Jurisprudence
Marques

Absence de risque de confusion entre la marque verbale antérieure RALLYE DES GAZELLES et les marques semi-figuratives TREK DES GAZELLES - Parties figuratives exerçant la fonction d’indication d’origine

PIBD 1222-III-4
CA Paris, 24 janvier 2024

Recevabilité des actions en contrefaçon et en nullité de marque (oui) - Forclusion par tolérance - Point de départ du délai - Connaissance de l'usage de la marque postérieure - Délai non échu

Contrefaçon de la marque verbale de l’UE (non) - Identité ou similarité des produits ou services - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle - Adjonction d’une partie figurative - Dessin - Mise en exergue - Partie verbale - Caractère faiblement distinctif - Fonction d'indication d'origine - Risque de confusion

Contrefaçon de la marque verbale française (oui) - Similarité des services - Similitude visuelle, phonétique et intellectuelle - Risque de confusion

Validité des marques semi-figuratives françaises (oui) - Marque antérieure - Risque de confusion

Validité de la marque verbale française (non) - Marque antérieure - Risque de confusion

Concurrence déloyale (non) - Risque de confusion entre les évènements sportifs

Contrefaçon des marques semi-figuratives françaises et de l’UE (non) - Identité ou similarité des produits ou services - Suppression de la partie figurative - Différence visuelle - Similitude phonétique et intellectuelle - Jeu de mots - Partie verbale - Caractère faiblement distinctif - Risque de confusion

Concurrence déloyale (non) - Dépôt de marque - Risque de confusion

Texte
Marque n° 004 968 558 de la société Maienga
Marque n° 4 153 635 de Mme [P]
Marque n° 4 680 654 de Mme [P]
Texte
Marque n° 093 697 313 de la société Maienga
Texte
Marque n° 4 351 188 de Mme [P]
Texte

Les demandes en contrefaçon de la marque verbale RALLYE DES GAZELLES et en nullité des marques semi-figuratives postérieures TREK DES GAZELLES, TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100 % FÉMININ et TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE 100 % FÉMININ sont recevables.

Les délais de forclusion de cinq ans prévus par les articles L. 716-4-5 et L. 716-2-8 du CPI commencent à courir, non pas à compter de la date du dépôt de la marque seconde ou de son enregistrement[1], mais à compter de la date à laquelle le demandeur à l'action en contrefaçon ou en nullité, titulaire de la marque antérieure, a eu connaissance de l’usage effectif de la marque seconde.

S’agissant de la marque seconde TREK DES GAZELLES, il n'est pas fourni d'élément permettant de connaître précisément le moment où sa titulaire a commencé à en faire un usage effectif. Les échanges entre les parties ne permettent pas d'établir que la société demanderesse avait connaissance de l'usage effectif de cette marque avant son premier courriel du 25 mai 2016 la mentionnant. Il ne peut donc être considéré qu’elle a toléré l'usage de la marque seconde pendant plus de cinq ans avant d'engager, par assignation du 14 mai 2020, l’action en contrefaçon de ses marques antérieures et en nullité de la marque TREK DES GAZELLES.

Par ailleurs, la thèse d'un accord de coexistence des marques ne peut être retenue, en l'absence de toute formalisation de l'accord allégué. La lettre de mise en demeure du conseil de la société demanderesse ne traduit aucune intention de cette dernière de consentir à une telle coexistence. Sa portée pré-contentieuse n'est pas atténuée par les échanges postérieurs entre les parties, même s'ils révèlent une relation apaisée et évoquent la perspective d’une rencontre, aucune autre information n’étant fournie sur ce projet de rapprochement, qui n’a manifestement pas prospéré.

