d’après l’article de Shukadev Khuraijam* et Ankush Verma* : Court curtails straw man patent oppositions in India, in IAM, 6 avril 2022.
L’intervention d’un homme de paille dans une procédure d’opposition constitue-t-elle un abus ? La Haute Cour de Bombay a été saisie de cette question.
L’opposition en matière de brevets est prévue par l’article 25 de la loi de 1970 sur les brevets. Particularité de la loi indienne : une opposition peut être formée contre une demande de brevet, entre la publication de la demande et la délivrance du brevet. Dans ce cas, l’opposition peut être formée par « toute personne » (article 25, 1er paragraphe). L’opposition à un brevet délivré peut, quant à elle, être formée dans un délai d’un an suivant la délivrance du brevet, par « toute personne intéressée » (article 25, 2e paragraphe).
Le fait qu’une opposition puisse être formée par « toute personne » ouvre la voie à ce que l’on appelle des hommes de paille. Cela permet à un concurrent, mais aussi à un partenaire commercial ou à un licencié, de garder l’anonymat.
Les auteurs constatent une recrudescence des oppositions formées par des hommes de paille contre des demandes de brevet en Inde. Inévitablement, cela allonge les délais de procédure, même si l’opposition n’est pas accueillie. Le recours à un homme de paille peut donc être utilisé pour retarder la délivrance d’un brevet.
Suite à l’opposition à une demande de brevet sur un médicament, la Commission des recours en matière de propriété intellectuelle (IPAB) a condamné l'intervention d’un homme de paille qui exerçait la profession de marchand de diamants.
La Haute Cour de Bombay a confirmé la décision de l’IPAB. Elle a rappelé que la loi sur les brevets, avant sa révision en 2005, faisait uniquement mention d’une « personne intéressée ». Si l’objectif du législateur était de rendre ce droit d’opposition accessible à « toute personne », il ne visait pas pour autant à favoriser les abus.
La Haute Cour s’est interrogée sur les connaissances d’un marchand de diamants en matière de produits pharmaceutiques. De plus, il s’est avéré que le marchand en question avait formé de multiples oppositions et qu’il était coutumier du fait. Il a donc été considéré comme un homme de paille employé dans le seul but de retarder la procédure de délivrance.
Cette décision est la bienvenue pour décourager de tels abus. Les auteurs font cependant remarquer que dans cette affaire, l’homme de paille opérait dans un secteur différent de celui du brevet et que l’abus était donc facile à démontrer. Cela pourrait ne pas être toujours le cas.
*Remfry & Sagar.
Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.