Jurisprudence
Brèves de jurisprudence

Panorama en matière de marques et de dessins et modèles

PIBD 1235-III-4
Texte
La rubrique « Brèves de jurisprudence » offre un aperçu d'autres décisions en mettant l'accent sur un ou plusieurs points de droit intéressants.
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MARQUES
Texte

Validité de la marque (oui) - Droit antérieur sur un nom de domaine - Exploitation effective du nom de domaine

Marque n° 4 849 840 de la société Evopps

La demande de nullité de la marque KAPTIZ pour les produits et services des classes 9 et 42, fondée sur l’atteinte au nom de domaine antérieur kapix.fr, est rejetée. Selon l’article L. 711-3, I, 4) du CPI, une marque est susceptible d’être annulée si elle porte atteinte à un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Cette portée doit être appréciée tant dans sa dimension géographique qu'économique et le signe doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires. En l’espèce, si la société demanderesse établit la mise en ligne du site exploité sous le nom de domaine kapix.fr antérieurement à la demande d’enregistrement de la marque contestée, elle ne justifie cependant ni d'un rayonnement géographique national ni d'un rayonnement économique de son nom de domaine. Il peut être admis qu'un nom de domaine, en ce qu'il est décliné en «.fr», a potentiellement une portée nationale et pas seulement locale. Son exploitant doit toutefois rapporter la preuve du caractère effectif de cette portée préalablement à la demande d’enregistrement de la marque contestée. Or la demanderesse n’apporte aucune preuve de l’existence d’une transaction et ne produit aucun document comptable, devis ou facture attestant d’une activité commerciale effective en lien avec le nom de domaine kapix.fr sur le territoire.

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 25 sept. 2024, Sparda SAS c. INPI et al, 23/07893 (M20240219)
(Confirmation décision INPI, 15 mai 2023, NL 22-0183 ; NL20220183)

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Déchéance partielle de la marque (oui) - Usage sérieux - Usage à titre de marque - Exploitation limitée

Marque n° 3 457 809 de la société Savencia

La déchéance de la marque verbale L’ATELIER DU FROMAGE est prononcée pour les produits et services visés à l’enregistrement, à l’exception des services de vente au détail d’œufs et de produits laitiers. La titulaire a fait un usage sérieux de la marque pour ces services en autorisant son emploi sur un espace spécifique d’un supermarché sous la forme modifiée L’ATELIER DES FROMAGES en lettres blanches sur fond vert. Cet emploi, en ce qu’il désigne un rayon intégré au supermarché, et non un magasin ou un établissement dédié à la vente à la découpe de fromages, ne se rapporte pas à une enseigne. La preuve d’un usage réel, continu et non simplement ponctuel de la marque est rapportée, notamment par une attestation du directeur du supermarché et un article de presse professionnelle faisant état d’un chiffre d’affaires supérieur à un million d’euros. Le défaut de justification du volume d'activité et de chiffres d'affaires réels et précis dégagés par le rayon de vente utilisant la marque contestée est indifférent, dès lors qu'un volume même minime de vente n'est pas de nature à exclure le caractère sérieux de l'usage. En effet, il n’appartient pas au juge appréciant l’usage d’une marque de contrôler la stratégie économique de l’entreprise qui en est titulaire. De même, si l’usage de la marque est resté limité à un seul supermarché et n’a pas été étendu sur le territoire français, il n’a toutefois pas revêtu un caractère purement symbolique, minime ou fictif.

CA Versailles, ch. com. 3-1, 19 sept. 2024, Savencia SA c. INPI et al., 22/05212 (M20240213)[1]
(Réformation partielle décision INPI, 4 juill. 2022, DC 21-0108 ; DC20210108)

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[1] La cour d’appel de Versailles a rendu un arrêt très similaire le même jour entre les mêmes parties concernant une demande en déchéance de la marque L’ATELIER DES FROMAGES (ch. com. 3-1, 19 sept. 2024, Savencia SA c. INPI et al., 22/05211 ; M20240214)

Demande d’enregistrement d’une marque verbale - Caractère distinctif (oui) - Caractère descriptif (non)

Demande d’enregistrement de marque n° 4 667 883 de la société Axa Assurance Iard Mutuelle