La contrefaçon de la marque verbale de l’UE RALLYE DES GAZELLES par les marques semi-figuratives françaises et de l’UE TREK DES GAZELLES, TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100 % FÉMININ et TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE 100 % FÉMININ n’est pas caractérisée. Les marques litigieuses, déposées en couleur, comportent les mots « Trek des Gazelles » disposés sur deux lignes, inscrits dans une graphie originale mêlant lettres majuscules et minuscules, ainsi que le dessin d’un buste de gazelle, très présent de par sa position, sa taille et le trait épais utilisé. Certaines d’entre elles comportent, en position d’attaque, dominant l’élément verbal précité, un double cercle comportant des mentions inscrites en petits caractères (trek aventure, 100 % féminin …). Malgré la reprise des deux éléments verbaux « des Gazelles » de la marque antérieure, dans le même ordre, il découle de la comparaison des signes une forte dissemblance visuelle. Sur le plan conceptuel, les marques en litige évoquent un évènement sportif entre femmes se déroulant au Maghreb, où le mot « gazelle » est couramment utilisé pour désigner une jolie jeune femme. Cependant, alors que la marque antérieure renvoie à une compétition – notion absente dans les marques contestées – en véhicules motorisés, les marques secondes évoquent une marche à pied.

En outre, les éléments verbaux des marques en litige sont peu distinctifs pour l'ensemble des produits et services désignés, le mot « Gazelle » étant évocateur des femmes ainsi couramment dénommées dans les pays du Maghreb, notamment au Maroc, et les autres termes décrivant la nature des épreuves sportives organisées respectivement par les parties. Ils sont donc faiblement aptes à remplir la fonction d'identification de la provenance des produits ou services visés. Par conséquent, au sein des marques contestées, l'attention du consommateur sera davantage retenue par les éléments figuratifs, dont la présence est visuellement forte, lui permettant d'identifier à eux seuls l'origine commerciale des produits et services. Dans ces conditions, en raison des différences significatives entre les signes, prépondérantes par rapport aux ressemblances, le consommateur moyen ne sera pas enclin, malgré l'identité et la similarité des produits et services en cause, à confondre les marques ou à penser que les marques secondes constituent des déclinaisons de la marque première.

En revanche, la contrefaçon de la marque verbale GAZELLE par la marque verbale GAZELLE(S) est retenue.

La demande en concurrence déloyale est rejetée. Le rallye des gazelles organisé par la société demanderesse est une course automobile féminine organisée au Maroc, alors que le trek des gazelles est un trekking féminin organisé par la défenderesse également au Maroc, sans caractère compétitif mais à vocation caritative ou solidaire, ce qui est substantiellement différent. Ces deux événements sportifs sont clairement identifiés comme tels par le public, les pièces versées ne révélant pas une quelconque confusion entre eux de la part des participants ou des commentateurs. La renommée de la course automobile Rallye des Gazelles ne suffit pas à démontrer un risque de confusion compte tenu des différences importantes entre les évènements en cause tant dans leurs modalités, leurs publics que dans leurs finalités.

Il n’est pas fait droit à la demande reconventionnelle en contrefaçon des marques semi-figuratives TREK DES GAZELLES et TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100 % FÉMININ précédemment décrites par la marque verbale TREK’IN GAZELLES. Malgré la reprise dans la marque postérieure des deux éléments verbaux « Trek » et « Gazelles », dans le même ordre, il découle de la comparaison entre les signes une forte dissemblance visuelle tenant notamment aux éléments figuratifs des marques antérieures (calligraphie particulière, couleur, dessin…). Les ressemblances aux plans phonétique et intellectuel doivent être fortement relativisées dès lors que les éléments verbaux des marques en litige sont peu distinctifs et que l'attention du consommateur sera davantage retenue, pour les marques antérieures, par leurs éléments figuratifs à la forte présence visuelle, qui seront de nature à écarter dans son esprit tout risque de confusion.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 24 janvier 2024, 22/02420 (M20240022)
Maienga SARL c. Mme [Y] [P],  Trek des Gazelles Organisation SAS et Trek des Gazelles (association sportive)
(Infirmation partielle TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 7 janv. 2022, 20/03813)

[1] La Cour de cassation a jugé récemment que le point de départ du délai de forclusion par tolérance ne peut pas commencer à courir avant l’enregistrement de la marque postérieure (Cass. com., 6 déc. 2023, Free SAS c. Free-Sbe SAS et al., 22-15.341 ; M20230237 ; PIBD 2024, 1220, III-2 avec une note de Madeleine Bigoy et Cécile Martin).