Jurisprudence
Dessins et modèles

Protection au titre du droit d’auteur et du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés de motifs combinant des œillets et des strass disposés en lignes - Contrefaçon

PIBD 1175-III-8
CA Paris, 16 novembre 2021

Action en contrefaçon de droits d’auteur et de modèles communautaires non enregistrés - Mise hors de cause de la société mère (non) - Titulaire des marques apposées sur les produits

Titularité des droits d’auteur sur les motifs (oui) - Présomption de titularité de la personne morale - Exploitation sous son nom - Date certaine de divulgation

Protection au titre du droit d'auteur (non) - Originalité - Combinaison d’éléments - Disposition - Banalité - Genre

Recevabilité de l’action en contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés - 1) Titularité des droits (oui) - Divulgation - 2) Protection du premier modèle (oui) - Nouveauté - Caractère individuel - Impression globale différente - 3) Protection du second modèle (non) - Nouveauté (non) - Antériorité - Divulgation par le premier modèle - Adaptation

Contrefaçon du modèle communautaire non enregistré (oui) - Preuve - Copie - Différences mineures - Responsabilité de la société mère (non)

Préjudice - Banalisation - Dévalorisation - Bénéfices tirés des actes incriminés - Préjudice moral - Atteinte à l'image de marque - Luxe

Concurrence parasitaire (non) - Absence de droit privatif - Copie - Notoriété du produit incorporant le motif - Volonté de profiter des investissements d'autrui - Qualité et prix inférieurs

Texte

Les motifs revendiqués, caractérisés par une combinaison d’œillets et de strass disposés en lignes horizontales, ne sont pas protégeables par le droit d’auteur. La preuve est suffisamment rapportée que l'utilisation d'œillets, de rivets, de clous et de strass, de couleurs et de dimensions diverses, appliqués notamment sur des accessoires dont notamment des sacs, selon des lignes horizontales, verticales ou diagonales, était connue à la date de leur divulgation et relève d'un fonds commun de la mode. La société demanderesse ne justifie pas que le choix et l'agencement des œillets et strass composant les deux motifs procèdent de choix créatifs ou de partis pris esthétiques révélateurs de l'empreinte de la personnalité de l'auteur. En effet, les éléments de mercerie qu'ils comportent sont banals, couramment utilisés pour décorer des vêtements et des accessoires appartenant au genre « clouté », et leur disposition particulière ne permet pas de caractériser l'originalité alléguée. La recherche d'un contraste entre l'aspect « rock » conféré par les éléments de mercerie métalliques et le raffinement de l'accessoire de mode, qui se retrouve dans la plupart des accessoires antérieurs fournis, n'est pas suffisante pour caractériser cette originalité et la référence à la célèbre rayure « multico » emblématique de la Maison SONIA RYKIEL, qui n'est pas en cause et sur laquelle aucune précision n'est donnée, est inopérante. Enfin, le seul fait que les motifs revendiqués génèrent un effet visuel propre du point de vue esthétique ne suffit pas à justifier qu'ils révèlent l'empreinte de partis pris reflétant la liberté de choix et la personnalité d'un auteur.

Le motif dit « Domino 1 », composé de dix lignes horizontales avec une alternance particulière de lignes d'œillets et de strass, est protégeable au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés. Aucune des antériorités opposées, consistant en des sacs ou des chaussures présentant un motif composé de clous, rivets ou œillets argentés ou dorés, de tailles différentes et disposés en ligne, ne présente un motif identique à celui revendiqué, destructif de nouveauté. En effet, les différences relevées - notamment avec un motif dit « Domino 2010 » incorporé à un sac antérieur de la société demanderesse - ne sont pas des détails insignifiants pour l'utilisatrice avertie, en l’espèce la consommatrice d'articles de maroquinerie. Ce motif présente également un caractère individuel. Ainsi, la présence d'œillets, associée à un espacement plus grand entre les lignes, confère à ce motif, et au sac qui l'incorpore, une légèreté et un aspect aéré qui ne se retrouvent pas dans le motif dit « Domino 2010 » qui comporte, au lieu d'œillets, des clous ou rivets (éléments présentant donc une surface fermée) qui lui donnent un aspect plus compact et plus lourd. Les deux motifs produisent ainsi des impressions globales différentes sur l'utilisatrice avertie.

En revanche, le motif dit « Domino 2 », divulgué postérieurement au motif « Domino 1 », est dépourvu de nouveauté au regard de celui-ci. Les différences tenant à la couleur des strass (bleu et rouge/noir pour l’un et rouge/noir pour l’autre) et à une légère modification dans l'alternance des lignes d'œillets et de strass au centre du motif (deux lignes de gros œillets en métal argenté et une ligne de gros strass rouges/noirs pour l’un et trois lignes de gros œillets en métal argenté pour l’autre) ne sont que des détails insignifiants, de sorte que les deux motifs peuvent être considérés comme identiques. Par conséquent, seules sont recevables les demandes en contrefaçon du dessin et modèle communautaire non enregistré, présentées au titre du motif « Domino 1 ».

La contrefaçon de ce modèle par le motif incorporé au sac litigieux est caractérisée. Celui-ci reproduit la même séquence de dix lignes horizontales et la même alternance de lignes d'œillets ronds en métal et de strass octogonaux facettés bordés d'un cercle métallique, selon le même agencement. Les seules différences tiennent à la couleur des œillets métalliques (noirs et bronze sur le motif litigieux et dorés et argentés sur le motif revendiqué), à la couleur des strass ainsi qu’au fait que les strass utilisés par la société demanderesse ont une surface plate alors que ceux des sacs litigieux sont en pointe, ce qui n'est pas immédiatement visible. Elles ne modifient pas l’impression visuelle globale identique qui se dégage de la comparaison des motifs en cause. Par conséquent, le motif litigieux constitue manifestement une copie pure et simple du dessin et modèle protégé.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 16 novembre 2021, 18/20990 (D20210065)
Sonia Rykiel Création et Diffusion de Modèles SA c. Fashion Retail SA, Industria de Diseno Textil (INDITEX) SA, Tempe SA et al.
(Confirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 5 juill. 2018, 16/07524)