Validité de la saisie-contrefaçon - Respect de l’ordonnance - Personne assistant l'huissier
Protection du modèle - 1) Validité du dépôt (oui) - Nouveauté - Caractère propre - Genre - Antériorité de toutes pièces - 2) Originalité (oui) - Combinaison d'éléments connus - Recherche esthétique - Empreinte de la personnalité de l'auteur
Contrefaçon de modèle (oui) - Atteinte aux droits d’auteur (oui) - Copie quasi-servile - Différences mineures - Impression visuelle d'ensemble
Contrefaçon de modèle (non) - Atteinte aux droits d’auteur (non) - Impression visuelle d'ensemble
Concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre du titulaire et auteur (non) - Faits distincts des actes de contrefaçon - Effet de gamme - Concurrence déloyale à l'égard du distributeur (oui) - Risque de confusion
Préjudice - Cumul de protection - Préjudice économique - Manque à gagner - Bénéfices tirés des actes incriminés - Préjudice moral
La nullité du premier procès-verbal de saisie-contrefaçon, du fait de la présence aux côtés de l'huissier de sa secrétaire, afin de l'assister dans les opérations de saisie-contrefaçon, n’est pas encourue. Il ressort sans équivoque des dispositions de l’ordonnance que l'interdiction de recourir au personnel salarié de l'huissier ne vise que les hommes de l'art ou les experts choisis par le saisissant. Ainsi, même si l’ordonnance ne l’autorise pas explicitement, l’huissier peut se faire assister par des préposés de son étude qui lui sont subordonnés, comme un clerc d'huissier ou une secrétaire, sans excéder les pouvoirs qui lui sont conférés. Par ailleurs, il ne peut être soutenu que la simple aide à la retranscription des opérations de l'huissier par sa secrétaire constitue une participation à l'assistance et à la représentation du saisissant. En revanche, le second procès-verbal de saisie-contrefaçon est annulé. L’huissier ne s’est livré à aucune recherche des produits litigieux, ainsi que l’ordonnance le prescrivait. En outre, le conseil en propriété industrielle qui l’assistait a interrogé à deux reprises le président de la société poursuivie. Il est ainsi sorti du rôle d’aide de l’huissier à la description, qui lui était dévolu par l’ordonnance.
Le modèle de statuette représentant la Vierge, dite « Dame de Lourdes », est protégeable sur le fondement du droit des dessins et modèles. S’il s'inspire d'un fonds culturel commun, à savoir l'image populaire de l'apparition de la Vierge Marie vêtue d'un voile, cintrée d'un ruban et portant un chapelet aux poignets et une rose à chaque pied, aucune des antériorités invoquées ne ressemble au modèle invoqué, notamment au regard de sa posture fléchie, sa courbure d'ensemble et la position de la tête légèrement penchée vers l'avant. L'observateur averti pourra discerner la singularité du modèle sans avoir besoin d'être expert, en remarquant, en dépit du fonds culturel commun, un souci du détail particulier dans les nombreux plis du voile, de la ceinture et de la robe. Cette minutie tranche avec l'approche beaucoup plus épurée du modèle qui met en exergue une silhouette incurvée lui conférant une impression d'ensemble de volupté singulière et propre. Le parti pris stylistique particulier du modèle lui donne ainsi un caractère inédit.
La statuette en cause est également protégeable par le droit d’auteur. En dépit de son classicisme et de l’inspiration commune de l’œuvre tirée des représentations populaires de la Vierge, elle présente une création originale du fait de la combinaison de ses différentes caractéristiques (cheveux mi-longs dépassant légèrement du voile, larges ondulations du voile et de la robe, léger fléchissement d’un genou donnant un mouvement singulier à la robe vue de face et une incurvation de la silhouette vue de dos, mains jointes à hauteur de la poitrine, légère inclinaison de la tête vers l'avant…) qui reflète un parti pris esthétique.
La contrefaçon de la statuette dénommée « Apparition », sur le fondement du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur, n’est pas établie. Si les statuettes en litige représentent toutes deux Bernadette Soubirous agenouillée aux pieds de la Vierge Marie les mains jointes en un geste de prière, l'impression visuelle d'ensemble fait immédiatement apparaître une différence notable tenant au positionnement inverse des personnages. De même, alors que les lignes de la statuette invoquée sont épurées, nettes et stylisées en un graphisme moderne et soigné, tel n'est pas le cas de la statuette litigieuse qui présente un dessin beaucoup plus lourd, classique et moins élancé qui marque une grande différence de style et de réalisation des produits. L'impression d'ensemble est aussi très distincte pour la vue de dos des modèles et produits respectifs (courbe des vêtements et forme du voile très différents).
Cour d’appel de Bordeaux, 1re ch. civ., 10 novembre 2021, 18/06847 (D20210064)
Établissements Claverie SNC c. Evrard SC et Evrard Lourdes SARL
(Infirmation TGI Bordeaux, 1re ch., 20 nov. 2018, 15/11240)