d’après l’article d’Ann Henry*, Aoibheann Duffy*, Anna Harley* et Gill Dennis* : Exploiting opportunities, in IPM, juillet-août 2020, p. 19-20
La période de transition prévue par l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne prendra fin le 31 décembre 2020. Dans cette perspective, les auteures se penchent sur les incidences du Brexit dans le domaine des marques. Elles s’interrogent doublement. Quelles seraient les répercussions du futur régime d’épuisement des droits applicable au Royaume-Uni ? L’Irlande pourrait-elle devenir une nouvelle porte d’entrée des contrefaçons dans l’UE ?
À moins d’un accord avec l’UE, le régime prévu par le règlement ad hoc se substituera à l’actuel régime d’épuisement à l’expiration de la période de transition. Les droits seront épuisés au Royaume-Uni pour des produits mis sur le marché dans l’Espace économique européen par le titulaire ou avec son consentement. En revanche, la mise sur le marché au Royaume-Uni n’épuisera pas les droits dans l’EEE.
Concrètement, les titulaires dans l’UE pourront s’opposer aux importations parallèles en provenance du Royaume-Uni alors que les titulaires au Royaume-Uni n’auront pas la faculté inverse. Conséquence de cette dissymétrie, des stratégies de défense des marques à l’échelle européenne établies de longue date pourraient se retrouver obsolètes.
Cela dit, les titulaires n’ont pas à s’inquiéter outre mesure d’un éventuel afflux de contrefaçons au Royaume-Uni. Ils pourront en effet invoquer leurs droits pour en empêcher l’importation et la vente même si elles sont déjà sur le marché dans l’EEE : les produits de contrefaçon n’étant évidemment mis sur le marché ni par le titulaire ni avec son consentement, la règle d’épuisement n’entre pas en jeu. La collaboration avec les douanes aura un rôle important à jouer.
Évoquant la question de savoir si la proximité géographique avec le Royaume-Uni et la frontière avec l’Irlande du Nord risquent de faire de l’Irlande une porte d’entrée des contrefaçons dans l’UE, les auteures présentent plus particulièrement deux des possibilités qui s’y offrent aux titulaires désireux de défendre leurs droits.
La voie douanière a le triple avantage de la simplicité, de l’efficacité et de l’absence de frais de procédure. Elle peut permettre d’éviter une action en justice et de s’adapter facilement à l’évolution du portefeuille de l’entreprise et aux modifications concernant les produits contrefaisants. Les douanes peuvent saisir d’office des marchandises mais il est recommandé, pour une meilleure efficacité, de déposer une demande d’intervention fondée sur le règlement (UE) 608/2013 afin de mettre en place une surveillance.
En cas de suspicion de contrefaçon, solliciter d’une district court une ordonnance autorisant la police à procéder à des saisies sans mandat de perquisition constitue une arme puissante, quoique peu utilisée. Les auteures signalent au passage que la loi sur le droit d’auteur comporte également des dispositions en ce sens.
Les entreprises lutteront au mieux contre la contrefaçon si elles commencent par faire le point sur les droits qu’elles détiennent et si elles travaillent main dans la main avec les autorités, notamment douanières. Plus ces dernières disposent d’informations et plus elles en disposent tôt, plus les chances qu’elles interceptent les marchandises incriminées sont grandes. L’intelligence économique n’est donc pas à négliger : il est crucial d’avoir des informations fiables, à partager, sur les actes de contrefaçon et les acteurs impliqués.
Quoi qu’il en soit, des contrefacteurs chercheront à profiter d’incertitudes liées au Brexit. Aussi les titulaires ont-ils intérêt à revoir dès maintenant leur stratégie anti-contrefaçon afin d’être prêts pour janvier 2021.
* Pinsent Masons.