Jurisprudence
Marques

Caractère distinctif de la marque V2 demandée à l’enregistrement - Signe ne pouvant être compris comme une « seconde version » des produits et services visés meilleure que la précédente

PIBD 1193-III-4
CA Douai, 23 juin 2022

Demande d’enregistrement de marque - Caractère distinctif (oui) - Lettre - Initiale - Chiffre - Fonction d'indication d'origine - Signe informatif et laudatif (non)

Texte
Demande d’enregistrement n° 4 171 732 de l’Union de syndicats de copropriété du centre commercial Villeneuve 2
Texte

La demande d’enregistrement de la marque V2 a été à tort rejetée, le caractère distinctif de ce signe pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 36, 38, 39, 41, 42 et 43 étant établi.

Il ne peut être considéré que le signe V2 puisse induire, pour le consommateur raisonnablement attentif et avisé, la notion de « seconde version meilleure que la précédente ». En effet, ce signe ne décrit pas les produits et services visés, ni l’une de leurs caractéristiques, et ne signifie pas que le produit ou service concerné serait une « seconde version ». Pour que des versions successives puissent caractériser un produit, le terme « V2 » doit être accompagné du terme développé « version » ainsi que du nom du produit qu'il qualifie de « V2/2° version ». Par ailleurs, certains des services visés, tels que la gestion administrative, les assurances ou la gestion de centres commerciaux, ne peuvent pas être caractérisés par des versions successives.

En conséquence, le signe V2 remplit bien la fonction essentielle d'une marque qui est de permettre d’identifier l'origine commerciale des produits et services et de les distinguer de ceux des concurrents. Ce signe n’est pas, en soi, une mention informative indiquant que les produits et services sont encore meilleurs, et donc une mention laudative. Il ne constitue pas un obstacle pour les opérateurs économiques qui souhaitent signifier l'amélioration de leurs produits et services, comme l'attestent les exemples fournis.

Cour d'appel de Douai, 1re ch., 2e sect., 23 juin 2022, 21/00283 (M20220206)[1]
L'Union de syndicats de copropriété du centre commercial Villeneuve 2 c. INPI
(Annulation décision INPI, 9 décembre 2020)

[1] Voir, à titre illustratif, d’autres décisions traitant du caractère distinctif d’une marque comportant un signe alphanumérique : CA Douai, 1re ch., 2e sect., 26 nov. 2015, Jean-Paul S et al. c. Smile SA, 14/03562 (M20150501 ; PIBD 2016, 1042, III-71 ; marque complexe ERP5) : « le sigle ERP est dans le langage au moins professionnel [...] la désignation usuelle du produit. Ce sigle reprend en effet les initiales du syntagme de langue anglaise (langue habituellement utilisée par les professionnels de l'informatique) Entreprise Ressource Planning. C'est précisément la raison pour laquelle il a été choisi comme signe. [...] [le déposant] a choisi l'expression ERP5 pour désigner ses produits car il s'agit du seul système de gestion conçu autour d'un modèle général d'architecture à cinq classes [...]. Ce faisant, [il] reconnaît implicitement le caractère descriptif d'une qualité essentielle du produit du chiffre 5 » ; Cass. com., 29 nov. 2011, Predel SARL c. Union de Coopératives Agricoles et al., 10-26.848 (M20110667 ; PIBD 2012, 954, III-70 ; marques ICV D 47 et D 47) : « le choix de la lettre D et du nombre 47 pour identifier des levures œnologiques revêt un caractère arbitraire [...] ; [...] même si certaines revues spécialisées faisaient référence en 1995 et 1997 à la mention D 47 pour désigner cette souche de levure, il n’existe aucune obligation pour un sélectionneur de donner à la souche de levure qu’il isole une seule référence » ; CA Toulouse, 1re ch., 19 mai 2011, Cedif SAS c. GK International SARL, 09/03532 (M20110774 ; marque C 2 E) : « En l'espèce, "c'est deux euros" désigne la valeur du produit. L'utilisation d'un chiffre et du terme euro est nécessaire pour indiquer la valeur des marchandises ; sa protection conduirait à priver les concurrents des mots et chiffres indispensables à la promotion de la vente de leurs produits. [...] La marque "c'est deux euros..." est donc nulle. [... ] De même, [...] la marque C2E, qui n'est que la contraction de "c'est deux euros..." (la lettre E pouvant désigner euro, au même titre que le signe €), est nulle ».