Doctrine et analyses
Compte rendu

La Protection des secrets d’affaires en Chine vue à travers quelques arrêts de principe

PIBD 1235-II-1

d’après l’article de Xuelan Yue* : Trade secret protection in China: a review of landmark cases, in MIP, 26 septembre 2024

Texte

À la faveur, notamment, de la révision de la loi contre la concurrence déloyale et d’arrêts de la Cour spécialisée en PI instituée au sein de la Cour populaire suprême (ci-après « la Cour »), la protection des secrets d’affaires en Chine a été renforcée ces dernières années. Se faisant l’écho de cinq arrêts, dont quatre arrêts de principe rendus entre 2019 et 2022, X. Yue présente les tendances jurisprudentielles en matière de violation de secrets d’affaires.

Primo, le montant particulièrement élevé des dommages-intérêts est l’une des évolutions les plus marquantes. Le record de 640 millions de yuans alloués dans une affaire jugée en 2024 confirme cette tendance et illustre l’engagement de la justice chinoise pour la protection des secrets d’affaires.

La Cour est d’avis qu’il convient, dans la mesure du possible, de calculer les dommages-intérêts en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce afin de garantir une réparation suffisante du préjudice, et de recourir avec prudence aux dommages-intérêts préétablis1 (dont le montant maximum a été porté de 3 à 5 millions de yuans en 2019).

Secundo, la Cour se montre disposée à octroyer des dommages-intérêts punitifs en cas d’infraction grave et intentionnelle. L’auteure note que l’élément intentionnel et la gravité étant souvent présents dans les atteintes à des secrets d’affaires, des dommages-intérêts punitifs sont plus susceptibles d’être accordés qu’en cas de contrefaçon de droits de propriété intellectuelle.

Tertio, des directives de la Cour populaire suprême2 disposent, notamment, que l’utilisation de secrets d’affaires, après modification et amélioration, est assimilable à une utilisation directe. La transformation ne suffit donc pas à échapper au grief de violation. La Cour a eu l’occasion d’appliquer cette disposition en 2019.

Quarto, l’auteure rappelle que pour pouvoir être considérée comme un secret d’affaires, une information ne doit pas être généralement connue du public, doit avoir une valeur commerciale et doit avoir fait l’objet de mesures raisonnables destinées à la garder secrète.

En ce qui concerne le premier point, la Cour n’exclut pas la protection d’une information composée d’éléments qui, pris isolément, sont connus si la combinaison de ces éléments constitue une information qui n’est pas généralement connue, et n’est pas aisément accessible dans le milieu concerné.

En ce qui concerne les mesures de confidentialité, il n’est pas requis qu’elles soient infaillibles, mais qu’elles permettent d’éviter la fuite de secrets dans des circonstances normales.

Alors que les chances de succès des demandeurs demeuraient jusque-là relativement faibles, les quatre arrêts de principe vont guider l’appréciation des tribunaux chinois et faire passer un message fort incitant les entreprises à innover de manière indépendante et à agir de bonne foi, dans le respect de la loi.

L’auteure souligne enfin que la violation de secrets d’affaires est généralement lourde de conséquences. Aussi est-il primordial pour les entreprises, même dans un contexte jurisprudentiel favorable, de réduire au maximum les risques en prenant toutes les mesures nécessaires à la préservation de leurs secrets.

*Liu Shen & Associates, Pékin.
1 Il résulte de l’article 17 de la loi contre la concurrence déloyale qu’en cas de violation de secret d’affaires, s’il est difficile d’évaluer le préjudice subi et le bénéfice indu du contrevenant, le tribunal peut décider d’octroyer des dommage-intérêts d’un montant maximum de cinq millions de yuans.
2 Dispositions relatives à plusieurs questions concernant l'application de la loi dans les actions civiles en matière de violation de secrets d’affaires.

Texte

Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.