Jurisprudence
Brevets

Cession d’un fonds de commerce dans le domaine du traitement des eaux usées, comprenant des brevets et des plans y afférents - Garantie d’éviction due par le vendeur

PIBD 1203-III-1
CA Aix-en-Provence, 16 février 2023

Contrat de cession du fonds de commerce - Manquement à l’obligation de payer le solde du prix (oui) - Exception d’inexécution (non) - Retard dans l’exécution de l’obligation - Préjudice indépendant subi par le cédant (non)

Concurrence déloyale à l’égard du cessionnaire du fonds de commerce (non) - Commercialisation d’un produit par la société cédante - Portée du contrat de cession - Interprétation - Violation de la garantie d’éviction (non) 

Contrat de cession du fonds de commerce - Violation de la garantie d’éviction par la société cédante et son gérant (oui) - Poursuite de l’activité cédée - Clause de non-concurrence - Détournement de clientèle

Transfert au cessionnaire du brevet appartenant au gérant (non) - Existence de la cession de brevet - Absence d’avenant au contrat de cession du fonds de commerce - Carence du cessionnaire - Transfert des plans afférents au brevet (non) - Obligation de délivrance de la chose vendue - Défaut de conformité (non)

Texte

La société cédante du fonds de commerce en cause, dont l’activité relève du traitement des eaux usées, n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale à l’égard de la société cessionnaire en commercialisant auprès du grand public des produits importés, à savoir des « perles d'eau » (billes absorbant une quantité d'eau importante) qui sont utilisées par les particuliers pour limiter l'arrosage. Cette activité est sans relation directe avec le traitement des eaux usées dans une station de relevage, nécessitant, pour chaque client, des études approfondies du projet et la réalisation de plans. Or, les parties au litige ont volontairement restreint le périmètre de la vente du fonds de commerce à la branche de traitement des eaux usées, plus rémunératrice selon leurs propres termes, excluant ainsi l’activité de vente du produit « perle d’eau ». La poursuite de cette activité ne constitue pas non plus une violation de la garantie d’éviction.

En revanche, en conservant une activité dans le domaine du traitement des eaux usées, la société cédante et son dirigeant ont violé la garantie d’éviction à laquelle ils étaient tenus. Cette garantie légale interdit, en effet, au vendeur de détourner la clientèle du fonds cédé. Si le vendeur est une personne morale, cette interdiction pèse non seulement sur elle, mais aussi sur son dirigeant ou sur les personnes qu'il pourrait interposer pour échapper à ses obligations. Or, il est produit aux débats une facture portant sur la commande d’une électropompe monophasée effectuée par la société, ainsi qu’une facture adressée à son gérant et émanant d’une société tierce, relative au paiement d'une prestation de formation liée à des phénomènes utilisés dans le traitement des eaux usées. La cession du fonds de commerce comprenant des études dans ce domaine, elle incluait nécessairement l'activité de conseil et de formation, en tout point similaire. Par ailleurs, la société cédante et son gérant s’interdisaient toute activité identique à celle vendue, dans un rayon de cent kilomètres à vol d’oiseau du fonds de commerce.

L’acte de cession du fonds de commerce mentionne la cession des brevets détenus tant par la société cédante que par son gérant. La société cessionnaire ne peut reprocher à ce dernier d'avoir refusé de lui transmettre le brevet français ayant pour titre « appareil pour le traitement d'un liquide à épurer ». En effet, elle invoquait l'absence de cession antérieure entre le gérant et la société cédante, préalable nécessaire à une cession ultérieure. Or, il est acquis que le conseil en propriété industrielle de la société cédante et de son gérant a transmis cet acte et a tenté de pallier les carences de l'acte initial de cession du fonds de commerce afin de régulariser la situation au regard du transfert de ce brevet et des plans y afférents. En refusant, sans motif légitime, de signer l’avenant qui lui était proposé, la société cessionnaire n'a pas permis cette régularisation et elle est donc seul responsable de la situation préjudiciable qu'elle déplore.

Elle ne peut davantage arguer d'un défaut de transmission des plans joints au brevet français et nécessaires, selon elle, à l'élaboration des flottateurs permettant de dépolluer les eaux usées. La création et la fabrication de ces produits pouvaient être réalisées en l'absence de transmission du brevet et des plans y afférents. Celui-ci a en effet été déposé de nombreuses années après la création de la société qui était propriétaire du fonds de commerce. De plus, il ne consiste qu'en une amélioration limitée à la conception originale du flottateur qu’elle fabriquait et commercialisait.

Par ailleurs, le vendeur est tenu, par l'obligation de délivrance, de mettre à la disposition de l'acheteur la chose vendue et il lui appartient de s'assurer que l'ensemble des éléments composant le fonds de commerce est transmis et facilement accessible par l'acheteur. Toutefois, la preuve de la délivrance non conforme est à la charge de l'acheteur et celui-ci doit dénoncer au vendeur le défaut de conformité dans un délai raisonnable. En l’espèce, il appartient donc à la société cessionnaire du fonds de commerce, qui argue d'une impossibilité de concevoir des flottateurs, de rapporter la preuve requise. Or, il apparaît que son acceptation sans réserve de la livraison, pendant neuf mois, équivaut à un agrément de la conformité de la chose livrée et lui interdit de se prévaloir de ses défauts apparents de conformité. En sa qualité de professionnel, l’acquéreur aurait dû s’apercevoir du défaut de conformité allégué dès la réception de la chose et émettre des réserves en conséquences, d’autant que la fabrication de flottateurs était son activité principale.

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, ch. 3-4, 16 février 2023, 19/10986 (B20230019)
Purostar SASU c. Philippe T,  Purostar  SARL, Gel d’Eau SAS et al.
(Confirmation partielle
T. com. Salon de Provence, 16 mai 2019, 2018000239)