Jurisprudence
Marques

Absence de caractère frauduleux du dépôt de la marque ULTRA LIGHT DOWN confortant un usage large et habituel du signe par le déposant - Caractère distinctif pour désigner des produits liés au cuir ou à l’habillement

PIBD 1185-III-4
CA Paris, 4 février 2022

Validité de la marque (oui) - 1) Dépôt frauduleux (non) - Volonté de s’approprier un monopole sur un signe - Usage antérieur du signe par le déposant - 2) Caractère distinctif (oui) - Caractère descriptif - Désignation nécessaire, générique ou usuelle - Public pertinent

Dégénérescence de la marque (non) - Preuve - Carence du demandeur

Contrefaçon de marque (non) - 1) Apposition sur le produit et son emballage - Reproduction (non) - Adjonction de mots - Imitation (non) - Preuve du risque de confusion - Carence du demandeur - 2) Étiquette sur vêtement - Usage à titre de marque (non)

Concurrence déloyale (oui) - Imitation de la marque - Imitation du conditionnement et de la présentation des produits - Effet de gamme (non) - Parasitisme (oui) - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui et de profiter de ses investissements

Texte
Marque n° 4 119 732 de la société Fast Retailing
Texte

Le dépôt de la marque ULTRA LIGHT DOWN ne peut être considéré comme frauduleux pour la seule raison qu'il a été effectué au lendemain de l'opposition formée par le déposant, sur le fondement de la marque antérieure LIFEWEAR, à l'enregistrement, par le gérant d’une société tierce, de deux marques ULTRA LIGHT DOWN SEVEN SEVENTY LIFEWEAR. De même, le fait que les termes « ultra light down » ont pu être utilisés antérieurement au dépôt dans des forums de discussions sur Internet pour désigner des sacs de couchages, ou par deux enseignes spécialisées dans les sports de plein air pour désigner des doudounes, ne permet pas de considérer que le dépôt de la marque constitue une fraude aux intérêts des tiers. Il est démontré que les sociétés demanderesses utilisaient largement et de manière habituelle le signe ULTRA LIGHT DOWN en l'apposant sur des doudounes, avant le dépôt. Le déposant avait dès lors un intérêt légitime à protéger ce signe en France, sans qu'il puisse être retenu à son encontre une intention de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes ou une intention d'obtenir un droit exclusif indu ayant pour effet de priver les opérateurs économiques de l'usage d'un signe indispensable à leur activité.

Pour appréhender la distinctivité du signe ULTRA LIGHT DOWN, il doit être pris dans son ensemble. S'agissant d'un signe composé de deux mots en langue étrangère, il doit être compris par le public français pertinent, au jour du dépôt. Or, seul un public très spécialisé de randonneurs utilisant les termes « ultra light down » sur des forums d'internautes pour désigner des sacs de couchage en duvet est à même de comprendre que « down » signifie duvet et que l'expression se réfère aux caractéristiques des vêtements en duvet et d'un poids très léger. Outre que le sac de couchage n'est pas visé par la marque, ce public très averti ne peut se confondre avec le consommateur moyen achetant les produits liés au cuir ou à l’habillement visés par la marque. Dès lors qu’il est avéré que le public pertinent ne rattache pas le signe ULTRA LIGHT DOWN au « duvet », ni que ce signe constitue pour les produits en duvet une désignation nécessaire, générique ou usuelle, il n'y a pas lieu d'exclure les produits composés de duvet léger ou ultra léger du libellé des produits de la marque comme l’avait ordonné le jugement.

La contrefaçon de la marque ULTRA LIGHT DOWN n’est pas caractérisée. Le signe litigieux « ultra light down », tel qu'apposé sur le col, le pochon de rangement et le sachet plastique d'emballage des doudounes saisies n'est jamais utilisé seul mais avec deux rectangles de petites tailles dans lesquels sont inscrits les termes « Seven » et « Seventy ». Dès lors, il n'est pas identique à la marque invoquée, en ce qu'il ne reproduit pas sans modification ni ajout tous les éléments la composant. Les sociétés demanderesses devaient donc démontrer l'existence d'un risque de confusion entre les signes. De plus, les mentions présentes sur les étiquettes saisies ne sont pas utilisées à titre de marque mais à titre d'indication du produit (ex : women ultra light down).

La concurrence déloyale est constituée. La société défenderesse a tenté de manière fautive de créer la confusion entre les doudounes qu’elle commercialise et celles de la société demanderesse, licenciée de la marque ULTRA LIGHT DOWN (présence des termes « ultra light down » sur les sacs d’emballage et l’intérieur du col des doudounes, imitation des pochons de rangement et du positionnement des cartelines). Si les doudounes matelassées en forme de losange incriminées comportent des différences mineures notamment au niveau des poches, les losanges sont très semblables et les deux modèles de doudounes peuvent être facilement confondus. En revanche, le seul fait de commercialiser des doudounes en différents coloris et différentes formes (avec ou sans manches et/ou capuches) ne constitue pas un effet de gamme fautif. Par ailleurs, les éléments produits aux débats attestent que la société défenderesse s'est placée dans le sillage de la société demanderesse et a profité de manière injustifiée de sa valeur économique, son savoir-faire et ses investissements publicitaires.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 4 février 2022 (M20220049)
Fast Retailing Co. Ltd (Japon) et Uniqlo Europe Ltd c. Vestiti SAS
(Confirmation partielle TJ Paris, 3e ch. 3e sect., 24 janv. 2020, 17/15789)