Doctrine et analyses
Comptes rendus

Allemagne - Ce que valent les brevets déclarés (partiellement) nuls

PIBD 1145-II-2

d’après l’article d’Axel Contreras* et Spyros Makris*: The Value of (partially) invalidated patents, in IAM, 101, automne 2020, p. 62-65

Texte

Le taux d’annulation est-il un bon indicateur de la qualité du système des brevets ? Que vaut encore, pour l’entreprise, un brevet déclaré partiellement nul ? Répondant à ces questions dans le contexte allemand, Axel Contreras et Spyros Makris tordent le cou à certaines idées. 

Si on part du principe qu’un brevet déclaré nul n’aurait pas dû être délivré et qu’un brevet déclaré partiellement nul n’aurait pas dû l’être tel quel, il est tentant de faire un rapprochement entre le taux d’annulation et la qualité des brevets et, plus généralement, l’état du système. À y regarder de plus près, les choses ne sont pas aussi simples

Un faible pourcentage des brevets en vigueur voient leur validité contestée, on peut donc s’interroger sur la pertinence du taux d’annulation pour juger de l’état du système des brevets. C’est ainsi qu’en 2018, quelque 120 000 brevets ont été délivrés en Allemagne - portant à plus de 703 000 le nombre de titres en vigueur (brevets européens compris) - mais seulement 217 actions en nullité ont été engagées devant le Tribunal fédéral des brevets1. On pourrait penser que cela est dû au fait que la validité est essentiellement contestée en cas d’action en contrefaçon : le nombre de titres faisant l’objet de tels litiges étant peu élevé, il y aurait plus de demandes en nullité si le contentieux était plus abondant et davantage de brevets seraient déclarés nuls. Deux études citées par les auteurs permettent toutefois d’en douter. 

Dans plus de la moitié des affaires qui se sont conclues en 2018, il n’y a pas eu de décision sur la validité (retrait de l’action, transaction, etc.), moins de 25 % se sont soldées par une annulation totale et quelque 16 % par une annulation partielle. Difficile, avec de tels chiffres, de tirer des conclusions générales. Surtout, soulignent les auteurs, on ne saurait considérer de la même manière annulation totale et annulation partielle, celle-ci pouvant même asseoir la valeur du brevet pour son titulaire. 

Aussi A. Contreras et S. Makris s’intéressent-ils plus spécifiquement aux brevets déclarés partiellement nuls. Le titulaire ayant tout intérêt à passer en revue les revendications maintenues afin d’évaluer l’opportunité du maintien en vigueur, celui-ci pourrait constituer un bon indicateur de la valeur que conserve pour l’entreprise un brevet annulé partiellement. Ils procèdent à une analyse chiffrée d’un échantillon constitué des 138 brevets – nationaux et européens ayant effet en Allemagne – ayant donné lieu à une décision d’annulation partielle par le Tribunal fédéral des brevets sur la période 2010-2014. 129 d’entre eux ont fait l’objet d’une décision finale d’annulation partielle2. À
l’exception bien sûr de ceux qui ont expiré entre-temps, ces brevets ont, dans leur grande majorité, été maintenus au moins deux ans après la décision. On peut d’autant plus en déduire qu’ils conservent une valeur que le montant des redevances augmente chaque année.

L’idée selon laquelle de nombreux brevets seraient délivrés indûment se fonde sur les statistiques des annulations. Or, on omet de tenir compte de différents facteurs externes et contextuels. De plus, comme on vient de le voir, il importe de distinguer annulations totales et partielles. Pour les auteurs, il faut donc apprécier la situation globalement et se garder de conclusions hâtives sur la santé du système des brevets en Europe.

* Ericsson.
1 En Allemagne, en vertu de la « bifurcation », les actions en contrefaçon relèvent de la compétence des Landgerichte et les actions en nullité de celle du Tribunal fédéral des brevets.
2 Le cas échéant, après recours devant la Cour fédérale de justice.