Validité de la marque figurative de l’UE - Caractère distinctif intrinsèque - Charge de la preuve - Fait notoirement connu - Acquisition du caractère distinctif par l’usage - Étendue géographique de la preuve - Appréciation globale des preuves
La chambre de recours de l’EUIPO a jugé à bon droit que la marque figurative internationale visant l’Union européenne dénommée « Damier Azur », représentant un motif à damier avec un motif à trame et à chaine figurant à l’intérieur des carrés, était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque.
Elle a considéré que le fait que la marque, constituée de la juxtaposition de deux motifs non distinctifs en eux-mêmes, était un motif basique et banal qui ne s’écartait pas significativement de la norme ou des habitudes du secteur concerné, constituait un fait notoire au sens de la jurisprudence de l’UE.
En prenant en compte, outre les arguments et les éléments de preuve invoqués par le demandeur en nullité, ce fait notoire, elle n’a pas enfreint les règles relatives à la charge de la preuve dans les procédures en nullité.
En revanche, la chambre de recours a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une appréciation globale de tous les éléments de preuve pertinents pour caractériser l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque dans l’ensemble de l’Union.
Elle a divisé les États membres en trois groupes et n’a examiné que les éléments de preuve qui mentionnaient expressément tel ou tel État membre de l’un de ces groupes, en écartant tous les autres éléments de preuve sans les évaluer.
Ainsi, elle n’a analysé aucun des éléments de preuve fournis par le titulaire de la marque qui visaient à démontrer qu’il était une des entreprises du secteur des produits de luxe les plus connues dans le monde ainsi qu’un des acteurs les plus importants du secteur de la maroquinerie dans le marché de l’Union. Elle n’a pas non plus examiné les preuves visant à démontrer l’usage intensif, géographiquement étendu et de longue durée de la marque dans l’ensemble de l’Union, ainsi que les investissements substantiels réalisés pour la promouvoir.
La chambre de recours a également fait abstraction de certains éléments de preuve concernant l’usage de la marque sur Internet et a omis de les examiner de manière globale, en rapport les uns avec les autres, ainsi qu’avec tous les autres éléments de preuve concernant l’usage de la marque, par exemple dans des magazines de mode. De nos jours, le fait de ne pas disposer de boutique physique dans un État membre n’empêche pas nécessairement le public pertinent dans cet État membre de se familiariser et de reconnaître la marque en cause comme provenant de son titulaire, en visualisant celle-ci sur des sites internet ainsi que sur les réseaux sociaux généralement accessibles partout dans l’Union, dans des catalogues ou des brochures électroniques, grâce à la publicité en ligne par des célébrités ou des influenceurs mondialement ou localement connus ou dans les boutiques situées dans les parties les plus centrales et les plus touristiques des grandes villes et les aéroports.
Enfin, elle ne pouvait pas nier la pertinence d’éléments de preuve relatifs à des produits contrefaits saisis ou commercialisés dans plusieurs États membres, contenant, notamment, des déclarations d’autorités publiques concernant l’existence de saisies de produits de contrefaçon portant la marque contestée ainsi que de procédures judiciaires condamnant des individus pour avoir utilisé cette marque de manière illicite.
Tribunal de l'Union européenne, 10ech., 10 juin 2020, T-105/19 (M20200147)
Louis Vuitton Malletier c. EUIPO et Norbert W
(Annulation décision EUIPO, 22 nov. 2018, R 274/2017-2)