Doctrine et analyses
Compte rendu

Affaire Jack Daniel’s : l’audience à la Cour suprême des États-Unis laisse les conseils spéculer sur la décision à venir

PIBD 1204-II-1

d’après l’article de Rani Mehta : Jack Daniel’s SCOTUS hearing leaves counsel swaying, in MIP, 24 mars 2023

Texte

En mars dernier, la Cour suprême des États-Unis a entendu les arguments des avocats du fabricant de whiskey Jack Daniel’s et de VIP Products, fabricant de jouets pour chiens. Au cœur des débats : l’articulation entre le droit des marques et la liberté d’expression en cas de parodie.

Le litige en question oppose Jack Daniel’s à VIP Products suite à l’usage parodique de la marque de whiskey. VIP Products a en effet lancé un jouet pour chiens qui reproduit le trade dress de la bouteille de whiskey, sur laquelle s’inscrivent les termes « Bad Spaniels »1.

La question est de savoir s’il faut évaluer le risque de confusion du produit litigieux comme pour n’importe quel autre produit, en vertu de la loi Lanham, ou s’il faut considérer que les jouets en question sont des œuvres d’expression artistique protégées par le premier amendement au titre de la liberté d’expression.

Commentant les arguments de l’avocat de VIP, la juge Kagan a émis l’idée selon laquelle ces jouets ne seraient pas des œuvres d’expression artistique et que le critère développé dans l’affaire Rogers (ci-après dénommé le « critère Rogers ») pourrait ne pas s’appliquer ici. Selon cet arrêt de la fin des années quatre-vingt (Rogers c. Grimaldi), la loi Lanham ne doit pas s’appliquer aux œuvres d’expression artistique, sauf si l’usage de la marque est explicitement trompeur ou s’il n’est pas artistique. La juge Kagan a fait remarquer qu’on était en présence d’un produit commercial standard et non d’un film ou d’un tee-shirt arborant un slogan politique. Il s’agit donc bien d’un signe utilisé pour identifier l’origine du produit.

L’application du critère Rogers a été remise en question par d’autres juges : ne pourrait-on pas se contenter d’une analyse classique du risque de confusion pour déterminer si le produit parodiant la marque est contrefaisant ? Le juge Thomas, par exemple, s’est demandé s’il fallait supprimer le critère Rogers pour mieux se concentrer sur l’analyse du risque de confusion conformément à la loi Lanham, ou si les deux analyses pouvaient coexister.

Un expert estime quant à lui que l’analyse du risque de confusion suffit parce que, si la parodie est efficace, elle ne doit pas créer la confusion. Un autre pense que la Cour pourrait introduire une sorte d’analyse poussée incluant la parodie dans le cadre de l’analyse classique multi-facteurs, et limiter le critère Rogers de façon à ce qu’il ne s’applique pas à des affaires comme celle-ci.

Selon les experts, Jack Daniel’s a des chances de l’emporter : la Cour ne considérera pas les jouets litigieux comme des œuvres d’expression artistique. D’autres pressentent que la Cour essaiera de trouver un moyen d’apporter des éclaircissements sans pour autant bouleverser le cadre existant.

1« Mauvais épagneuls ».

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