Action en nullité de marques pour atteinte à l’ordre public - Recevabilité - Intérêt à agir - Droits antérieurs - Rejet d'une action en contrefaçon - Entrave à l’utilisation d’un signe identique ou similaire
Un opérateur économique ne justifie d'un intérêt légitime à demander l'annulation d'une marque que lorsque, étant détenteur d'un droit sur un signe identique ou similaire à cette marque, sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe pour les besoins de son activité économique ou lorsque, poursuivi en contrefaçon d'une marque, il agit en annulation de celle-ci.
La cour d’appel a relevé que la société demanderesse, spécialisée dans l’achat et la revente de boissons alcooliques, n'était pas poursuivie en contrefaçon des marques françaises comportant les termes « Dom Pérignon », « Ruinart », « Clicquot » et « Moët & Chandon » dont elle demandait l’annulation[1]. Elle a également retenu que cette société, qui ne se prévalait d'aucune atteinte à des droits antérieurs sur les signes déposés, ne justifiait pas d'une entrave à l'exercice licite de son activité économique du fait des dépôts de marques incriminés. Elle en a exactement déduit que, faute d'intérêt, la société demanderesse devait être déclarée irrecevable en sa demande d'annulation de ces marques.
Cour de cassation, ch. com., 7 décembre 2022, 20-21.102 (M20220321)[2]
Simizy SARL et Silvestri-Baujet (en qualité de mandataire judiciaire de la Sté Simizy) c. MHCS SA
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 10 juill. 2020, 19/03551 ; M20200145 ; Propr. intell., 77, oct. 2020, p. 56, note de J. Canlorbe)
[1] Dans une procédure parallèle, la société demanderesse était poursuivie par la société MHCS en contrefaçon d’une marque de l’UE DOM PERIGNON (TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 19 sept. 2019, 16/18106, confirmé par CA Paris, pôle 5, 1re ch., 23 nov. 2021, 19/18823, M20210279). Elle a également été poursuivie aux Pays-Bas en contrefaçon de cette même marque ainsi que de deux marques de l’UE RUINART et MOËT & CHANDON et d’une marque internationale VEUVE CLICQUOT. Estimant que ces marques s'inscrivaient dans quatre « familles » de marques représentant un portefeuille de 233 marques françaises, de l'UE ou internationales visant notamment le tabac, les bières ou les vins (30 marques incorporant le vocable « Dom Pérignon », 22 marques incorporant le vocable « Ruinart », 124 marques incorporant les noms « Cliquot » ou « Veuve Clicquot », 57 marques incorporant les noms « Moët & Chandon »), la société Simizy a déclenché la présente procédure. Elle a agi en nullité de l’ensemble de ces marques pour atteinte à l’ordre public sanitaire français, en ce qu'elles constitueraient une publicité indirecte pour de l'alcool et du tabac. En première instance, le tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur les actions en nullité des marques de l’UE et des marques internationales ne visant pas la France, et a retenu l’absence d’intérêt à agir de la société Simizy en annulation des marques françaises (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 7 déc. 2018, 17/05769 ; M20180539). La cour d’appel a confirmé ce jugement.
[2] La recevabilité des actions principales en nullité de marques françaises, qui relèvent désormais en principe de la compétence exclusive de l’INPI en application de l'article L. 716-5 du CPI, tel que modifié par l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, n'est pas subordonnée à la reconnaissance d’un intérêt à agir dans le cadre de cette nouvelle procédure administrative.