Rétractation ou modification de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon (non) - Protection de documents au titre du secret des affaires - Confidentialité
Les demandes du saisi relatives à la protection au titre du secret des affaires de certains documents du procès-verbal de saisie-contrefaçon sont rejetées. En effet, les annexes litigieuses, prises isolément ou en combinaison, ne contiennent aucune information confidentielle qualifiable de secret des affaires.
Les documents en cause et les informations qu'ils contiennent concernent les produits objets de l'action en contrefaçon et sont donc nécessaires tant à la preuve de la contrefaçon que de son étendue, et ce même si le titulaire des brevets aura accès aux formules et aux factures d’achat remises lors des opérations de saisies, dans le cadre d’un cercle de confidentialité mis en place par le juge des référés dans l’ordonnance contestée.
Les documents litigieux contiennent notamment des résumés des caractéristiques des produits qui correspondent à des formulations générales avec des intitulés généraux et qui concernent des listes de composés possibles avec des teneurs variables, et non des formulations précises.
Malgré la mention « Confidential annex » portée sur une page du document, le tiers fabricant n'a pas entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 521-7-1 du Code de l'environnement, selon lesquelles « la personne qui a transmis à l'autorité administrative des informations pour lesquelles elle revendique le secret des affaires, peut indiquer celles de ces informations qu'elle considère comme commercialement sensibles, dont la diffusion pourrait lui porter préjudice, et pour lesquelles elle demande le secret vis-à-vis de toute personne autre que l'autorité administrative ». En conséquence, cette seule mention ne constitue pas une mesure de protection raisonnable au sens de l'article L. 151-1 du Code de commerce.
Cette annexe est donc constituée de formulations cadres qui ne correspondent pas à « la composition intégrale d'un produit biocide », laquelle relève seule du secret des affaires au sens de l'article 66, 2, a) du règlement (UE) n° 528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. La référence à l'ECHA (European Chemicals Agency) est ici inopérante dès lors que la saisie-contrefaçon a été réalisée à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et qu'en tout état de cause, la publication ou non d'informations sur la plate-forme de cette agence ne constitue pas un critère de confidentialité.
Les autres documents sont des résumés incomplets des caractéristiques des produits ou « des brouillons ». Les informations révélées quant aux fournisseurs sont, quant à elles, des informations déjà contenues dans les factures transmises à l'huissier lors des opérations de saisie-contrefaçon et qui n'ont pas fait l'objet d'une demande de mise sous séquestre en raison du secret des affaires.
Ainsi, le saisi ne démontre ni que les informations contenues dans les annexes ne sont pas généralement connues ou aisément accessibles pour les personnes familières à ce secteur d'activité, ni qu'elles ont fait l'objet, de sa part ou de l'ANSES, de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère secret. En effet, l'ANSES les a communiquées à l'huissier sans en demander la mise sous séquestre. Par ailleurs, le saisi ne se prévaut que d'accès sécurisés à son réseau interne ou de clauses de confidentialité contenues dans les contrats de travail des salariés qui ne sont pas spécifiques aux données litigieuses.
Par conséquent, les demandes de remise des annexes en cause à l'ANSES, de destruction des copies et subsidiairement, d'accès limité à ces documents, sont rejetées.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 13 janvier 2023, 22/05879 et 22/06188 (B20230004)[1]
Henkel France SASU (venant aux droits de la Sté Swania) c. Salveco SASU
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 3e sect., ord. réf. rétract., 8 févr. 2022, 21/08692 ; B20220022 ; PIBD 2022, 1182, III-1 ; LEPI, juill. 2022, p. 1, F. Herpe)
[1] Dans la même affaire, un arrêt similaire opposant le fabricant des produits litigieux au titulaire des brevets a été rendu par la cour d’appel de Paris. Cet arrêt a également confirmé l’ordonnance de référé ayant rejeté la demande en rétractation ou modification des ordonnances ayant autorisé les saisies-contrefaçons : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 18 janv. 2023, Hydrachim SAS c. Salveco SAS (22/05880 ; B20230021).