Action en contrefaçon des marques française et de l’UE - 1) Fin de non-recevoir - Défaut d’usage sérieux des marques antérieures invoquées - Compétence du juge de la mise en état (oui) - Opposition des parties - Question de fond - 2) Recevabilité (oui) - Usage sérieux - Usage à titre de marque - Exploitation pour les produits visés
En application de l’article 789, 6° du Code de procédure civile et de l’article L. 716-4-3 du CPI, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée dans le cadre de l’action en contrefaçon des marques française JOUVENCE GELÉE ULTRA FRESH et de l’Union européenne JOUVENCE[1], fondée sur le défaut d’usage sérieux de ces marques pour les produits cosmétiques. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de renvoyer l’affaire devant la formation de jugement du tribunal, dès lors que les parties ne s’opposent pas[2] à la compétence du juge de la mise en état pour connaître de cette fin de non-recevoir, qui nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond.
La preuve de l'usage des marques n'a pas à être apportée dès l'assignation, mais seulement lorsque le ou les défendeurs en font la demande. Ainsi, les preuves d'usages apportées lors des débats liés à la fin de non-recevoir opposée par la société défenderesse sont recevables.
La commercialisation d'un produit cosmétique vendu sous forme de crème mentionnant la marque JOUVENCE GELÉE ULTRA FRESH avec pour argument publicitaire « jambes légères » constitue un usage à titre de marque pour les « produits cosmétiques veinotoniques sous forme de gel pour les jambes lourdes » visés à l’enregistrement en classe 3. La société défenderesse n’établit pas que ce produit serait un médicament et non un produit cosmétique. En effet, les publicités et les extraits d'articles médicaux produits, qui font état d'un visa autorisant la publicité d'un médicament et décrivent les produits comme un médicament, ne concernent que les produits commercialisés sous la marque JOUVENCE DE L'ABBE SOURY.
S’agissant de la marque de l’Union européenne JOUVENCE, qui est opposée en ce qu'elle désigne les produits cosmétiques contre le dérèglement de la circulation sanguine en classe 3, il est démontré que plusieurs produits tels des solutions buvables, des gélules, des ampoules et des sprays portant cette mention sont commercialisés sans qu’il soit contesté que cette commercialisation constitue également un usage de la marque. Par ailleurs, les éléments apportés par la société défenderesse pour arguer que ces produits seraient des médicaments et non des produits cosmétiques sont également considérés non probants.
L’action en contrefaçon des marques française JOUVENCE GELÉE ULTRA FRESH et de l'Union européenne JOUVENCE est donc recevable.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 10 juin 2022, 21/19296 (M20220186)
Simon Marie Pierre B et Laboratoire de l’Abbé Soury SAS c. L'Oréal SA
(Infirmation TJ Paris, 3e ch., 1re sect, ord. du juge de la mise en état, 21 oct. 2021, 20/07478)
[1] Dans une autre affaire, il a été décidé que la contestation portant sur le défaut d’usage sérieux, qui avait été soulevée en réponse à une action en contrefaçon d’une marque de l'Union européenne par une autre voie qu’une demande reconventionnelle en déchéance, constituait une défense au fond en vertu de l'article 127, § 3, du règlement (UE) 2017/1001. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée à l’action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne fondée sur le défaut d’usage sérieux de celle-ci avait été écartée (TJ Paris, 3e ch., 3e sect., ord. du juge de la mise en état, 8 févr. 2022, Cuts Ice Ltd c. Espace Phone SARL, 20/12226 ; M20220168 ; PIBD 2022, 1187, III-6).
[2] Dans une autre affaire, la cour d’appel de Paris a jugé que le juge de la mise en état n’était pas compétent pour statuer sur la recevabilité de l’action en nullité de la marque française Vogica pour défaut d’usage sérieux des marques antérieures. Le demandeur avait clairement exprimé son opposition à ce que le juge de la mise en état tranche la question de l’usage sérieux de ses marques (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 11 janv. 2022, Parisot Industrie SASU c. Aphorism Factory SASU, 21/09668 (M20220198 ; PIBD 2022, 1187, III-4).