Opposition à l’enregistrement d’une marque de l’UE - Preuve de l’usage sérieux des marques de l’UE antérieures - Appréciation globale - Exploitation publique - Exploitation pour une sous-catégorie de produits
Selon la règle 22 § 3 du règlement (CE) n° 2868/95 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 40/94, la preuve de l’usage de la marque antérieure sur laquelle est basée l’opposition doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui en a été fait pour les produits et services sur lesquels l’opposition est fondée. Ces exigences sont cumulatives. Toutefois cette règle n’indique pas que chaque élément de preuve doit nécessairement contenir des informations sur chacun des éléments précités. Il est de jurisprudence constante qu’un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits, alors même qu’aucun de ces éléments, pris isolément, ne serait de nature à établir l’exactitude de ces faits.
C’est à tort que l’EUIPO a estimé que les preuves produites par l’opposant n’étaient pas de nature à démontrer un usage sérieux des marques antérieures pour les chaussures et pour les jeans pour hommes et pour femmes qui constituent une sous-catégorie cohérente et homogène de la catégorie générale des vêtements.
En l’espèce, la seule existence de catalogues ne saurait rapporter la preuve de leur distribution à une clientèle potentielle ou de la quantité des ventes de produits protégés par les marques antérieures. Elle pourrait, tout au plus, rendre probable le fait que les produits ont été commercialisés ou, au moins, offerts à la vente sur le territoire pertinent. Dans une affaire antérieure, le Tribunal avait jugé que des catalogues pouvaient, en soi, dans certaines circonstances, constituer des preuves concluantes du caractère suffisant de l’importance de l’usage, bien qu’ils ne fournissent pas d’informations directes sur la quantité des produits effectivement vendus sous la marque antérieure. Toutefois, dans cette affaire, l’intégralité des catalogues destinés aux consommateurs finals avait été soumise, contrairement aux quelques pages extraites de catalogues non destinés aux consommateurs finals fournies dans le cas présent. Par ailleurs, ces catalogues contenaient plus de précisions, notamment sur le mode de commercialisation des produits sous la marque en cause, au sein de l’Union.
La reproduction d’une des marques en cause, sur des produits couverts par celle-ci, dans des publicités adressées aux consommateurs composant le public pertinent constitue une utilisation publique et vers l’extérieur de la marque. L’opposant doit démontrer que le matériel publicitaire mentionnant la marque a connu une diffusion auprès du public pertinent suffisante pour établir le caractère sérieux de l’usage. Cette preuve n’est toutefois pas requise lorsqu’il s’agit de magazines très connus, dont la diffusion constitue un fait notoire, comme c’est le cas en l’espèce. En outre, ces éléments de preuve viennent corroborer les informations contenues dans la déclaration sous serment du chef du service juridique de l’opposant concernant la commercialisation au sein de l’Union, sous ce signe, des produits représentés dans les publicités.
Des factures indiquant des ventes de produits, mais sur lesquelles les marques antérieures ne sont pas mentionnées, ne suffisent pas, à elles seules, à établir un lien entre la commercialisation de ces produits et les marques antérieures. Elles ne permettent donc pas de vérifier la nature de l’usage qui a été fait des marques à l’égard de ces produits.
Tribunal de l’Union européenne, 3e ch., 28 mai 2020, T-615/18 (M20200137 ; Propr. industr., 7-8, juill. 2020, comm. 42, note d’A. Folliard-Monguiral)
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(Annulation partielle décision EUIPO, 3 août 2018, R 2657/2017-5)