Doctrine et analyses
Compte rendu

Brevets : une décision de justice au Royaume-Uni montre le risque qu’il y a à faire reposer sa stratégie anti-contrefaçon sur la procédure d’Amazon

PIBD 1188-II-2

d’après l’article d’Adam Houldsworth : UK decision highlights risk surrounding patent enforcement strategies focused on Amazon, in IAM, 11 août 2022

Texte

En cas de contrefaçon de brevet alléguée, le recours à la procédure de retrait d’Amazon peut-il constituer une mise en demeure injustifiée ? Pour la première fois, une juridiction britannique tranche la question.

La société américaine The NOCO Company et son concurrent chinois Carku Technology vendent des dispositifs de démarrage pour voitures électriques sur Amazon. Estimant son brevet britannique contrefait par les produits proposés par Carku, NOCO le notifie à Amazon qui décide de déréférencer les produits litigieux, après avoir examiné les arguments des deux parties. Cela est d’autant plus douloureux pour Carku que la décision d’Amazon coïncide avec le confinement dû au Covid-19, avec les répercussions que l’on sait sur les ventes en magasin.

Amazon fait toutefois savoir à Carku qu’il reverra sa décision en cas d’annulation du brevet de NOCO. Carku obtient alors une décision de la High Court selon laquelle le brevet de NOCO est nul et non contrefait. Non seulement les produits de Carku sont de nouveau référencés sur Amazon mais Carku fait valoir que la procédure engagée par NOCO auprès d’Amazon constitue une mise en demeure injustifiée pour laquelle il demande réparation.

La loi sur les brevets prévoit en effet que si une mise en demeure est lancée et qu’il s’avère par la suite qu’elle est injustifiée (si le brevet litigieux est déclaré nul, par exemple), le défendeur peut demander réparation pour le préjudice subi. La loi a été modifiée en 2017 pour renforcer la protection contre les mises en demeure injustifiées.

Carku fait valoir que les notifications faites en ligne par NOCO constituent des mises en demeure pour contrefaçon vis-à-vis d’Amazon, ses distributeurs ou les deux. NOCO répond que la décision d’Amazon de déréférencer les produits de Carku est le fruit de son « approche centrée sur le client » et de son engagement à éliminer de sa plateforme les produits contrefaisants. NOCO ne voit donc pas ses notifications comme des mises en demeure mais comme une aide apportée à Amazon afin qu’il respecte ses engagements en matière de lutte contre la contrefaçon. NOCO argue également qu’Amazon ne pouvait s’estimer visé par une action en justice par une simple notification en ligne mais qu’il se serait plutôt attendu au courrier d’un avocat.

La High Court a rejeté l’argument de NOCO selon lequel la décision d’Amazon de déréférencer des produits est déconnectée de sa position juridique et a estimé qu’Amazon pouvait déduire des notifications de NOCO que Carku risquait de faire l’objet d’une action en contrefaçon. Ceci est étayé par une communication à Amazon dans laquelle NOCO dresse l’historique des actions en justice qu’il a engagées contre des contrefacteurs. Les notifications de NOCO constituent donc bien des mises en demeure qui, suite à la décision de justice sur la validité et la contrefaçon, sont injustifiées. Carku a donc droit à réparation.

Cette décision pourrait avoir un impact sur la stratégie de défense en cas de vente de produits présumés contrefaisants sur des plateformes électroniques. Les demandeurs y réfléchiront certainement à deux fois avant de recourir à la procédure de retrait de ces plateformes pour défendre leurs brevets.

Texte

Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.