deux signes, « d'encouragement à se lancer, à faire preuve d'audace ». Ainsi, le message publicitaire et informatif est identique et s'adresse à un public pertinent similaire, en l’espèce le consommateur d'attention moyenne.

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 21 déc. 2023, CCIMAMP c. INPI et al., 22/10129 (M20230258)
(Rejet recours c. décision INPI, 17 juin 2022, OP 21-4150 ; O20214150)

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Opposition à enregistrement - Atteinte à la marque de renommée antérieure (non)

Marque n° 4 369 682 de la société Maje
Demande de marque n° 4 831 136 de la société emajein

L’atteinte à la marque maje, dont la renommée en France est démontrée1 pour les « sacs à main ; vêtements ; chaussures ; chapellerie », n'est pas caractérisée, faute de lien, dans l’esprit du public, entre la marque et le signe « Les Maisons de Maje », demandé à l'enregistrement pour désigner des services d’hébergement temporaire et de réservation de logements temporaires. Il existe une certaine similarité entre les signes, du fait de la présence commune de la dénomination « maje », distinctive au regard des produits et services en cause et dominante dans le signe contesté en ce que les termes « Les Maisons de », qui la précèdent, sont faiblement distinctifs. D'un point de vue conceptuel, aucun élément ne permet de considérer que l'expression « Les Maisons de Maje » renvoie à une maison de couture. En revanche, les produits et services concernés ne présentent aucune similitude, de sorte qu'aucun lien direct ne peut être établi entre eux. De plus, la société requérante ne démontre pas l’existence d’une diversification des sociétés de prêt-à-porter dans le domaine de l'hôtellerie entrainant un chevauchement entre les publics concernés par ces produits et services.

CA Paris, pôle 5, 2e ch., 22 déc. 2023, Maje SASU c. INPI et al., 22/20519 (M20230261)
(Rejet recours c. décision INPI, 4 nov. 2022, O20221333)

1 La renommée de la marque maje a également été reconnue pour des produits identiques dans une décision antérieure de l’INPI (INPI, 15 nov. 2021, Maje SASU c. Mme L U, OP 21-0956 ; O20210956).
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Recevabilité de l’action en nullité des marques (non) - Prescription quinquennale - Application de la loi dans le temps

Marque n° 3 684 116 de la société Dopff & Irion

Avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, dont est issu l’article L. 716-2-6 du CPI, l'action en nullité d'une marque était soumise au délai de prescription de droit commun prévu à l'article 2224 du Code civil. Les nouvelles dispositions intégrées au CPI rendent imprescriptible cette action. Il convient de se référer à l'article 2222 du Code civil dont il résulte que, lorsque le législateur allonge le délai d'une prescription, la loi nouvelle n'a pas d'effet sur la prescription définitivement acquise, sauf disposition expresse contraire. En l'espèce, la société demanderesse a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’existence des marques contestées, au plus tard en octobre 2013. La prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du Code civil était ainsi acquise au jour de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, le 11 décembre 2019. Celles-ci ne s’appliquent donc pas au présent litige et les demandes en nullité de plusieurs marques françaises et de l’UE contenant le terme « Isenbourg », qui ont été présentées le 14 juin 2019, sont prescrites.

CA Paris, pôle 5, 1re ch., 29 nov. 2023, Mme [J] [K] [P] [T] [N] [Y] - Princesse [J] [F] et al. c. Dopff & Irion SA, 21/18088 (M20230246)1
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 6 juill. 2021, 19/07071)

1 Il a déjà été jugé que les nouvelles dispositions rendant imprescriptible l’action en nullité d’une marque n’étaient pas applicables lorsque la prescription était déjà acquise au moment de leur entrée en vigueur (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 19 avr. 2023, L'institut des Arts Martiaux Vietnamiens Viet Vodao et al. c. Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées, 21/12725, M20230104 ; CA Bordeaux, 1re ch. civ., 25 oct. 2022, Stéphane E c. Vignobles Eymas et Fils EARL et al., 21/04291, M20220279). Ces arrêts ont retenu comme date d’entrée en vigueur celle de la loi Pacte (qui a créé l’article L. 714-3-1 du CPI), le 24 mai 2019, et non celle de l’ordonnance n° 2019-1169, le 11 décembre 2019.
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DESSINS ET MODÈLES

Mesures provisoires ou conservatoires (oui) - Qualité d’intermédiaire

Modèle n° DM/216468-004 de la société T.R.B. International
Marque n° 1 779 529 de la société T.R.B. International

La société poursuivie, bailleur de stands d'un marché aux puces, a mis à la disposition de sa locataire un espace qui a été utilisé pour commettre des actes vraisemblables de contrefaçon de modèles et de droits d’auteur portant sur des motifs représentant des tortues, ainsi que de marques figurative et verbales VILEBREQUIN. Ceci lui confère la qualité d'intermédiaire au sens de l’article L. 521-6, al. 1, du CPI et de l'article L. 716-4-6, al. 1, du CPI interprété à la lumière de la directive 2004/48/CE. Elle peut de ce fait se voir imposer des injonctions afin de faire cesser les actes litigieux. En l’espèce, il lui est enjoint, en référé, de procéder sous astreinte à la résiliation du contrat de bail la liant à la société prétendue contrefactrice. Cette mesure apparaît adaptée, au regard de la jurisprudence de la CJUE (L'Oréal, C-324/09 ; Tommy Hilfiger, C-494/15), dès lors qu'elle assure un juste équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et la nécessité de ne pas être excessivement coûteuse ni génératrice d’obstacles au commerce légitime.

TJ Paris, ord. réf., 8 janv. 2024, TRB International SA et al. c. Souamaa SARL et al., 23/56304 (M20240001)1

1 La cour d’appel de Paris s’est déjà prononcée, dans une instance au fond, sur la responsabilité du propriétaire d'un stand de marché aux puces sur lequel ont été commis des actes de contrefaçon de marque (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 8 mars 2023, Jean-Pierre A c. Kamel B et al., 21/09769 ; M20230034 ; PIBD 2023, 1207, III-6 ; Comm. com. électr., sept. 2023, comm. 58, P. Kamina). Dans la même affaire, il avait été enjoint au bailleur, en référé, de communiquer le contrat de bail et de justifier de la mise en œuvre de mesures propres à empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon.
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