Jurisprudence
Marques

Caractère fonctionnel d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme d’un porte-cartes - Concurrence déloyale par reproduction servile

PIBD 1169-III-6
CA Versailles, 3 juin 2021

Recevabilité de l’appel (oui) - Personne domiciliée à l’étranger - Notification de la décision - Point de départ du délai d’appel

Validité de la saisie-contrefaçon (oui) - Signification de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon - Délai avant le début des opérations

Recevabilité de l’action en contrefaçon de droits d’auteur (non) - Qualité pour agir - Titularité des droits d’auteur - Présomption de la qualité d'auteur - Convention de Berne - Personne morale étrangère - Divulgation sous son nom en France

Validité de la marque tridimensionnelle (non) - Forme du produit - Droit de l'UE - Caractère distinctif - Forme nécessaire à l'obtention d'un résultat technique - Fonction d’indication d’origine - Norme ou habitudes du secteur

Concurrence déloyale (oui) - Absence de droit privatif - Défaut de protection au titre du droit d'auteur - Commercialisation par le distributeur exclusif - Imitation du produit - Copie servile - Parasitisme (oui) - Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui

Texte
Marque n° 3 948 398 de la société Ögon Designs
Texte

La société demanderesse ne justifie pas d'actes de divulgation non équivoques du porte-cartes revendiqué lui permettant de bénéficier de la présomption de titularité de droits d'auteur sur ce modèle. Le catalogue produit, rédigé en langue anglaise, a été imprimé à Taïwan, pays non membre de la convention de Berne, et il n'est pas établi qu'il aurait été diffusé en France. Les brevets portant sur le porte-cartes ont été déposés au nom d’une personne physique désignée comme inventeur et ne sont pas susceptibles de caractériser une divulgation du porte-cartes dans un pays membre de l'Union européenne sous le nom de la société demanderesse. La licence consentie par cet inventeur, qui était le dirigeant de la société demanderesse, ne porte pas sur les droits d’auteur. En outre, la société demanderesse ne justifie pas avoir obtenu l'accord du propriétaire des brevets pour engager l’action en contrefaçon de droits d’auteur. Elle est donc irrecevable à agir à ce titre.

La marque tridimensionnelle invoquée doit être annulée. Elle est constituée par la forme d’un porte-cartes dont le soufflet constitue une solution pratique pour avoir un accès direct aux cartes et optimiser l’espace de rangement. La forme rectangulaire du porte-cartes est induite par celle des cartes et documents qu’il contient et est très couramment utilisée, tout comme les bordures et coins arrondis, la surface rigide ou le fermoir, qui répondent à un impératif fonctionnel. En conséquence, les éléments constitutifs essentiels de la marque sont dictés par le résultat technique recherché. De plus, la forme revendiquée est très proche de celle d'un porte-cartes à coque rigide et ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur. La marque n’apparait donc pas de nature à permettre au consommateur d'identifier les produits comme provenant d'une entreprise déterminée.

La société demanderesse et son distributeur exclusif ne disposent pas de droits privatifs sur les porte-cartes, mais justifient de leur commercialisation. Les porte-cartes incriminés en constituent la reproduction servile, les seules différences résidant dans la suppression de la signature du distributeur et la substitution d’une inscription, différences qui ne suffisent pas à écarter la ressemblance entre les produits. Outre les mêmes dimensions et la même épaisseur, les porte-cartes présentent le même aspect extérieur brillant, le même joint noir, un système de fermeture identique avec le même bouton poussoir débordant de la même façon légèrement sur une des faces du porte-cartes et plus largement sur l'autre. Aussi, la reprise servile des caractéristiques du porte-cartes invoqué est de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur sur la  provenance des produits et est constitutive de concurrence déloyale. Par ailleurs, en se plaçant dans leur sillage pour commercialiser le produit incriminé, la société défenderesse a pu profiter sans bourse délier des efforts des sociétés demanderesses pour assurer la promotion de leur porte-cartes, de sorte que la concurrence parasitaire est caractérisée.

Cour d’appel de Versailles, 12e ch., 3 juin 2021, 20/01775 (D20210029)
Pro-Symnova Industry Co. Ltd c. Best of TV SAS (anciennement dénommée RAF Inventions) et Ögon Designs SARL
(Infirmation partielle TGI Nanterre, 14 avril 2016, 13/12124 ; sur renvoi après cassation partielle CA Versailles, 26 juin 2018, 12/10744 ; Cass. civ., 2ech., 30 janv. 2020, U 18-23.917, D20200038)