Rejet de pièces produites à l’appui d’une demande en nullité d’un brevet européen pour défaut de nouveauté - Caractère confidentiel - Caducité de l’accord de confidentialité - Publication de la demande de brevet - Licéité et loyauté de la preuve - Droit à la preuve
Une société titulaire d’un brevet européen ayant pour objet un fil composite pour la fabrication d’un tissu technique a agi en contrefaçon de certaines revendications de la partie française de ce brevet à l’encontre d'une société, qui était liée à une société tierce avec laquelle le titulaire avait conclu un accord de confidentialité portant sur le développement d'un fil répondant aux standards des normes anti-feu française et allemande. La société défenderesse a invoqué la fourniture par le titulaire, antérieurement au dépôt du brevet litigieux, d'un fil correspondant aux caractéristiques de celui-ci, et demandé, à titre reconventionnel, l'annulation des revendications, pour défaut de nouveauté.
Pour rejeter la demande de la société titulaire tendant à voir écarter certaines pièces produites à l’appui de la demande en nullité du brevet, la cour d’appel a d’abord constaté que l'accord de confidentialité, conclu pour une durée indéterminée, interdisait toute divulgation, publication, communication à un tiers, y compris sous forme confidentielle, des informations échangées. Elle a ensuite retenu que cet accord s'était trouvé caduc à la date d'effet de la publication de la demande de brevet. Elle en a déduit que l'accord de confidentialité n'était plus confidentiel et que les pièces consistant en des factures ou autres documents échangés entre les parties n'étaient pas, en elles-mêmes ou par effet de la loi, de nature confidentielle interdisant toute communication en justice, même par des tiers. Enfin, elle a considéré que, sauf à interdire de façon disproportionnée à la société défenderesse tout droit d'accès à la preuve de la divulgation qu'elle invoque comme moyen de nullité du brevet, il importait que le juge soit en mesure de procéder à l'examen de ces pièces.
En statuant ainsi, alors que la publication de la demande de brevet ne pouvait avoir pour effet de rendre caduc l'accord de confidentialité en lui-même ni de libérer le débiteur de son obligation de confidentialité à l'égard des éléments protégés par l'accord, non divulgués par cette publication, la cour d'appel a violé les articles 52 de la CBE et L. 611-1 du CPI.
Par ailleurs, la cour d’appel s'est bornée à déduire de la caducité de l'accord la licéité des éléments de preuve, sans analyser concrètement si les pièces litigieuses avaient été échangées dans des conditions de confidentialité s'opposant à leur remise à un tiers. Elle n’a donc pas procédé à un contrôle de proportionnalité entre la protection des intérêts de la société titulaire et le droit à la preuve de la société défenderesse.
Cour de cassation, ch. com., 17 mai 2023, 19-25.007 (B20230027)
Chavanoz Industrie SARL c. Mermet SAS (anciennement dénommée Mermet Industries) et M. [O] [N]
(Cassation partielle CA Lyon, 1re ch. civ. A., 12 sept. 2019, 16/06896 ; B20190056 ; PIBD 2019, 1127, III-522 ; Propr. industr., avr. 2020, comm. 23, A.-C. Chiariny)