Jurisprudence
Brevets

Opposition à un brevet devant l’INPI - Révocation partielle pour défaut d’activité inventive

PIBD 1196-III-3
Décision INPI, 4 juillet 2022

Opposition au brevet d’invention - 1) Description suffisante (oui) - Homme du métier - Équipe - Problème technique à résoudre - 2) Activité inventive (oui) - Approche problème-solution - Problème technique objectif -  État de la technique - Problème partiel - 3) Activité inventive (non) - Révocation partielle

Requête subsidiaire - Admissibilité (oui) - Phase orale - Principe du contradictoire - Rejet - Réponse à un motif d’opposition (non)

Texte

L’opposition formée à l’encontre du brevet intitulé « Dispositif de capture, dispositif de réception, dispositif de traitement et dispositif d'étalonnage » est reconnue partiellement justifiée et le brevet est partiellement révoqué.

Le défaut de clarté de la formulation d’une revendication ne fait pas partie des motifs d’opposition limitativement énumérés à l’article L. 613-23-1 du CPI. En revanche, une opposition peut être formée sur le motif selon lequel le brevet n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour que l’homme de métier puisse l’exécuter, et l’analyse de la suffisance de l’exposé de l’invention s’effectue en tenant compte de l’ensemble du brevet, et non pas seulement de la description. Il convient alors de déterminer si, pour chaque revendication visée, l’homme du métier, à l’aide de ses connaissances générales et des enseignements de l’ensemble du brevet, y compris la description et les dessins, parviendrait sans efforts excessifs, à réaliser l’invention telle que définie par la revendication en question.

L’homme du métier se définit comme celui du domaine où se pose le problème technique que résout l’invention. Ce dernier porte sur la mise au point d’un système de surveillance en temps réel de la température d’un grand nombre d’emballages de médicaments, ledit système devant être peu encombrant mais pouvant supporter les contraintes mécaniques d’un empilement d’emballages. Le problème technique à résoudre est donc multidisciplinaire et l’homme du métier doit être capable de gérer à la fois les problématiques habituelles d’une chaîne de mesure mais aussi celle des emballages et de leur transport. L’homme du métier est donc défini comme un praticien des chaines de mesure avec des connaissances moyennes en systèmes électroniques, assisté d’un fabricant d’emballages doté de connaissances moyennes en mécanique des assemblages.

L’homme du métier doit être capable de réaliser l’invention sur toute la portée de la revendication. Cependant, le fait que des modes de réalisation de l’invention, aussi nombreux soient-ils, ne soient pas explicitement décrits dans le brevet, ne signifie pas qu’ils ne seraient pas réalisables par l’homme du métier. La description d’un mode de réalisation reproductible par l’homme du métier est une condition suffisante pour répondre à l’exigence d’un exposé suffisamment clair et complet de l’invention. Cette condition étant remplie, le brevet contient l’ensemble des informations nécessaires à l’homme du métier pour déterminer les caractéristiques litigieuses et parvenir sans efforts excessifs à reproduire l’invention. Le motif d’opposition selon lequel le brevet n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter, n’est donc pas fondé.

Pour apprécier l’activité inventive, l’approche problème-solution est privilégiée. Il s’agit de déterminer l’état de la technique le plus proche, puis de formuler le problème technique objectif à résoudre avant d’apprécier l’évidence. En l’espèce, l’objectif de l’invention est de fournir un système fiable et peu encombrant pour la détection et la localisation en temps réel d’une rupture dans la chaîne du froid lors du transport d’emballage de médicaments thermosensibles.

Plusieurs documents peuvent être considérés comme constituant l’état de la technique le plus proche. Les documents D1 (une demande de brevet américain portant sur un système de surveillance de la température de conservation d’un produit périssable) et D4 (une demande de brevet international portant sur un système de distribution à l’unité de comprimés médicamenteux) produits par l’opposant sont chacun considérés comme l’état de la technique le plus proche, dès lors que ces documents, qui relèvent du même domaine technique que l’invention, visent à atteindre le même objectif que l’objet du brevet contesté.

Un ensemble de caractéristiques techniques distinctives[1] représente une combinaison de caractéristiques si l'interaction entre les caractéristiques produit un effet technique combiné qui est différent, en allant, par exemple, au-delà de la somme des effets techniques qu'elles produisent individuellement. En d'autres termes, les interactions des caractéristiques individuelles doivent produire un effet de synergie. Lorsque l’ensemble des caractéristiques distinctives combinées entre elles ne produit aucun effet de synergie, il n’est pas possible de formuler un unique problème technique qui puisse lier de façon cohérente les effets techniques produits par les caractéristiques distinctives. Le problème technique objectif doit alors être considéré comme un assemblage de plusieurs « problèmes partiels ». Il suffit que la solution à l’un seul des problèmes partiels soit inventive pour que la revendication dans son ensemble fasse preuve d’activité inventive.

Au regard des éléments présentés, l’objet des revendications indépendantes 1 et 7 et des revendications 2 à 5 dépendantes à la revendication 1 du brevet contesté implique une activité inventive.

En revanche, l’objet des revendications indépendantes 6 et 8 découle de manière évidente de l’état de la technique cité, en ce que l’homme du métier, afin de résoudre le problème technique objectif, sera amené à combiner les enseignements des documents cités et ses connaissances générales. Le motif d’opposition selon lequel l’objet des revendications 6 et 8 manque d’activité inventive est donc fondé et le brevet partiellement révoqué pour ces revendications[2].

Enfin, et conformément à l’article R. 613-44-7 du CPI, est admissible la requête subsidiaire présentée par les co-titulaires du brevet contesté lors de la phase orale, sous réserve que les parties aient été à même d’en débattre contradictoirement. Toutefois, les modifications apportées aux revendications doivent répondre à un des motifs d’opposition (article L. 613-23-3 1° du CPI). Les modifications apportées aux revendications concernent, en l’espèce, leur ponctuation. Elles ne répondent donc pas à un des motifs d’opposition invoqués par l’opposant et la requête subsidiaire présentée par les co-titulaires a donc été rejetée.

Décision INPI, 4 juillet 2022, OPP 21-0005 (OB20210005)
Cabinet Lavoix c. Adrien C, Raphaël V et Yohann C
 

[1] Une caractéristique distinctive est une caractéristique non divulguée dans les documents cités par l’opposant. Elle peut être technique ou non.

[2] L’article L. 613-23-6 du CPI prévoit que lorsqu’une décision statuant sur l’opposition révoque partiellement le brevet, elle renvoie devant l’INPI le titulaire afin que ce dernier demande la modification du brevet pour se conformer à la décision. Cette demande n’est toutefois recevable que si la décision statuant sur l’opposition n’est plus susceptible de recours.