d’après l’article d’Andrew Priest* et de Samantha Woodley* : Come to light, in IPM, novembre 2020, p. 26
Cet article examine dans quelle mesure un licencié peut invoquer une clause de force majeure lorsqu’il est dans l’incapacité d’honorer son contrat de licence à cause de la crise du Covid-19.
Les auteurs partent de l’exemple d’un licencié qui s’est engagé, par contrat, à fabriquer des produits sous licence et à verser des redevances d’un montant minimum, indépendamment du volume des ventes. À cause de la crise sanitaire, le licencié ne peut pas fabriquer ou vendre suffisamment de produits pour payer la redevance minimum.
La première question est de savoir si le contrat de licence contient une clause de force majeure. La deuxième est d’examiner ce que cette clause, si elle existe, recouvre exactement. La plupart du temps, ces clauses sont rédigées de façon assez large. Si leur rédaction est restrictive et que des évènements spécifiques sont listés, les termes « pandémie » ou « épidémie » risquent de ne pas y figurer, surtout pour les contrats conclus avant la crise sanitaire.
La troisième question est de savoir si la clause de force majeure s’applique aux obligations que le licencié n’a pas remplies. Ainsi, on pourrait avancer que le Covid-19 n’empêche pas le licencié de payer la redevance minimum : les banques restent ouvertes, il peut procéder au paiement.
Par ailleurs, le licencié pourrait ne pas vouloir payer la redevance minimum parce qu’il est dans l’incapacité d’exploiter le titre sous licence. Or, le contrat de licence PI repose sur le principe suivant : l’octroi du droit d’utiliser la propriété intellectuelle du concédant sans obligation, pour le licencié, d’utiliser cette propriété intellectuelle. Le concédant remplit ses obligations découlant du contrat de licence et s’attend, en retour, à être payé pour avoir rempli ses obligations. Si le contrat prévoit le versement d’une redevance minimum, le licencié ne peut pas refuser de payer sous prétexte que ce n’est pas rentable. Les auteurs font ici une analogie avec les contrats SaaS1 : tant que le service continue à être fourni au licencié, celui-ci doit payer les redevances, même si, avec l’absence de clients, l’accès au logiciel devient sans intérêt économiquement pour lui.
Dans un autre cas de figure, si le contrat prévoit que le licencié doit vendre ou fabriquer un volume fixe de produits, la clause de force majeure pourra être plus facilement invoquée pour le Covid-19.
Les auteurs prodiguent quelques conseils aux licenciés. Si le licencié a des doutes sur l’application de la clause de force majeure de son contrat, il a tout intérêt à engager le dialogue avec le concédant de la licence. S’il ne peut pas remplir ses obligations, il peut envisager, en dernier ressort, de résilier le contrat. Il ne doit cependant pas oublier que s’il essaie d’invoquer la clause de force majeure, il peut avoir en face de lui un concédant ou un tribunal peu compatissant qui estime que le Covid-19 ne le dispense pas de remplir ses obligations contractuelles : à partir du moment où il s’est engagé à payer des redevances minimum, il a pris le risque de ne pas être en mesure de vendre suffisamment de produits.
Une clause de force majeure est donc susceptible d’aider le licencié mais le diable se loge dans les détails et sa rédaction doit suivre certaines règles. Si cette clause est souvent oubliée dans les contrats de licence PI, elle mérite qu’on y réfléchisse en ces temps de crise.
* Birketts.
1Software as a Service.