Protection du secret des affaires - Saisie-contrefaçon - Mise sous séquestre - Communication des pièces nécessaires à la solution du litige - Cercle de confidentialité
Des opérations de saisie-contrefaçon ont été pratiquées, à la demande d’une société allemande, titulaire d’un brevet dans le domaine des panneaux solaires, dans les locaux d’un organisme public de recherche français. Certaines pièces, présentées comme confidentielles par la personne présente sur les lieux, ont été saisies et placées sous séquestre provisoire. Le saisi et la société espagnole qui lui a fourni la machine arguée de contrefaçon ont sollicité auprès du juge des requêtes diverses mesures en vue de protéger le secret des affaires.
En vertu de l’article R. 153-3 du Code de commerce, la partie qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication est demandée doit remettre au juge une version confidentielle et une version non confidentielle ou un résumé de cette pièce, ainsi qu’un mémoire précisant les motifs lui conférant le caractère d’un secret des affaires. Il résulte des articles R. 153-5 et R. 153-6 du même code [1] que le juge refuse la communication de la pièce en cause lorsqu’elle n’est pas nécessaire à la solution du litige et qu’il ordonne sa communication, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires, lorsqu’elle est, à l’inverse, nécessaire à la solution du litige. Il désigne dans ce dernier cas les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale.
En l’espèce, les deux versions d’une étude réalisée par l’organisme de recherche, saisies sur une clé USB puis placées sous séquestre, ne sont pas jugées utiles à la solution du litige. Elles devront donc lui être restituées.
En revanche, les photographies de la machine mise à disposition de l’organisme de recherche, qui ont été prises par le commissaire de justice lorsqu’elle était à l’arrêt, doivent être directement remises à la société saisissante. Le caractère confidentiel de la composition et de l’agencement de la machine, telles qu’elles apparaissent sur ces photographies, est contredit par le fait que la société espagnole a publié une vidéo sur YouTube montrant la machine litigieuse sous de nombreux angles et commentant son fonctionnement.
Le contrat de recherche et développement liant l’organisme de recherche à la société espagnole, est quant à lui nécessaire à la solution du litige. Étant couvert par une clause de confidentialité et comportant des éléments précis sur le fonctionnement et la configuration de la machine litigieuse, sa communication est ordonnée dans le cadre d’un cercle de confidentialité. Il en est de même pour le mode opératoire de la machine rédigé par l’organisme de recherche, pour les photographies prises par le commissaire de justice révélant l’usage qui a été fait de la machine, et pour la documentation technique fournie par la société espagnole, qui présentent un caractère confidentiel et, pour certaines de ces pièces, des informations concernant des tiers.
L’accès à ces pièces dans le cadre d’un cercle de confidentialité est limité à l’avocat et à un ou deux conseils en propriété industrielle de chaque partie ainsi qu’à une personne physique représentant chacune d’elles. Les pièces devront être consultées dans les locaux parisiens de l’avocat et des conseils en propriété industrielle de la société titulaire du brevet, le respect de l’obligation de confidentialité étant plus difficile à garantir dans les locaux allemands de cette société qui est une concurrente des autres parties. Le cercle de confidentialité aura ensuite pour mission de déterminer les modalités suivant lesquelles les documents confidentiels seront communiqués (avec ou sans caviardage) et évoqués lors de la procédure au fond.
Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 2e sect., ord. réf. rétract., 26 avril 2024, 23/10305 (B20240028)
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Mondragon Assembly S. Coop. c. Teamtechnik Maschinen und Anlagen GmbH
[1] Les articles du Code de commerce cités sont issus du décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018 relatif à la protection du secret des affaires.