Jurisprudence
Dessins et modèles

Originalité d’un modèle de lampe Lyre - Atteinte au droit de paternité en raison d’une inclusion volontaire de l’œuvre sur des photographies accessibles au public, sans autorisation de l’auteur

PIBD 1214-III-7
CA Paris, 27 septembre 2023

Protection du modèle au titre du droit d'auteur (oui) - Originalité - Choix créatifs - Recherche esthétique - Contraintes techniques - Caractère fonctionnel (non) - Empreinte de la personnalité de l’auteur

Contrefaçon (oui) - Reproduction sur des photographies - Communication au public - Atteinte au droit moral (oui) - Droit de paternité - Droit de divulgation - Identification de l’œuvre - Exception - Caractère accessoire - Inclusion non fortuite - Droit de l’UE - Préjudice moral

Texte
Modèle de lampe "Lyre" n° DM/018709-002 de M. [H] [D]
Texte

Le modèle de lampe « Lyre » invoqué bénéficie de la protection par le droit d’auteur.

Le demandeur a défini de façon circonstanciée les contours de l'originalité qu'il allègue en explicitant clairement les choix auxquels il a procédé dans sa démarche de création. Il est parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe avec une représentation toute personnelle de l'instrument de musique qu’est la lyre, donnant à l'ensemble des courbes sensuelles et généreuses. Les choix créatifs personnels auxquels il a procédé pour l'élaboration de cette lampe, qui ne relèvent pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, procèdent d'un parti-pris esthétique révélant l'empreinte de la personnalité de l’auteur.

En publiant sur les réseaux sociaux, sans autorisation et sans mentionner le nom de l'auteur, des photographies le représentant avec la lampe « Lyre », le défendeur a porté atteinte au droit moral de l’auteur.

La théorie de l'accessoire invoquée par le défendeur trouve son fondement dans l’article 5.3 de la directive 2001/29, qui prévoit que les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits de reproduction et de communication au public, notamment, « lorsqu'il s'agit de l'inclusion fortuite d'une œuvre ou d'un autre objet protégé dans un autre produit ». Selon la jurisprudence la plus récente rendue en la matière, la notion d'inclusion fortuite dans un autre produit « doit s'entendre comme une représentation accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté » [1].

En l'espèce, il apparaît clairement que la présence de la lampe « Lyre » sur les deux photographies litigieuses publiées sur les comptes Facebook et Instagram du défendeur résulte d'un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, l'intéressé se mettant littéralement en scène avec la lampe.

S'agissant de la première photographie, la lampe est au tout premier plan et la mise en scène choisie - le défendeur glissant sa main entre les deux bras de la lampe dont les abat-jour sont placés au même niveau que son visage qu'ils viennent éclairer - met l'objet en évidence et lui donne une importance particulière. La représentation de la lampe est manifestement délibérée et ne peut être qualifiée de fortuite ou d'involontaire.

S'agissant de la seconde photographie, la lampe est insérée dans un décor comprenant des meubles, des lampes, des chandeliers/bougeoirs, des vases, des bols et autres objets en céramique et en faïence, en outre, en arrière-plan. Elle n'en est pas moins très visible dans toutes ses caractéristiques et mise en évidence en ce qu'elle apparaît comme la principale source de lumière de la mise en scène. Sa couleur claire tranche en outre nettement avec le reste du décor globalement sombre, comme faisant écho à la lumière éclairant le visage du défendeur qui est placé à la même hauteur. La représentation de la lampe est ici encore délibérée, et non fortuite ou involontaire.

Il ne peut donc être retenu que la reproduction et la représentation de la lampe « Lyre » ont été effectuées de manière accessoire.

Les deux photographies litigieuses ne mentionnent pas le nom de l’auteur de la lampe « Lyre », ce qui caractérise l'atteinte portée à son droit de paternité. Cette atteinte est renforcée par le fait que les mises en scène sur les deux photographies sont de nature à laisser penser que le défendeur, architecte d'intérieur et décorateur, est le créateur de la lampe. La circonstance, à la supposer avérée, que les deux protagonistes seraient chacun très connus dans leur secteur d'activité respectif, la sculpture pour le premier et l'architecture d'intérieur pour le second, n'est pas de nature à empêcher que les utilisateurs des réseaux sociaux puissent être induits en erreur.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 27 septembre 2023, 21/12348 (D20230036)
M.
[H] [D] c. M. [U] [L]
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 7 mai 2021, 19/03989)

[1] Cass, 1re civ., 12 juill. 2012, Auféminin.com c. Google France SARL et al., 11-15.165. Voir également : Cass. 1re civ., 12 mai 2011, Société des auteurs des Arts visuels et de l’Image Fixe (SAIF) et al. c. c. Maia Films SARL, 08-20.651.