La décision de l’INPI ayant rejeté la demande d’enregistrement du signe verbal ENTOURAGE, déposé pour désigner les services d’assurance, est annulée. Est dépourvu de caractère distinctif le signe qui, en lui-même, ne conduit pas le public concerné à penser que les produits ou services en cause proviennent d'une entreprise déterminée. Le terme « entourage » est certes susceptible de se rapporter aux services d’assurance, en ce que l'une de ses significations désigne les personnes pouvant en bénéficier. Il ne présente cependant pas de lien suffisamment direct et concret avec ces services, dès lors que son emploi n’est pas propre à ce domaine d’activité, mais relève du langage courant. Le lien susceptible d'être établi entre le signe et les services résulte ainsi d'une simple évocation. Le signe ENTOURAGE est donc suffisamment arbitraire pour permettre au public concerné d'attribuer les services d'assurance à une entreprise en particulier. Par ailleurs, le signe n’est pas susceptible de désigner une caractéristique des services d’assurance, pas même la destination, laquelle est, pour ces services, la couverture d’un risque par le versement d’une somme d’argent en cas de réalisation de ce risque. Il ne décrit donc pas cette fonction avec suffisamment de précision pour être descriptif.

CA Versailles, ch. com. 3-1, 19 sept. 2024, Axa Assurances Iard Mutuelle et al. c. INPI, 22/06675 (M20240215)
(Annulation décision INPI, 7 oct. 2022)

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Interdiction provisoire (oui) - Contrefaçon vraisemblable de la marque

Marque n°4857702 de la société Groupe Vega

Constitue une contrefaçon vraisemblable de la marque verbale de l’Union européenne DÉCOPIERRE l’utilisation, par la société défenderesse, d’un signe identique sur son site internet pour proposer notamment des services de travaux immobiliers. L’usage de ce signe dans la vie des affaires est établi par un constat de commissaire de justice produit par la société demanderesse, relevant la présence de la mention « SARL FCP (FACADE-CARRELAGE-PLAQUETTE-ISOLATION EXTERIEUR-DECOPIERRE) (...) » sur la page d’accueil du site. Le signe « Décopierre » est utilisé par la défenderesse pour les mêmes produits et services (travaux immobiliers, carrelage, plaquette et isolation extérieure) que ceux visés par la marque de la société demanderesse. La demande d’interdiction provisoire d’usage du signe litigieux formée par la demanderesse est dès lors justifiée.

TJ Paris, ord. réf., 26 juin 2024, Groupe Vega SAS c. FCP SARL, 24/52110 (M20240183)

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Titre
DESSINS ET MODÈLES
Texte

Protection au titre du droit d’auteur (oui) - Contrefaçon (oui)

Modèle de chaise BABA - https://theinvisiblecollection.com/fr/produit/emmanuelle-simon-chaise-baba/

La créatrice d’une chaise dénommée « BABA » et le cabinet d'architecture qui la commercialise ont agi en contrefaçon de droits d’auteur à l’encontre d’une société qui expose dans ses boutiques de vente de donuts et sur ses visuels publicitaires des chaises qui reprendraient les caractéristiques de la chaise invoquée. La chaise BABA, constituée d’une combinaison d’éléments (assise arrondie, recouverte d’un tissu clair d’aspect bouilli ; dossier constitué d’un cercle évidé, recouvert du même tissu ; ceinture, montants et piètement réalisés en chaîne massif brossé de coloris clair et dotés de contours arrondis ; pieds légèrement évasés vers le sol), présente un aspect épuré et commode. La symétrie rappelle l’Art déco et le choix des matériaux, notamment le chêne, lui donne un aspect d’ensemble massif, en contraste avec le tissu molletonné. Elle constitue ainsi une œuvre originale. Les chaises incriminées, sans être identiques (cercle évidé moins rempli, matériau moins noble), offrent une impression d’ensemble de grande ressemblance avec la chaise invoquée. Leur usage à des fins de publicité sur les réseaux sociaux et le choix de ce mobilier pour garnir les enseignes de la défenderesse caractérisent la reproduction illicite. La contrefaçon est donc constituée.

TJ Lille, 1re ch., 13 sept. 2024, [F] [V] SAS et al. c. Royal Donuts France SAS, 23/09494 (D20240051)

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